Le garçon de la maison d'à-côté

Chapitre 1

1/1/22

Mon téléphone vibre : @hottienamedrory vous a identifié dans une story. Rory est mon meilleur ami depuis toujours. Nos mères étaient amies bien avant qu'on ne soit conçu et leurs grossesses simultanées les avaient encore plus rapprochées.

C'est une photo de nous dans l'enfance annotée « Miss you ». Comme vous vous en doutez peut-être, c'est notre premier nouvel an loin l'un de l'autre. J'ai déménagé dans l'état californien depuis une quinzaine de jours. Ma mère voulait se rapprocher de ma grande sœur qui est maman d'un petit garçon depuis deux ans.

Je jette à nouveau un coup d'œil à la photo. Ugh, ce qu'on peut se trouver laid quand on se regarde quinze ans en arrière. J'avais une salopette verte pomme et une coupe à la garçonne. Un jour, mon géniteur m'avait ramené comme ça à la maison selon les dires de ma mère. Il trouvait ça rock. Sa colère refait surface à chaque fois qu'elle raconte cette histoire mais pas pour cette raison en particulier.

hottienamedrory

Miss you too ! Have fun babe

C'est moins drôle quand t'es pas là

Julian te passe le bonjour

Nice

Bonne année Julian !

On s'appelle demain si t'es dispo

Toujours pour toi

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Je lâche un like sur le dernier message et retourne vaquer à mes occupations qui consistent à faire défiler les vidéos YouTube. Mes parents dorment dans la chambre à l'étage.

Il est 02h43 et je me décide à sortir de ma torpeur. J'enfile quelques vêtements chauds, je mets mes chaussures et je passe la porte. Je lève les yeux au ciel et aperçois que la lune est pleine. Je sais que certains d'entre vous vont trouver ça naïf mais j'ai toujours eu l'impression de ne pas pouvoir dormir les nuits de pleine lune. Puisque j'ai enfin trouvé une raison à mon insomnie du moment, je souris bêtement de satisfaction.

Quelques minutes plus tard, je suis assise sur le bord du trottoir devant ma maison. Je sors de ma poche un paquet de tabac, des feuilles et un petit pochon plus que légal dans l'état californien. Je lève la tête et discerne deux phares de voiture dans la nuit sombre. Ils m'éblouissent durant un instant. Je ferme les yeux par réflexe, attends de pouvoir en retrouver l'usage puis roule rapidement avant de ranger tout mon attirail dans la poche de mon jogging. Ladite voiture arrive rapidement à ma hauteur et se gare dans l'allée de la maison voisine à la mienne. Une portière claque, puis une autre. Je fouille dans mes poches pour trouver mon briquet. J'entends des rires au loin. Leurs voix laissent paraître qu'ils sont jeunes. En même il est trois heures du matin et nous sommes le soir du réveillon. Ce ne sont pas des jeunes dans la rue qui doivent manquer en ce moment. J'allume mon joint, tire une première latte et me mets à tousser tellement fort que j'ai eu peur de réveiller mes parents. Le chahut devant la maison voisine s'arrête un instant. Tant pis pour la discrétion. Je n'entends plus que des chuchotements. Je prie tous les dieux qui existent pour qu'ils n'aient pas l'idée de trouver l'origine de cette toux soudaine. Raté. J'entends des pas qui se rapprochent. Je continue de fumer dans l'espoir qu'en utilisant la carte de l'ignorance, je disparaîtrais. C'est un peu la logique enfantine de « si je ne te vois pas, tu ne me vois pas ».

- Hey.

Le seul problème c'est que je ne suis plus une enfant.

- Tu fais quoi ici toute seule ? Rajoute le garçon qui vient de m'aborder.

- Je vis ici, dis-je en pointant avec mon pouce la maison se trouvant derrière moi. Je suis sortie pour fumer, rien de plus. Désolé de vous avoir alerter, ajouté-je avec mon parfait faux petit sourire.

- Oh. Dope. Moi c'est Paxton. On est voisins. Il me tend une main en se baissant un peu pour se mettre à mon niveau.

- Adaïa. Je pose mon joint entre mes lèvres, serre sa main, puis le reprends.

- Bonne soirée Adaïa !

Je n'ai pas eu le temps de répondre qu'il avait tourné les talons. Je n'aurais pas eu grand-chose de plus à dire quoiqu'il arrive. Je n'avais pas réussi à différencier les traits de son visage dans la pénombre, mais je savais déjà qu'il avait un sourire à tomber. Les yeux dans le vide, je continuais de fumer tranquillement. Mon cerveau passait du bruit du vent contre les feuilles de l'arbre du jardin d'en-face, à mon sentiment de solitude, à la tenue que je porterai demain pour aller voir ma sœur, à Rory, à la sensation inconfortable de mes fesses contre le goudron, au goût plutôt sympathique de cette weed, à Paxton. Wow. Nouveau personnage débloqué. Le voisin au sourire de tombeur. Surprise de cette apparition soudaine, je pouffe de rire presque imperceptiblement. Et sans m'en rendre compte, je souris dans le vide.

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