Chapitre 2: Trop de pensées dans ma tête

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Après la balade et la rencontre dans les bois de ce matin, il n'y eut plus d'événement intéressant. Pour tout dire, je suis resté à parler de tout et de rien avec les deux tourtereaux pendant tout l'après-midi.

Actuellement, je suis planté devant un de mes miroirs à penser. Penser à la vie que je vis, au garçon que je suis, à mon envie de dire à ma famille ce que je ressens. Mais pour leur dire quoi ? Que je ne sais pas qui je suis ? Qu'il y a quelque chose qui ne va pas en moi ? Que j'ai cette envie d'exploser mais que j'ai aussi peur qu'elle fasse trop de dégâts ?

Non, c'est ridicule. Je me crée juste des problèmes parce que je n'ai pas assez d'attention. Mais tout de même... Pourquoi je me sens comme ça ? Plus que gênant ça commence à m'agacer. Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ? C'est quoi mon problème !?

Le garçon en face de moi n'a vraiment pas l'air satisfait, il fait une de ces têtes... Lorsque que je le remarque, je me calme d'un coup. Ce n'est pas le moment de se poser des questions sans queue ni tête, je devrais plutôt aller dormir. Avec un peu de chance, ça ira mieux demain. Enfin, je l'espère.

Alors je descends les marches menant à la scène et passe entre les rideaux. Comme d'habitude, mon lit m'attend, coller contre un des murs. J'aurais été étonné si cela n'avait pas été le cas. Je pose mon ruana sur le dossier de ma chaise et m'avachis sur mon bureau, comme si j'avais fait l'action la plus éprouvante de ma vie. Je tourne la tête vers ma fenêtre, par lesquels les rayons de la lune s'infiltrent et viennent se poser sur le sol de ma chambre. Si ces rayons étaient vivants, que diraient-ils ? Hmm... Question stupide, puisque de toute façon je ne pourrais jamais savoir.

J'entends quelqu'un frapper à ma porte, de l'autre côté de la scène. Je n'ai pas tellement envie de bouger, néanmoins je décide tout-de-même d' aller ouvrir. Sans trop de surprise, c'est Mirabel. Elle vient souvent souhaiter une bonne nuit à tous les membres de la famille.

-Buena noche Camilo !

-Buena noche.

-Quelque chose ne va pas ? me demande-t-elle.

-Non, tout va très bien, je réponds, tentant d'avoir l'air sûr de moi. Pourquoi vous posez tous la question ?

-Tu as l'air plus... distant en ce moment, fait-elle remarquer.

-On a tous nos petits coups de mous, je me trompe ?

Je lui fais un clin d'œil et lui donne un coup de coude affectif qu'elle me rend. Puis elle part en me saluant de la main.

Je ferme la porte, redescends des marches et m'assois au milieu de la scène. Pourquoi est-ce qu'on me demande si je vais bien ? Je ne le cache pas bien ? C'est si visible que ça ? Je suis d'accord que je ne suis pas au mieux de ma forme en ce moment, mais pas au point d'avoir assez changé pour que les personnes autour de moi s'en rendent compte, si ? Apparemment c'est le cas.

C'est assez embêtant, je n'ai pas envie de parler de quelque chose pour qu'on me dise que je cherche juste de l'attention.

De retour dans ma chambre, je m'allonge sur mon lit, le visage dans mon oreiller.

Alors dix minutes passent.

Puis trente.

Puis une heure, et deux.

Je n'arrive pas à trouver le sommeil. J'ai beau changer de position, rien n'y change. J'ai trop de questions qui trottent dans ma tête. Alors je me relève, fatigué autant par manque d'énergie que par agacement. Il n'y a pas grand chose à faire dans ma chambre, alors je sors, essayant de faire le moins de bruit afin de ne pas réveiller les autres. Dehors, le ciel est recouvert d'étoiles blanches, la brise est douce et pas trop fraîche. Je commence à marcher dans les rues, essayant malgré moi de ne pas penser à tous mes problèmes. Evidemment, ça ne marche pas et je ne peux pas me séparer d'eux. J'étais sorti pour me détendre, c'est raté.

Je m'arrête devant la fresque de "La familia Madrigal" et me mets à l'observer attentivement. Elle a commencé à être peinte il y a deux ans, puis Antonio a été rajouté la semaine de sa cérémonie. Je me demande s' ils vont la garder comme ça ou la faire évoluer avec nous. Après tout, on a tous évolué depuis deux ans. Si ce n'est que j'ai l'impression d'être allé dans le sens inverse, d'être encore plus perdus qu'avant. Si je devais dire une critique de cette peinture, ce serait que je n'aime pas avoir été peint en train de sourire. Mais celui qui est le plus à plaindre est bien tìo Bruno. Il a vraiment l'air d'un sorcier là-dessus.

L'une des dernières fois que je l'ai vu avant qu'il ne disparaisse, j'étais allé chercher de la nourriture en pleine nuit dans la cuisine. Mais je n'avais que cinq ans à l'époque, tu m'étonnes que j'ai cru qu'il faisait deux mètres ! Mirabel m'a beaucoup charrié sur ça quand il est revenu d'ailleurs...

J'ai été surpris de savoir à quel point il est différent de ce que racontaient les habitants. Il est super sympa ! Peut-être un peu trop peureux à mon goût... Mais sûrement pas le monstre qu'ils avaient décrit ! Comme quoi, ne jamais croire les rumeurs.

Je scrute chacun leur tour les membres de ma famille. Je me demande à quel point cette fresque aurait été différente si elle avait été peinte après les derniers évènements, ou si abuela n'avait pas agit comme elle le faisait depuis des années. Est-ce que nos dons auraient été différents ? Aurions-nous eu des dons, même ? Je ne le saurais jamais.

De retour dans ma chambre, je ne trouve toujours pas le sommeil. Maintenant que j'y pense, la famille a été reconstruite parce que la seule personne n'ayant pas de don a eu le courage de se plaindre. Mais si Mirabel s'est dressée contre abuela, c'est probablement parce qu'elle a vu ce que tous ces dons avaient fait aux membres de notre famille alors que tout ce qu'elle avait espéré était d'en avoir. Quand je pense à quel point elle a dû en souffrir, je m'en veux d'avoir souhaité ne pas en posséder.

Comme quoi, je ne suis vraiment pas une bonne personne. J'ai désiré être comme une personne qui souffre, mais contrairement à elle je n'aurais pas pu faire ce qu'elle a fait !

Plus j'y pense, plus je réalise toutes les choses que j'ai pu faire, pu dire.

Lorsque je racontais ce dont je me souvenais de tìo Bruno, je suis sûr qu'il a entendu toutes les horreurs que j'ai dites sur lui.

Et quand je me suis moqué de Dolores parce qu'elle était tombée amoureuse de Mariano alors qu'il devait être marié à Isabela, j'ai bien vu qu'elle était blessée mais je n'ai pas réagit !

Je suis horrible. Tellement horrible.

Derrière nos souriresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant