L'agacement et la nervosité rongeaient l'esprit de Lésyl comme un ver de roche serpentin rongeait la pierre. Les Falfenifes se rebellaient. Son petit discours à la carrière n'avait pas eu l'effet escompté puisque peu de temps après son départ, des travailleurs avaient déclenché une bagarre. Tout ce qu'il fallait éviter. Sa réputation allait en être sérieusement entachée.
Il se massa les tempes. Et si d'autres Falfenifes se révoltaient ? Si les autres sunduils, le conseil royal, ou pire encore, son frère, rejetaient la faute sur lui ? Et si on lui retirait son titre de sunduil tout juste acquis ?
Rageusement, il donna un coup de sabre dans le mannequin de chiffon dressé devant lui, roula sur lui-même et assena une nouvelle estocade plus rapide. Il se releva, faisant face aux jeunes soldats en apprentissage, et jeta un rapide coup d'œil en arrière. Le mannequin vacilla sur son support et tomba sur le sol dans un bruit mat. Un petit sourire discret naquit sur son visage, tandis qu'il rangeait ses sabres dans leur fourreau.
Cela faisait très peu de temps qu'il avait été promu sunduil et cet honneur l'obligeait à former de nouvelles recrues. Des enfants de nobles surtout, des garçons et des filles que leurs familles espéraient voir un jour devenir sunduils pour protéger Karmozan des golnes et autres créatures plus dangereuses encore.
Lésyl était relativement jeune, du moins assez pour que le passage du temps n'ait pas encore marqué son visage : et cela le mettait dans une situation embarrassante vis-à-vis des autres sunduils qui avaient parfois le double de son âge.
Sa démonstration sembla laisser de marbre ses disciples qui le regardèrent d'un œil morne. Lésyl aurait voulu les secouer mais cela n'aurait servi à rien. Selon ses pairs, il n'était pas un bon maître d'armes.
Ils le considéraient ni plus ni moins que comme un faible, un mou qui n'appliquait que très rarement des sanctions.
Les autres sunduils ne se gênaient pas pour faire enfermer ou châtier leurs élèves quand ceux-ci rataient un exercice. Mais Lésyl ne voulait pas leur ressembler. Il avait très mal vécu sa formation de soldat et s'était juré de ne jamais faire subir ce qu'il avait enduré à ses élèves.
Il se rappelait avec douleur les tortures qu'on lui avait infligées, ainsi que les longs mois de cachot. Les cicatrices sur son dos témoignaient d'ailleurs des sévices que ses maîtres lui avaient administrés, en punition de quelques erreurs. Malgré tout, Lésyl s'était montré le meilleur de tous et avait reçu des honneurs de la part du roi Délil Gal lui-même. Vraiment, peu de ses élèves mesuraient leur chance d'être affectés sous ses ordres.
Après deux heures d'entraînement acharné, Lésyl libéra ses élèves et leur conseilla vivement de courir et d'exercer leur agilité.
Il resserra la grosse ceinture en soie d'araignée qui retenait sa tunique à la coupe droite bien en place et rejeta sa chevelure blanche en arrière avant de prendre congé de cet endroit qui puait les excrétions corporelles. La sueur collait quelques-uns de ses cheveux à ses joues rosies par l'effort ; il aurait besoin d'un bain pour retrouver un aspect présentable. Il s'essuya rapidement le visage.
Lésyl avança dans les couloirs orangés d'Ibar, jetant un coup d'œil furtif dans les autres salles d'entraînement où ses confrères enseignaient. Certains d'entre eux le regardèrent avec hostilité.
Les nouvelles de mon fiasco se répandent déjà.
Dans la dernière pièce de l'étage, il aperçut Vidile Deminuit, le directeur d'Ibar et le seul hermétiste de Karmozan capable de s'enorgueillir de ce titre. Tous deux entretenaient une certaine amitié, même si les points communs leur faisaient défaut. Le visage long et sec, Vidile ressemblait à un vieil homme soucieux de son apparence. La vérité était qu'il n'était pas aussi âgé qu'on pouvait le penser. Le contact prolongé avec les vapeurs de ses potions lui avait parcheminé la peau du visage. « Le prix de la réussite », se plaisait-il à dire.
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La Faim du Souboue - tome 1, le Cercle des Compagnons Gris
FantasyNidoit n'est pas un Falfenife ordinaire. Douze doigts, ce n'est pas assez pour être accepté parmi les siens, mais c'est aussi trop pour plaire aux Narars, les puissants maîtres des lieux. Alors que Nidoit et ses amis explorent les Bordures Extérieur...