L'écœurant éclairage orange réveilla progressivement tout le quartier falfenife. Nidoit grogna et roula sur lui-même. Pas maintenant ! De désespoir, il enfouit sa tête dans l'oreiller et pleurnicha.
La cloche d'alerte avait sonné durant une bonne partie du sommeil, et même lorsqu'elle s'était arrêtée, Nidoit avait continué de l'entendre dans sa tête. Il n'avait quasiment pas dormi, trop préoccupé de savoir si cette cloche avait sonné pour l'un de ses amis. Peut-être que le soldat qu'il avait assommé s'était souvenu de son visage ? Un Narar allait peut-être enfoncer sa porte dans la nuit pour l'emmener à Cerna Dol, la prison d'où personne ne revenait.
Ses semblables devaient être dans le même état de fatigue que lui. Il ne se passait jamais rien de bon pour les Falfenifes quand la cloche d'alarme retentissait.
Dans un nouveau grognement, il se força à se lever. Le bruit continu de la cascade ouest acheva de le réveiller. On s'y habituait, à vrai dire, mais c'était comme s'assoupir près d'un ronfleur. On ne pouvait rien y faire à part essayer de dormir et de se réveiller la tête dans le fondement !
Pour atténuer les vertiges, il croqua dans des racines séchées qui traînaient sur sa table. Il trouvait que cela lui conférait du charme d'en avoir une constamment au coin des lèvres. Ce qui était moins charmant, c'étaient les migraines qui accompagnaient parfois ses excès. Au-delà de trois racines par jour, ça ne loupait pas.
Il passa les doigts dans ses cheveux noirs afin de les démêler, puis les attacha avec un vieux bout de tissu issu de l'une des manches de sa tunique. Il se massa rapidement le visage dans le but de le défriper.
Des cernes noirs et gonflés lui entouraient les yeux, ce qui n'était pas pour embellir son teint naturellement gris clair.
Nidoit ne s'aimait pas. Il voyait chez lui tout ce que les autres Falfenifes considéraient comme monstrueux. Il était plus grand, plus robuste, plus résistant. Il ne savait pas grimper aux parois à cause de ses doigts manquants. Et c'était sans mentionner les trous disgracieux de son épiderme, vestiges d'une maladie infantile mal soignée. Et ses genoux râpeux. Et ses ongles dédoublés... On aurait pu continuer comme cela encore un moment.
Énervé, il grignota quelques pelures de carottes brunâtres à la limite de la décomposition en guise de petit-déjeuner. C'était tout ce qu'il avait gagné à travailler comme un forcené à la carrière... Au moins restait-il honnête. Il ne voulait pas voler les autres Falfenifes qui mouraient autant de faim que lui. C'est qu'il avait une certaine fierté tout de même.
Après ce repas plus que frugal, il décida d'examiner d'un peu plus près sa trouvaille de la veille. Depuis sa sortie de l'eau, l'obsidienne semblait avoir pris une teinte noire encore plus profonde. S'il l'orientait correctement vers la lumière, de magnifiques stries bleues apparaissaient. Cet éclat valait certainement beaucoup d'argent, mais Nidoit ne courait pas après la richesse : c'était un collectionneur.
Il gratta la terre qui composait le sol de sa demeure et arriva jusqu'à une grande boîte faite à partir d'un champignon séché. Il souleva le couvercle et découvrit sa cache, remplie de trésors.
Des bocaux saturés de boutons et, plus au fond, reposaient un casque narar tout rouillé, un morceau de tissu mauve, une semelle de chaussure... La plupart du temps, Nidoit trouvait tous ces objets près des Rivières Vertes, là où les Narars se débarrassaient de leurs détritus.
Il entoura soigneusement son éclat du tissu mauve et le déposa religieusement dans la cache. Cette pierre était sans conteste le joyau de sa collection. Il reboucha l'excavation, dans l'espoir que personne ne la trouve jamais, et se retourna vers la seule fenêtre de sa demeure.
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La Faim du Souboue - tome 1, le Cercle des Compagnons Gris
FantasyNidoit n'est pas un Falfenife ordinaire. Douze doigts, ce n'est pas assez pour être accepté parmi les siens, mais c'est aussi trop pour plaire aux Narars, les puissants maîtres des lieux. Alors que Nidoit et ses amis explorent les Bordures Extérieur...