Epilogue

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Lewis

Mon menton heurte le sol avec une puissance qui m'arrache un rugissement de douleur, tandis que je m'écrase par terre. Je n'ai rien vu venir, rien du tout. Autant parfois je me sens glisser, ou lâcher prise, autant là, j'ai l'impression d'avoir fait un bond dans le temps : l'instant d'avant à califourchon sur un bestiau de presque mille kilos, et celui d'après à bouffer le sol poussiéreux de l'enclos.

Autour de moi, les cris fusent, dont celui de ma femme. Et rien que de savoir qu'elle a eu peur pour moi, et je me redresse à la vitesse de l'éclair pour lui montrer que je ne me suis rien cassé, cette fois-ci. Je sais qu'elle n'est là que pour vérifier en vitesse si je vais bien, et elle file déjà vers son stand.

Ma mâchoire me fait un mal de chien, mais les bleus dont elle va se recouvrir en quelques minutes ne sont pas un gros problème. Daisy a fini par s'y faire, au fur et à mesure des rodéos auxquels j'ai participé. Enfin, quand j'ai pu, hein, lorsque mon bras a été guéri.

Je crache pour me débarrasser de la terre sur ma langue, et relève la tête vers le compteur. Putain, quinze secondes, je suis forcément qualifié. Et ma conclusion est vit entérinée par la validation du juge, qui me note sur le papier pour la finale de cet après-midi.

Je me marre, en me rendant compte que les deux-mille euros de récompense, reviendront à l'envoyeur, vu que je suis l'organisateur de l'événement du jour. Enfin que Grey Mountain reçoit pour la première fois un des rodéos de la saison.

La foule est dense, et je reconnais à peine mon ranch, inondé de monde. Toute la région s'est donné rendez-vous ici, en ce mois de juillet, et je ne sais plus où donner de la tête.

— Pas mal, patron ! s'écrie Archie quand je le rejoins de l'autre côté de la barrière. Finalement, tu vas récupérer ton propre fric !

Je ricane, mais en profite pour le taquiner.

— Et je compte sur toi pour gagner le concours de saddle bron riding*, mec. J'ai pas envie de filer le fric à un type de chez Coleman.

Archie se marre, en hochant la tête.

— C'est comme si c'était fait, chef !

Je lui balance un regard désabusé, qui le fait glousser comme une nana. Ce type est vraiment trop sûr de lui.

— Eh ! s'écrie-t-il en jetant un coup d'œil à son portable. Faut que j'y aille. C'est les éliminatoires de la course de barils.

— Bordel, grogné-je, je sais pas pourquoi t'as accepté qu'elle participe.

Archie hausse les épaules d'un air défaitiste et je lève les yeux au ciel devant son manque de persuasion.

— Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? grommelle-t-il. Que je l'attache à la barrière ? Ça fait presque deux ans qu'elle se prépare, j'allais pas l'en empêcher !

— Elle n'est pas prête... Elle monte à cheval depuis trop peu de temps.

— Elle s'en rendra compte elle-même.

Je roule des yeux, mais lui emboite le pas, curieux de voir comment Charline va s'en sortir. Elle a décidé, sur un coup de tête, de prendre des cours d'équitation, il y a deux ans, avec pour objectif, totalement assumé, de participer un jour, le plus tôt possible, à un rodéo. Idée loufoque, quand on voit son niveau actuel, malgré des dizaines et des dizaines de cours. Archie a bien tenté de l'en dissuader, mais il n'a réussi qu'à conforter la jolie avocate dans son projet débile. Résultat : elle concourt aujourd'hui, pour la première fois.

Le blond a bien du mal à gérer sa chérie : elle n'en fait toujours qu'à sa tête, de toute façon. Moi perso, je ne supporterais pas une nana comme ça, mais ça a l'air de lui plaire, à lui, alors qui suis-je pour y dire quoi que ce soit ? Elle cause trop aussi, mais c'est un autre débat.

Coloc à Grey Mountain [ sous contrat aux éditions Addictives ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant