J'hésite à dire si c'est vraiment la fin de ce recueil... C'était un devoir bonus libre. Nous avions pour inspiration une citation des Liaisons dangereuses, de Laclos, tout fraîchement étudiées. J'ai écrit sur mon temps de sommeil alors que les images me venaient clairement. J'étais heureuse sur le moment. Et six mois plus tard, j'ai grandement modifié le tout pour obtenir un meilleur rythme. J'ai l'impression d'être obsédée par la vitesse de narration... J'en suis désolée... Mais pour l'instant, je suis plutôt contente de cette version !
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C'était une soirée bien pluvieuse. Les bruits de la ville étaient étouffés par le son régulier des gouttes tombantes. Résonnant contre les vitres des fenêtres, dégoulinant des gouttières et des rigoles, l'eau se rassemblait en de multiples flaques sur les pavés. Un bruit sourd et discret rompait cependant la monotonie de l'eau. Des bottes cirées noires piétinaient les miroirs au sol, insensibles. Un homme lançait ses ordres sous la flotte, un autre contemplait la grisaille nocturne depuis sa fenêtre. Tout ce jouerait ce soir-là...
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Astriel était fini. Son maître l'avait abandonné et s'était lâchement enfui. Bien que de toute façon il ne soit pour lui qu'un pantin, ce geste était vexant. Il savait que son temps était compté ; la police allait bientôt le retrouver et frapper à sa porte. Il soupira. Il savait que ce serait le capitaine Linux qui viendrait l'arrêter.
Le jeune homme fit une dernière fois le tour du petit bureau. Des feuilles traînaient encore çà et là, aussi décida-t-il de remettre un peu d'ordre dans son bazar. Au passage, feuilletant distraitement les documents, il relut quelques feuillets, par pure nostalgie. L'aveu de corruption du préfet qu'il avait obtenu en menaçant sa fille unique. Les lettres mensongères qu'il avait envoyé à bien des gens. Les clichés compromettants sur un ministre et sa maîtresse. Les tracs qui véhiculaient des rumeurs sur le juge.
Astriel soupira de nouveau. La manipulation avait été son domaine d'excellence, et il n'en était pas peu fier. Avec des capacités physiques minables, il avait bien fallut les compenser avec une tête incroyable. Mais cette fois-là, il avait mal calculé son coups. Cette vielle voisine trop indiscrète et fouineuse avait parlé et s'était élancée derrière le bouclier de la police, là où Astriel ne pouvait l'atteindre.
Las de son erreur, le jeune intrigant s'assit sur le grand fauteuil, derrière le bureau. C'était cette place qu'occupait autrefois son maître. Astriel s'était toujours contenté de la chaise d'en face, et ce, pendant de nombreuses années. Depuis qu'il devait avoir à peine treize ans. Il avait idolâtré son maître pendant longtemps, le plaçant sur un piédestal. Il l'avait aidé de toute sa loyauté à réussir son coups d'état, déployant un génie de manipulation et de manigances. Jusqu'à ce jour malheureux, avant qu'il ne remarque et ne constate de lui-même sa supériorité face à son maître. Ce fût un jour bien triste, lorsqu'il comprit qu'il ne pouvait plus rien apprendre de lui.
Le temps filait vite, comme l'eau de pluie, celle que de pauvres mains ne pouvaient arrêter. Et il était déjà trop tard pour Astriel ; il ne pouvait plus faire marche arrière. Il avait alors décidé de manipuler lui-même son maître. S'il avait réussi, il aurait pu devenir le marionnettiste contrôlant son roi de chiffon. Mais ce n'était plus à présent qu'une rêverie lointaine.
Astriel se servit un verre de vin de la réserve personnelle de son maître. Le liquide rouge s'écoula dans le verre de cristal avec un léger bruit. Il sortit alors une pochette de soie de l'une de ses poches et la contempla un moment, sans trop penser.
Soudain, de grands éclats de voix lui parvinrent du rez-de-chaussée. Le martelement des bottes sur le parquet et les ordres aboyés d'une voix bourrue indiquèrent au jeune homme que c'était bien le capitaine qui venait le cueillir. À sa surprise, il entendit aussi de fortes protestations d'une voix enfantine. Ce devait être Finn.