Resurrect The Sun

Chapitre I

- "Isn't it lovely, all alone?
Heart made of glass, my mind of stone
(Tear me to pieces, skin to bone
Hello, welcome home.)"
Lovely- Billie Eilish ft. Khalid.

– Eh !
J'observe le reflet de la pleine lune dans l'eau glacée de Charles River. Mes boucles brunes se collent à mon visage à cause du vent. Je perçois le bruit des voitures passant non loin. Quelques klaxons et sirène de police retentissent. C'est le cœur de Boston qui bat.

J'observe mes vieilles converses plantées sur le béton froid du pont. Mes fines semelles me font ressentir la fraîcheur du sol qui me fait frissonner.

C'est comme une piqure de rappel qui me ramène à la réalité et sur ce que je suis venue faire ici, à minuit. J'ai voulu éviter le plus possible les personnes bourrées qui déambulent dans le quartier. Je voulais être tranquille en ce jour aussi fatidique. Malgré tout, je ne juge pas ces personnes alcoolisées, puisque de toute façon, je suis alcoolique comme elles. Mais, il en existe plusieurs types. Il y a celles qui sortent de boites, souvent accompagnées d'amis, ou de mec douteux qui veulent, « soi-disant » les ramener chez elles. Certaines de ces personnes disparaissent à jamais. Soit on les retrouve mortes au fond d'un fossé ou enterrées au milieu d'une forêt sombre, soit on ne les retrouve tout simplement pas. Malgré ce que l'on peut croire, le trafic humain est très répandu sur cette planète.

Il y a aussi les personnes sans-abris. Celles-ci sont quasiment toujours saoules, jour comme de nuit. Ensuite, il y a les mecs lourds, qui vous sifflent, vous aboient dessus si vous ne répondez pas ou si vous déclinez leurs offres perverses. Au choix.

Les plus timbrés oseront même venir vous effleurer, vous toucher. Ceux-ci, ce sont les pires. Ils sont ceux qui me font le plus pitié. Dans le sens où ils me dégoutent à un tel point que je pourrais en vomir toutes mes tripes. Ils vous font croire que vous n'êtes qu'un objet, qu'un corps doté de « trous », qu'un bout de viande jeté à des charognards.

Je ne pourrais même pas les qualifier d'êtres humains. Quoique, c'est bien dans la race humaine que l'on retrouve les vices les plus sombres. N'en déplaise à certains, les hommes les plus hauts placés de notre monde en sont l'exemple. Qu'est ce qu'on ferait pour de l'argent et du pouvoir ? Entre richesse, trafic et pédophilie, on ne s'y retrouve plus.

Et puis vous avez les personnes comme moi. Ces personnes qui ont un chez eux. Mais qui déambulent dans les rues, les yeux vides. Souvent anxieux ou dépressifs. Nous, on ne vous attaque pas, on ne vous parle pas, on ne vous regarde même pas. On est tout simplement perdus au plus profond de notre conscience. Soit on est tourmentés, soit on ressent une vive tristesse, soit on ne ressent rien. Ou bien un mélange des trois : un cocktail mortel.

Enfin je parle pour mon cas. Nous vivons tous notre douleur différemment.

C'en est d'ailleurs la raison de pourquoi je suis là, en pleine nuit prête à sauter d'un pont à Boston. Prête à me retrouver dans l'eau glacée, qui peut-être, me fera ressentir quelque chose avant mon dernier soupir. On me retrouvera surement dans les jours ou semaines, voire les mois à venir, complètement gelée au fond de la rivière. On essaiera surement d'identifier mon corps. Ensuite on tentera d'appeler mes proches, mais il n'y aura personne à contacter. Le seul numéro qu'on pourra trouver sera celui de mon patron : Monsieur Jaeger. La seule présence que j'apprécie vraiment. On demandera surement aussi à mon collègue, Jim. Un mec peu fréquentable et louche, mais il me sert de fournisseur de drogues.

L'alcool, la cigarette et les drogues ont bien aidé aussi. Le mélange qui parcourt mes veines, mes poumons et tout mon corps actuellement me met dans un état ou je peux essayer d'oublier. Ou je peux oublier que je vais mal. Que je ne ressens plus rien. Parce que, oui, ne plus rien ressentir fait mal. Je vous assure, on le comprend quand on le vit.