Chapitre 2 - Ça ne devait pas arriver.

103 12 65
                                    

Mardi 12 Novembre 2019

Vingt-deux minutes. C'est le temps qu'il faut pour parcourir les dix-huit kilomètres, séparant notre village, Le tilleul, de la ville de Montivilliers. Pour choisir notre maison, qu'on souhaitait en dehors de ladite commune, nous avons pris en compte la distance qu'on aurait à parcourir pour nous rendre au boulot. La durée nous avait convaincus, mais aujourd'hui, la route me semble interminable. La circulation est fluide, pourtant j'ai l'impression de faire du deux à l'heure et le feu rouge qui me coupe l'élan ne fait que me faire pester un peu plus. Les yeux rivés sur les voyants, les mains crispées sur le volant, et le pied au bord de la pédale d'accélérateur, je prends mon mal en patience. Le temps d'une seconde, dans le rétroviseur intérieur, je croise le regard humide de Lucie puis le mien. L'inquiétude déforme mes traits, les larmes passées luisent sur mes joues, alors que d'autres s'écoulent déjà. Urgence absolue, c'est les mots prononcés par Fanny, qui tourne en boucle dans ma tête, sans discontinuer. 

Le vert s'incruste dans ma rétine. Ma jambe tressautante, enfonce enfin le champignon. Le monospace se met en branle et reprend une allure modérée alors que la circulation se fait plus dense. Je parviens à m'en soustraire, mais ma patience est vite remise à l'épreuve, tandis que je cherche une place de parking. Entre les véhicules mal garés et les emplacements réservés, je peine à trouver un stationnement. Je finis à cheval sur un trottoir à proximité de l'établissement, devant un garage, mais pas le temps de respecter les règles aujourd'hui. 

Lucie, Elio et moi-même descendons de voiture et je me précipite en courant vers le bâtiment des urgences. J'entre dans les locaux et intercepte la première personne en blouse blanche que j'aperçois. 

— Bonjour, mon compagnon a été admis aux urgences il y a peu, il s'appelle Thomas... Thomas Castellain. 

— Je vais me renseigner, je reviens vers vous. Me répond la femme avant de disparaitre derrière une double porte.

Toujours sans un mot, mon amie s'approche de moi et me prend la main. Elle cale sa tête contre mon épaule, tandis que son petit, accroché à son autre bras, somnole. Les minutes s'égrènent, des patients entrent et sortent, dans un ballet incessant. Figé, j'attends le retour de la quadragénaire qui m'a accueilli, mais ce n'est pas elle qui vient nous dessouder Lucie et moi, mais Gabin. 

— J'ai fait aussi vite que possible, vous avez pu en savoir plus ? 

— Non, on attend. Depuis déjà dix minutes...

— Ils sont sans doute débordés, me répond-il en passant son bras autour de mes épaules, dans un geste de réconfort. 

 — Mon coeur, tu veux bien rentrer avec le petit ? Je vais rester avec Martin. 

Gabin me relâche et récupère son fils qui râle un peu pour la forme.

— Je vais aller le déposer chez ma mère, je suis de retour bientôt. 

Il embrasse sa femme, me jette un regard chaleureux et s'empresse de quitter les lieux avec son petit. Je le regarde un instant s'éloigner puis l'attente reprend. Finalement, après cinq minutes de plus, les portes s'ouvrent de nouveau sur la femme que j'attendais. 

— Veuillez me suivre, le médecin va vous recevoir. 

— Comment il va ? Vous savez ce qu'il lui est arrivé exactement, c'était quoi ? 

— Je ne sais pas Monsieur, je n'ai pas eu accès à ses informations. 

D'un pas pressé et anxieux, je suis la blouse blanche, Lucie sur mes talons. On traverse des couloirs, quelques portes, avant d'être invité à attendre dans une petite salle, sobrement décorée de plantes et de fauteuils dépareillés.

Et s'il y avait un après ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant