Chapitre 3

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1er février 1927

Olga était encore plus terrifiée que lorsque les trois brutes l'avaient accostée. En encore plus qu'il y a quelques instants, elle devait rien en laisser paraître. Empêcher sa peau de trop pâlir. Empêcher sa main de trembler sur le bras du jeune homme. Peine perdue. Ce genre de personnage savait exactement quel effet il avait sur ses interlocuteurs.

— Vous avez peur ? demanda-t-il d'un ton léger, presque amusé.

— Non, répondit fermement la jeune femme. Non, je n'ai pas peur.

— Courageuse... ou inconsciente.

Elle ne répondit rien. Dans ce genre de situation, chaque mot pouvait être retenu contre elle. C'était bien pire qu'un tribunal. Là, au moins, elle aurait eu droit à un défenseur. Mais celui qui lui faisait face était à la fois juge et partie. Et elle n'avait aucune envie d'entendre sa sentence.

— Faisons les choses dans l'ordre, reprit-il en s'arrêtant pour la regarder droit dans les yeux. Thomas Scott. Enchanté de faire votre connaissance.

— Olga Kulikova. De même, monsieur, murmura-t-elle en essayant de soutenir son regard.

Mais là encore, peine perdue. Les yeux d'un bleu glacial du mafieux la transperçaient. Elle avait l'impression qu'il était capable de lire en elle tous ces secrets qu'elle aurait voulu taire. Mentir à cet homme était une illusion.

— Peut-être savez-vous qui je suis ?

Oh oui, elle le savait. Comment l'ignorer ? Comment prétendre qu'elle n'avait jamais entendu ces conversations que son oncle tenait tard le soir, quand tous les clients étaient partis et qu'il pensait que plus personne ne pouvait l'entendre ? Oui, elle savait. Nier était vain. Elle se contenta d'un bref hochement de tête. Les yeux bleus ne la quittaient pas.

— Alors vous n'ignorez pas non plus ce que vous représentez pour nous.

— Mon... mon oncle ne parlait guère de ces sujets.

— Laissez-moi vous expliquer, sourit d'un Thomas d'un sourire qui n'avait rien de chaleureux. Votre bar, le Cossack's Inn, jouit d'une bonne réputation et attire une clientèle importante, grâce au trafic d'alcool et aux contacts que votre oncle avait dans le milieu musical. Mais, pour le meilleur ou pour le pire, il est également situé au centre Chicago. Soit pile à la limite des quartiers contrôlés par l'Outfit et de ceux du North side gang, nos... partenaires.

Un bien joli mot pour désigner leurs ennemis jurés. Vadim avait beau ne rien lui expliquer, Olga n'était pas sotte. Elle savait que la guerre faisait rage entre les gangs. Et que chacun devait choisir un côté. La neutralité n'était plus une option.

— Votre oncle avait pris la bonne décision. En échange d'une modique gratification, à peine 40$ le mois, nous lui assurions notre protection. Comprenez bien qu'avec vous, nous aimerions poursuivre ce partenariat.

— Vous... vous me laisseriez le bar ?

Elle n'avait pas pu s'empêcher d'avoir un ton reconnaissant. Trop de fois elle avait elle avait entendu qu'au décès des propriétaires, les lieutenants d'Al Capone s'empressaient de mettre la main dessus pour y placer leurs fidèles. Au fond c'était sa plus grande crainte. Le Cossask's était tout ce qui lui restait. Elle n'aurait jamais pu supporter qu'on le lui arrache.

— Voyons, miss, pourquoi ferions-nous une chose pareille ? rit Scott. Votre famille est loyale à l'Outfit depuis des années, vous êtes jeunes et jolie, intelligente à ce que l'on m'a dit... De quoi vous attirer une clientèle fidèle.

The Cossack's InnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant