Chapître III

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17 ans auparavant.

[Cinq]

*

Il est l'heure de déjeuner, Maman vient de sonner. Je termine rapidement mon discours devant mon miroir et ouvre la porte de ma chambre en même temps qu'Horreur.
Les paroles quotidiennes de Herr Carlson raisonnent dans la salle à manger. Maman se tient droite derrière Vanya, son immense sourire me ferait presque peur.
Notre père apparaît derrière sa chaise, comme nous tous, tellement attentif à la radio qu'il nous oublie. C'est ça tous les midis... Et nous nous asseyons quand lui décide de le faire. Au déjeuner, c'est toujours la même chose : Space et Rumeur se déshabillent du regard et c'est trop dégueu... Kraken grave les jours passés dans cette prison sur la table depuis qu'on a huit ans. Séance profite toujours des heures de repas pour rouler un vingtaine de bédos à l'avance. Horreur lit sûrement l'une des œuvres de Mark Twain que je lui ai conseillé, et Vanya mange en silence. Elle me peine, heureusement que je suis là pour elle.
Quant à moi, je me contente habituellement de soupirer de désespoir face à leur innocence. Mais aujourd'hui, je plante mon couteau dans la grande table ce qui attire l'attention de Hargreeves.

- Je peux vous poser une question ? je demande à mon père.

Je suis peut-être un peu trop sûr de moi...

- Aucun bavardage à table, vous avez interrompu un discours mémorable d'Herr Carlson.

- Je peux voyager, Père. Je suis prêt !

- Vous ne pouvez pas, crache Hargreeves. Votre savoir et votre apprentissage ne sont pas développés.

- Mais ça fait des années que je me prépare ! Mes sauts spatiaux sont parfaits !

Il faut vraiment que je lui prouve ? Quel connard... Je fais alors un bond minuscule dans l'espace et atterrit à ses côtés. Il ne me fait pas peur, cette fois. Je suis prêt à tout pour prendre de l'indépendance.

- Un saut spatial n'est rien comparé aux dangers du voyage dans le temps, m'explique mon père d'un calme que je ne lui connaissais pas. L'un est un simple rhume, l'autre est comme la peste.

Je regarde Vanya.
Elle ne veut pas que je continue, et elle a raison. Mais impossible de m'arrêter. Vanya, comme toute la "famille", a conscience que notre père nous en fait baver et je compte bien avouer haut et fort ce qu'ils pensent tout bas.

- Je n'ai pas peur, je hurle, faisant trembler les murs. Personne n'a peur ici, nous sommes prêts à apprivoiser nos pouvoirs.

- La discussion est close, Numéro Cinq !

J'arrête de réfléchir.
Je n'ai plus envie de réfléchir.
Un dernier coup d'œil à ma petite sœur et je claque l'immense porte d'entrée de toute mes forces, courant à toute vitesse dans la rue pleine de touristes et d'admirateurs stagnant devant l'Académie.
Le portail temporel s'ouvre lorsque je lui demande, je saute à l'intérieur. J'atterris au même endroit, mais dans l'avenir. On reconnaît la rue, ça n'a pas changé. Les passants sont décontractés et souriants : nous sommes en plein été.
Il n'y a pas de voitures volantes ?
Un deuxième portail : il neige, mais c'est toujours le même endroit. Les affiches du film Spider-Man en 2002 ont été remplacées par celles d'un film d'animation Pixar...
Nous sommes en 2015.
Un dernier saut et cette fois ci, je ne reconnais plus rien. Désordre et chaos. Des ruines, du feu... L'Académie n'est plus là. J'appelle Vanya, Horreur, Papa... J'appelle à l'aide. Impossible d'ouvrir un autre portail. Je suis bloqué. Qui sait pour combien de temps. Je cherche quelques indices dans les débris, les déchets, les murs effondrés...
Je crois trouver Space à environ trente ans, tatoué sur l'avant bras comme nous tous. Rumeur, Kraken, Séance... Mais je ne trouve ni Horreur ni Vanya.
Et puis, il y a cette fille. Une jeune brune, aux lèvres roses bonbon et tâches de rousseur faisant ressortir ses pommettes. Affreusement magnifique à première vue, mais elle possède un parapluie sur l'avant-bras. Je crois bien que Hargreeves s'est permis de me remplacer durant mon absence...

Hatred and DesireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant