Venganza

Prologue

🎧 Lana Del Rey - The Blackest Day
(écoutez bien parce que c'est une chanson qui représente parfaitement Sofìa)

J'ai fini mon verre d'une traite avant de le reposer sur le comptoir.

Je n'avais pas bu au point d'être bourrée, comme toujours, mais j'avais pris un ou deux cocktails pour m'aérer l'esprit.

Ma michelada avait un goût atroce, plutôt amer, comme toujours.

C'est évidemment pour cela que j'ai acquiescé avec un grand sourire lorsqu'Armando m'avait demandée si je l'avais trouvée bonne.

De toute façon j'étais une habituée de ce bar miteux et Armando me servait toujours la même chose tout  en veillant sur moi, un peu comme un garde-fou,
moi en échange je lui laissais des pourboires : c'est un peu notre deal.

Il m'arrivait de rester des heures ici, à discuter avec ce vieillard à la retraite qui était revenu bosser pour arrondir ses fins de mois.

Il mettait tout le peu d'énergie qu'il lui restait dans ce bar, et les kilos de poussière qui recouvraient les vieilles tables et chaises en bois pouvaient en témoigner.

J'aimais bien Armando, il était ennuyeux mais passionné, quelque chose chez lui me poussait à lui tenir compagnie, je sentais qu'il était terriblement seul derrière ses airs durs.

Il faisait passer des vieilles musiques mariachi (musique traditionnelle Mexicaine), parfois du Country et malgré les dizaines de lanternes éclairant la pièce, elle me paraissait toujours aussi sombre.

Les murs étaient d'un rouge très clair, ou peut-être rose, on aurait dit que la couleur s'était effacée avec le temps et une légère odeur d'alcool trônait dans l'air.

J'aimais bien rester ici, il y'avait souvent très peu de monde (pas vraiment étonnant vu la médiocrité des cocktails d'Armando..) et ça m'évitait d'être anxieuse.

Il essuyait des verres avant de me lancer, en fronçant ses sourcils grisés:

- Sofía mi hija, il se fait tard et ça fait plus de 30 minutes que tu fixes le fond de ton verre, tu ferais mieux de rentrer, tu ne crois pas ?

- Comment pourrais-je te quitter ? Lui lançai-je sarcastiquement, un sourire en coin.

Son rire gras a raisonné dans tout le bâtiment, ça m'a fait du bien d'entendre ça.

Un rire franc et sincère.

- Je t'aurais laissée le bar toute la nuit si j'avais pu, tu le sais, mais il vaut mieux pour toi que tu rentres, sincèrement, tu sais que les monstres grouillent une fois la nuit tombée..

Je ne sais pas trop pourquoi mais sa formulation m'avait mise mal à l'aise.

Les monstres... était-ce ceux de mes cauchemars ?

Ou ceux qui sont là, dehors, bien réels et prêts à me sauter à la gorge ?

Peut-être que ce sont les mêmes.

- Je sais Armando. Merci.

Je ne sais pas vraiment combien de temps j'ai fixé la pendule cassée au fond du bar mais j'ai décidé qu'il était temps pour moi de rentrer quand j'ai senti mes mains trembler.

Les aiguilles parvenaient à faire le tour du cadran, mais l'une d'entre elle bloquait sur le 3.

Quelque chose l'empêchait d'avancer et elle continuait d'accumuler du retard sur l'autre.

Figée dans le temps.

Complètement impuissante.

J'ai salué Armando et laissé quelques pièces sur le comptoir avant de prendre mes affaires pour rentrer chez moi.