Alliance et Mortalis

Chapitre 1 : Veritas

- 15 septembre 2025 - Pennsylvanie - Allegheny National Forest

La prestigieuse école de magie Veritas arborait une devanture pour le moins tapageuse, avec ses belles pierres beiges, ses multiples tours aux toitures effilées et ses fenêtres à plates-bandes. Le tout s'agençait dans une harmonie abusive, balustres moulées et pilastres ciselés. Réputée pour avoir été nommée « meilleure école de magie du monde » par l'Académie des Mages depuis 1996, elle attirait dans ses rangs les jeunes novices ambitieux issus des familles les plus fortunées. Ayden Somedarme, jeune apprenti de vingt ans, s'avançait dans l'une des allées qui bordaient le bassin central en songeant à cette nouvelle année à venir. Il était premier de sa promotion depuis son admission, deux ans auparavant et travaillait sans relâche pour se maintenir à cette position. Le souvenir encore frais de son été avait l'odeur des livres et du vieux papier. Il n'avait pas cessé d'étudier. S'il passait derrière le dixième de sa promotion, il perdait sa bourse d'étude et serait forcé de quitter son école. Les frais de scolarité s'élevaient à 36 784 dollars, sans compter le coût de la pension, le réfectoire et les fournitures scolaires.

— Cent-cinquante-sept balles ! s'exclama Alayna. Pour un bouquin ! Alors que s'il n'y avait pas l'école, je ne saurais même pas lire !

Alayna Singh, une blonde bombesque et Kelly Guzman, une brune aux yeux perçants, s'arrêtèrent en plein milieu de l'allée. Ayden les heurta de plein fouet.

— Eh, fait attention ! gronda Kelly. Saloperie de nécros'.

— Saloperie tout court, lui rétorqua-t-il avec indifférence.

Kelly Guzman fit claquer sa langue et un éclair fugace lui passa dans l'iris. Le jeune homme les dépassa en secouant doucement la tête. Ces deux filles-là étaient dans sa classe depuis son entrée à Veritas et, il le savait, le resteraient jusqu'à sa sortie, dans dix ans. L'école promettait aux novices une formation de treize ans à la suite de laquelle ils ressortaient avec un grade de disciple. Il traversa les longs dédales de couloirs, sa convocation en main, cherchant sa salle en guettant les numéros près des portes. D'immenses croisées d'ogive surplombaient l'allée, bordée sur tout le côté gauche de somptueuses fenêtres en arc brisé. Le jeune homme était vêtu d'un costume trois pièces gris, avec un col à deux boutons, un gilet classique et une veste en coton. Sa tendance à toujours porter des costumes lui valait au choix, soit des ricanements, soit des regards admiratifs. Sa silhouette longiligne et sa belle carrure attiraient toujours l'œil, mais quand plusieurs novices se retournèrent à son passage, il se dit que c'était à cause de ses vêtements.

— Il est beau ! chuchota une voix féminine dans son dos.

Le costume, persista-t-il à penser.

— Ah ! Tiens, monsieur Somedarme !

Il se tourna d'un trait et aperçut son professeur d'enchantement au détour d'un couloir.

— Bonjour monsieur Aguilar.

— C'est un très beau costume ça, jeune homme. J'ai cru entrevoir... Oui, c'est bien cela. Un enchantement.

Il saisit le revers de sa veste, mettant en avant un sigle minutieux et à peine perceptible. D'un geste souple, il saisit la petite loupe qu'il gardait toujours dans la poche avant de son costume et la braqua devant son visage.

— Je vois la rune d'application au matériau, continua-t-il en plissant les yeux, et ici, un assemblage runique de fonction indiquant une caractéristique propre à l'ensemble... La vertu froide et puis la répétition des courbes indiquant un assemblage. Tu as pensé à l'espace entre la seconde section runique et la première, en notant l'inclination et en ajustant les tendances en fonction des zones d'application. C'est très fin... Très, très fin... Ton costume ne doit pas tenir bien chaud. Tu l'as enchanté pour pouvoir le porter en été, je me trompe ? C'est de l'excellent travail.