Chapitre 1 : Conversation autour d'un café.

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- Je ne peux pas croire que tu aies pu.
- Oui, je sais, tu m'en veux, et tu m'en voudras pendant longtemps. dit le jeune homme, en marmonnant.
Le regard de la fille était insistant. Elle ne disait plus aucun mot, et ne faisait rien d'autre que le regarder, en attendant une réponse.
- Quoi ? dit l'homme.
- Tu ne penses pas que je mérite une explication ?
Elle parlait d'un ton interrogatif. Ils étaient trois, assis autour de cette table, dans ce café obscur. Il y avait cette musique de fond perpétuelle. Le café diffusait une émission de musique en stéréo. Plusieurs grandes horloges antiques se trouvaient sur un mur. Les horloges montraient trois horaires différentes. L'autre fille, à côté, regardait constamment les trois horloges, en essayant de savoir combien de temps s'était écoulé depuis qu'ils buvaient leur boisson. La tasse de la femme ainsi que celle du garçon était vide depuis bien de nombreuses minutes, tandis qu'en face, celle de l'autre fille était toujours aussi remplie.
- Bois ton café, veux-tu ? il refroidit, dit le garçon.
- J'aime mon café froid.
- Tu m'as dit l'autre jour que tu détestais le café froid!
- Ne change pas de sujet.
- Je ne change pas de sujet ! Je veux simplement que tu boives ton café.
- C'est bien ce que je te dis, tu changes constamment de sujet. Je suis très sérieuse!
L'autre fille regardait toujours les horloges. Elle ne disait rien. Elle regardait simplement les deux autres se chamailler, puis avec le temps, elle se mit à écouter l'émission de musique du café. À ce moment, yume utsutsu de Lamp passait.
- Dans ce cas, réponds à ma question! Ne penses-tu pas qu'une explication soit nécessaire ?
- Bon. Arrête de t'en faire autant, il n'y a pas besoin de dramatiser la situation, je pars que pour un mois. J'aurais aussi voulu rester, tu sais. Mais il faut que je parte. Je dois me créer un profil professionnel avant septembre.
- Vous partez longtemps. Et ce n'est pas seulement toi. Je m'étais déjà faite une idée des prochaines semaines, et je pensais au moins que je me retrouverais avec l'un d'entre vous, mais tu m'annonces à la dernière minute que tu t'en vas à l'autre bout du monde, tu comprends ? Je savais déjà depuis des mois que l'on ne serait pas trois. Mais je ne savais pas que je ne serais qu'une. On avait prévu tellement de choses... Je me sentirai seule, délaissée, livrée à moi-même, ici! Dit la l'adolescente, en prenant un ton dramatique.
- Ah la la... Je suis sûre que tu te feras de nouvelles connaissances, et puis tu m'en diras des nouvelles! Et si on s'envoyait des lettres ?
- Des lettres, tu dis ?
- Oui, des lettres. Je trouve que les lettres ont un charme que l'on ne peut pas retrouver dans les messages sur téléphone, ou les e-mails. C'est matériel, ce qui rend ça bien plus pratique pour conserver des souvenirs. Avec le temps, on pourra revenir sur des moments que l'on aura partagés à l'écrit. Ou alors, tu peux commencer à rédiger dans un journal, ou même faire les deux, c'est toi qui vois. Tu m'as déjà expliqué à quel point tu voulais découvrir le monde. Je pense que le découvrir seule est en réalité plus intéressant que le découvrir avec des amis. Tu es encore jeune, tu sais.
- On n'a qu'un an d'écart.
- C'est exactement ce que je dis. Nous, à ton âge, on était encore jeunes et innocents. C'est avec l'âge, mais aussi avec l'expérience que nous finissons par grandir, et prendre en maturité. Tu vas me manquer, petite.
- En plus, techniquement, on a que sept mois d'écart.
- Il ne faut surtout pas que tu oublies : "quand on cherche désespérément quelque chose, on ne le trouve pas. Et quand on s'efforce d'éviter quelque chose, on peut être sûr que ça va venir vers nous tout naturellement."¹ Alors ne t'inquiètes pas. N'essaye pas trop de chercher d'atteindre cette liberté et cette découverte, elle viendra par elle même, naturellement.
- J'ai pas bien compris cette citation, mais dans les grandes lignes, tu as raison. Merci de me rappeler ce genre de choses. Tu restes un bon ami. Même si tu me laisses seule ici. Je pense avoir des idées, d'ailleurs.

Ne laissant même pas le temps de demander à ses amis en quoi consistait ses idées, elle leur dit au revoir en les embrassant sur la joue.
Elle savait alors ce qu'il lui restait à faire. Alors plus impatiente qu'elle ne l'a jamais été, elle s'en va, sans même payer la note de son café.

¹ Citation de Kafka sur le rivage, de Haruki Murakami.

770 mots.

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