Resurrect The Sun

Chapitre VI

Temoe marche devant moi à grande enjambées. Tout à l'heure j'ai cru entendre son ventre gargouiller. Blondi doit avoir très faim.

J'ai décidé de l'appeler comme ça à la seconde où il a dépassé la porte de la librairie. C'est ma revanche. Je lui avais pourtant dis que l'on n'était pas amis. Je ne comptais même pas le revoir.

Mais maintenant qu'il a rencontré Elyo, et qu'il sait où je travaille, je risque de le voir débarquer tous les matins. Ça ne m'étonnerait pas. Monsieur Jaeger m'a dit qu'il l'aimait déjà bien après m'avoir forcé à avoir un contact social avec Temoe en allant manger avec lui. J'adore Elyo mais là, c'est trop. Je suis sûre qu'ils ont fait un deal juste avant. Ou bien Temoe l'a payé assez cher pour qu'il dise des âneries pareilles. Mais à vrai dire, je pense que mon patron n'aurait jamais fait cela. Même pour de l'argent. Il n'est absolument pas comme cela. Bien au contraire, il a une philosophie de vie qui le pousse à ne trouver quasiment aucune importance en l'argent.

Il pense que l'amour, pas que dans un couple, mais dans une famille ou une amitié, est la chose la plus importante. Il affirme que nous sommes fait d'amour et que nous sommes des êtres destinés à cela. Ça fait un peu illuminé, je sais. Mais vaut mieux cela qu'un patron tyrannique qui se nourrit de vos souffrances et de vos pleurs, non ?

J'aimerais bien être d'accord avec Elyo. Malheureusement je ne sais pas vraiment ce qu'est l'amour. Je ne l'ai jamais vraiment expérimenté, que ce soit avec la famille ou avec les amis. Ou peut-être que je ne m'en rappelle tout simplement pas. Je n'ai pas de souvenirs de ma famille biologique, de mes parents. Je ne sais pas s'ils m'aimaient. La seule chose dont je me souviens, ce sont des coups de feu et des cris un jour dans mon existence. C'était le jour de mes trois ans. Mes parents, ont été tué. C'est tout ce que je sais. Après j'ai été emmenée dans un orphelina puis placé en famille d'accueil en France pendant 4 ans. Cette première famille était gentille. C'est la seule qui m'a respecté. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Mon père d'accueil est décédé d'un cancer du pancréas. Il s'appelait Jean et il était adorable. C'était comme un repère pour moi en tant que petite fille perdue et seule, sans parents. Souvent, j'ai l'impression de le retrouver en Monsieur Jaeger. Surtout dans ses sourires bienveillants. Sa mort m'a rendu bien triste.

Françoise, ma mère d'accueil, n'a pas supporté sa mort. Elle n'avait plus la force de s'occuper de moi et des autres enfants. Elle est tombée en dépression. Elle aussi, était un pilier dans ce monde dense. Elle nous cuisinait souvent de plats français. Mais elle préparait également des plats italiens comme des cannelloni, des gnocchi alla romana, ou simplement des pizzas et des spaghetti. Je me souviens aussi des Saltimbocca de veau à la sauge. J'aimais moins cela. Françoise savait que j'étais italienne, et elle tentait tout pour que je me sente comme chez moi. Elle me répétait qu'il ne fallait pas que j'oublie d'où je venais. Elle était une lumière dans ma vie, comme son mari.

Par la suite, je suis allée en foyer puis l'on m'a replacé dans une autre famille. Cette fois c'était chez les De La Cour. Évidemment, j'étais très bouleversée par tout ces changements, j'étais si jeune. Et puis cette famille était bien moins chaleureuse. Je les soupçonne même d'être racistes sur les bords.

Je n'arrive donc pas à être d'accord avec Elyo sur le fait que nous sommes tous des êtres de lumière et d'amour. Car ceux-ci n'étaient fait que d'obscurité et de haine. En tout cas, c'est ce que mes chaotiques souvenirs me disent.

Je continue de suivre Blondi qui me fait dos. Il porte toujours sa doudoune The North Face. Il fait froid en janvier à Boston. Moi qui pensais qu'il avait une veste pour chaque jour de la semaine, je me trompais. Je vois qu'il a un jean bleu clair assez droit, dont je ne connais pas la marque. Surement un truc de super giga riche.