Chapitre 1

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Tw violence, transphobie, sous entendu d'agression sexuelle, sang

Isaac regardait avec attention le long couloir vieillot qui se trouvait devant lui. Il avait eu tout le loisir de l'étudier, durant des centaines d'heures mais c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour s'accrocher à la réalité. Roulé en boule pour se tenir chaud, il compta le nombre de lampes usées qui peinaient à éclaircir la pièce. Il y en avait cinq de chaque côté dont une qui ne fonctionnait plus depuis au moins deux mois et que personne n'avait pris la peine de changer. Le tapis, autrefois rouge, tirant à présent sur le marron devant lui, lui semblait bien plus confortable que le fond dur et glacial de sa cage. Au début, il y avait eu un coussin, de ceux qu'on donne aux chiens mais comme personne ne prenait la peine de le faire sortir lorsqu'il était rappelé à sa nature d'être vivant, on le lui avait retiré après un accident de vessie qui lui avait valu de se faire brutaliser encore plus violemment que d'habitude. Isaac tressaillit lorsque des gammas passèrent devant lui, lui lançant à un regard plein de mépris et de haine.

Il aurait dû avoir l'habitude, au bout de cinq ans, de recevoir ce traitement. Cependant, à chaque fois qu'il voyait ceux avec qui il avait grandi, joué, mangé, le regarder de cette manière une partie de lui se brisait encore un peu plus. Il baissa les yeux, essayant de se faire encore plus petit qu'il ne l'était déjà, tentant tant bien que mal de cacher son corps nu de ses maigres bras, les genoux repliés contre lui. Après quelques minutes, le couloir étant redevenu silencieux, il releva la tête pour poursuivre sa contemplation, sachant qu'il ne devait pas laisser ses pensées vagabonder, sous peine de perdre le peu de santé mentale qui lui restait.

Il regardait les tableaux décrépis au mur, surtout des paysages représentant le territoire de sa meute. Son Alpha, Richard Dawson, répétait à chaque réunion de la meute que leur territoire était le plus étendu et le plus impressionnant de tout le continent. De toute façon, personne ne pouvait vérifier ses dires puisqu'aucun loup n'était autorisé à contacter qui que ce soit en dehors de la meute, qu'iel soit humain-e ou loup-ve, sous peine de mort. Isaac se souvenait que lorsqu'il avait encore treize ans, il avait assisté à la mise à mort d'un jeune loup car lors d'une chasse il s'était aventuré en dehors de leur territoire et qu'il avait échangé quelques mots avec les habitants d'un village se trouvant là. Il secoua la tête. C'était la dernière chose à laquelle il avait envie de penser. Il se concentra sur le plafond, moucheté de moisissure et autres tâches suspectes. S'il plissait un peu les yeux, il parvenait presque à croire qu'il regardait le ciel étoilé. Il commença à dessiner mentalement des constellations quand une odeur doucereuse et écœurante le fit instinctivement gémir.

Il connaissait cette odeur par cœur maintenant et elle n'était jamais porteuse de bonnes nouvelles. L'Alpha Richard apparut au bout du couloir. C'était un homme rabougri, aux cheveux autrefois blond qui tiraient désormais sur le grisâtre. Il affichait un rictus mauvais en toute circonstance mais aujourd'hui il semblait à Isaac qu'il était particulièrement mesquin. Il avait dû être beau et fort autrefois mais maintenant tout ce que pouvait voir Isaac était la méchanceté qui suintait par tous les pores de sa peau. Un autre homme se tenait à ses côtés, son odeur capiteuse de fleur de lys étouffée par une odeur d'antiseptique et surtout par la puanteur de l'Alpha. Isaac recula désespérément au fond de sa cage, espérant pouvoir se fondre avec le mur. Dans sa panique, il cogna son bras contre le grillage et geignit faiblement, son poignet n'avait pas eu le temps de guérir après que l'un des gammas, un grand gaillard faisant trois têtes de plus que lui ne lui eût brisé la vieille en venant récupérer sa gamelle de nourriture. L'homme qui accompagnait l'Alpha lui jeta un coup d'œil faussement compatissant et, s'emparant du tuyaux qui sortait du mur, installation faites trois ans auparavant quand il avait essayé de s'enfuir sur le chemin de la salle de bain, il lui dit d'une voix douce :

Le cercle d'OrionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant