Bonne Lecture!
On ne rencontre pas les gens par hasard. Ils sont destinés à traverser notre chemin pour une raison.
Dimanche
C'est le point du jour , je refusais de quitter les bras de Morphée. J'ignorais mon réveil qui venait de sonner au quadruple. Le ciel s'éclaircissait , la brume matinale annonçait le début de la journée. La porte de ma chambre venait de s'ouvrir , à brûle-pourpoint , avec un grincement strident. Kadija venait d'entrer au moins pour la troisième fois.
Tu comptes te lever ou pas?
Me demandait elle.
Si!
Disais-je tout court pendant qu'elle refermait la porte derrière elle.
Ça ne fait que deux semaines depuis qu'on a sonné le glas pour ma femme. Le vide qui gît dans mon cœur , est aussi grand que le vide qui sépare le ciel de la terre. Je suis mal en point et la douleur ne s'estompe point. Mon coeur est fêlé , mon bonheur scellé. Hier elle m'a ouvert son cœur et aujourd'hui elle m'a fermé ses yeux. La première fois que je me suis senti merveilleusement bien après avoir perdu ma mère , c'est quand je l'ai prise dans mes bras pour lui dire bienvenue dans ma vie , et la première fois que je me suis énormément senti mal suite au décès de maman , c'est quand je l'ai prise dans mes bras , pour la mettre dans sa tombe, et lui dire à dieu.
Cette souffrance, j'ai essayé de la diluer en vain. Tant s'en faut , Elle ne cesse de s'intensifier. C'est comme une blessure qui s'est réouverte. Une partie de moi s'est éteinte avec ma mère. Ma femme était venue compléter l'autre moitié qui me restait. Aujourd'hui je suis juste un cadavre ambulant.
Elle était venue dans les moments les plus sombres de ma vie. Quand je n'attendais plus rien du temps. Elle est apparue comme une lumière au milieu des ténèbres et a illuminé ma vie comme le soleil qu'elle était , la lune qui éclairait mon chemin , l'espoir surgit de nulle part quand tout était perdu. On s'entendait comme larrons en foire.
Maintenant, mes journées sont comme plus longues que d'habitude. Mes nuits , quant à elles , je les passe presque toutes comme une chandelle de veille. À penser à elle , à revivre dans ma tête nos moments passés ensemble. Les bons et les mauvais , joie et tristesse , rires et pleurs , disputes et réconciliations. Et quand le jour se lève , je suis contraint de me lever aussi. Mon seul dérivatif , c'est mon travail ; Qui devient accablant ces derniers temps. Je suis obligé d'écouter mes patients. Les aider à résoudre leurs difficultés sociales et leurs troubles mentaux , les soutenir psychologiquement alors que je suis dans un pire état. Je me dois de les aider à aller de l'avant, à se sentir mieux après les sales coups de la vie. Cette belle traîtresse! Elle n'est que souffrances et soubresauts au gré d'innombrables vicissitudes.
Elle est partie dans les moments les plus merveilleux de ma vie. Quand j'avais presque oublié ce qu'était la solitude. Quand j'avais eu tout ce dont j'avais besoin pour être comblé , quand j'ai entendu les premiers cris de ma fille. Ce jour là, j'avais crié avec la petite mais pour une raison différente. Elle criait parce qu'elle venait de naître et je criais parce qu'elle venait de disparaître. Ma femme venait de perdre la vie en donnant vie.
C'est bizarre mais j'entends encore les pleurs de la petite.
Disais-je tout bas!
Je sursaute tout de go quand je me suis rendu compte que ces cris étaient réels , ses cris m'ont ramené sur terre. J'essuie vite les larmes qui venaient de s'échapper de mes yeux.
Ma fille? Sa fille? Notre fille!
J'AI UNE VIE!
Criais-je
Quel égoïste j'ai été. J'ai laissé la mélancolie me submerger. J'ai arrêté de me battre quand son cœur a arrêté de battre et je me suis plongé dans un état de neurasthénie. J'ai baissé les bras alors qu'une nouvelle étoile venait juste d'entrer dans ma vie , une lumière. J'ai été lâche quand j'ai confié ce trésor à ma soeur , j'ai fuit carrément fuit mes responsabilités sans me rendre compte que ma femme était encore là. Tout près. Parce que je la verrai toujours à travers les yeux de la petite , son sourire. Elle me rappelera toujours la merveilleuse femme qu'a été sa mère. Je dois donc continuer de vivre pour elle , lui donner tout mon amour , lui accorder mon temps plutôt que de l'utiliser à me noyer dans mes émotions.
Je dois me battre pour ma fille! Et je vais commencer aujourd'hui.
Le lendemain
Quelques semaines se sont écoulées depuis cette fameuse soirée qui fit don d'une personnalité chancelante et impétueuse à Tislime. Cette dernière aussi forte qu'elle a essayé d'être, son bien être s'est quand même ébréché de fil en aiguille. Entre revivre cette horrible scène qu'elle dorme ou qu'elle soit éveillée et voir son année académique se rapprocher du désastre , elle ne savait pas quel était le pire. Toujours un quotidien perturbé, déclenché par des crises de colère , renforcé par des troubles psychologiques et couronné par des sauts d'humeur comme si ses émotions étaient contrôlées par un variateur.
Ses parents ont préféré qu'elle laisse tomber ses études pour un temps plutôt que la laisser tomber elle. Elle quitta ainsi l'université. Ils l'ont accompagnée durant ces dures périodes mais le soutient familial était loin de suffire. Elle devait impérativement voir un psychologue avant que les choses ne deviennent plus mal. Au début de ses séances, c'était un peu compliqué pour elle qui croyait frôler la folie. Elle n'arrivait pas à gérer mais au fur et à mesure , avec la présence de sa famille , elle y est arrivée. Et depuis quelques jours déjà elle se sent mieux espérant désormais que tout se passe bien.
Après sa séance chez le psy , son père les déposait elle et ses frères jumeaux à l'université. Étant donné que les choses s'étaient un peu améliorées , elle ne voulait plus rester à la maison. Elle avait besoin de reprendre le cours de sa vie , essayer d'oublier cette terrifiante histoire , et revoir ses amies serait d'une aide précieuse à sa guérison. Sur avis du psychologue , ses parents ont accepté son retour en cours.
Le Mercedes roulait rapidement , le vent soufflait légèrement. Une mèche de cheveux deborda et vint troubler la vue de la jeune fille , assise au côté de la fenêtre , qui se frotta les yeux et la remise derrière son oreille droite. À côté de son père son jumeau Abdoul Rahman et à côté d'elle son autre moitié Abdoul Rahim qui la regardait de temps en temps du coin de l'œil.
Monsieur Dieye souffla de fatigue car ayant passé toute la nuit sur la corde à linge. Il regardait néanmoins sa fille à travers le rétroviseur comme pour s'assurer qu'elle est encore sur terre. Abdoul Rahman lui lançait parfois des piques et soit elle riait un peu , soit elle ne disait rien. Elle restait calme et se contentait de regarder les voitures qui passaient. Abdoul Rahim prit doucement sa main et la caressa. Elle sourit timidement.
Je vais gérer!
Murmura t'elle.
Son père qui avait entendu sourit discrètement et continuait de rouler. Le reste du trajet se fit presque en silence. Après quelques minutes de route , le Mercedes arrive devant un immense immeuble gris à carreaux avec un portail métallique beige à deux battants. La présence du brouhaha caractérisait la seconde demeure des étudiants. Les jumeaux embrassèrent leur père avant de le quitter.
Dans la grande cour de l'établissement, Les étudiants ne cessaient de voiciférer. Cette ambiance avait manqué à Tislime. Ce bruit , ce monde, cet atmosphère, ces personnes , ses amis qu'elle essayait de localiser des yeux dans ce grand public. Les garçons quant à eux , étaient directement entrés en salle.
De loin , Kadija aperçut sa copine. Elle courut se jeter sur elle avant que les autres n'aient eu le temps de la remarquer.
Dou...cement tu m...m'étouffes!
Disait-elle difficilement pendant que Kadija la serrait comme si sa vie en dépendait.
Excuse-moi! Tu m'as tellement mais tellement manqué!
Fit-elle toute excitée!
Cette dernière tira la main de Tislime pour qu'elles rejoignent les filles. La journée s'annonçait bien.
À suivre...