À mesure qu'on marchait, l'éclat des voix nous parvinrent, et je remontai inconsciemment mon masque. Munie de ce dernier et de mes gants, je ne passais toujours pas inaperçue, à mon plus grand désespoir. Sentant sans doute mon inconfort, Ellis enlaça sa main dans la mienne en pressant doucement, un signe de réconfort qu'elle utilisait toujours. En remerciement, je lui adressai un petit sourire.
Le feu était le plus ardent de tous ceux que j'avais pu rencontrer. Plantant sa racine d'un rouge puissant et lézardant vers le ciel d'un orange profond, il envoûtait les paires d'yeux ameuttées autour de celui-ci. La nuit était tombée et les étoiles brillaient de leur habituelle clarté. Autre que le feu, c'était ce qui octroyait mon attention plus que n'importe quelle chose : les étoiles. Et peu importe où je regardais dans ce tapis noir qu'était le ciel, elles me suivaient et trouvaient le moyen de me captiver juste en existant.
C'était peut-être aussi l'une des raisons qui me fit perdre mon chemin et trébucher à même le sol, bien qu'il soir plat.
Au lieu de me retrouver face contre terre comme je l'avais prédit, des bras m'enveloppèrent.
Une fois mon équilibre retrouvé, je fis face à un homme d'une quarantaine d'années environ.— Hé, fais attention à où tu vas, jeune fille, ou tu tomberas vraiment la prochaine fois.
— Merci, balbutiai-je.
— Hé, fit-il d'un air interrogatif, tu ne serais pas la fille des Whitelaw ? Celle qui a pour rumeur d'avoir des taches bleues sur le visage, c'est pour ça que tu le caches ? Montre moi, je veux voir !
Dans son excitation, je pris peur, sentant la panique monter en moi. La dernière fois que c'était arrivé, j'avais été contemplée comme un animal de cirque sous le regard curieux de tout le monde. Je ne veux pas être une bête de foire.
Alors au lieu de réaliser son souhait, je me précipitai hors de son emprise et pris les jambes à mon cou, me désintéressant des plaintes qui s'élevèrent alors que je poussai aveuglément ceux qui se trouvaient sur mon chemin. Hors de la foule, je tournai au coin de la rue, où personne ne risquait de me voir.
Le cœur battant, les jambes flageolantes et la respiration courte, je me laissai glisser contre le mur, ignorant à quel point le sol était froid sous moi. Une inspiration, puis deux, l'une plus longue que l'autre, et je les relachai doucement. Dans ma quête de plus d'air, je m'autorisai à abaisser mon masque, ce qui au final ne m'apporte que plus de préjudice lorsque je remarquai une figure de l'autre côté de la route en face, adossé au mur, le regard tourné vers moi.
Mince.
Au lieu de m'enfuir à nouveau, je restai au sol sans trop savoir que faire. Me lever et courir ? Remettre mon masque en vitesse ? Prétendre un évanouissement ?
Avant que je ne puisse faire un choix, la silhouette se redressa et vint à ma rencontre. Maintenant illuminée par le clair de lune, je découvrai un garçon qui m'était inconnu. À deux pas de moi, il s'accroupit, m'observa, et tendit la main.
— Ça ne doit pas être très confortable parterre, tu as besoin d'aide pour te relever ?
C'était la première fois.
La première fois qu'on me proposait de l'aide, la première fois qu'on ne me regardait pas comme un extra terrestre, la première fois que je ne me sentais pas différente. Alors je lui accordai ce droit, celui de me voir, celui d'avoir accès à ma personne. Une rencontre d'une seconde, et pourtant je me suis sentie moi.
Prenant sa main, nous nous sommes relevés. Je fis mine d'épousseter mes vêtements pour divertir mon attention, quoique celle-ci fut sollicitée à nouveau quand une main prit mon visage. Je reculai en laissant une exclamation de surprise m'échapper, prenant par surprise le garçon.
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Le Bleu Des Couleurs
Fiksi RemajaAlors que le printemps tombe sur le sol du village, Fennelis se lasse de la vision constante des murs intérieurs de son chez soi, alors que la vie bat son plein au dehors. Elle n'a qu'une hâte : que le soir tombe et emporte avec lui les préjugés quo...