Acte 2 : AZERWEB

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Deux ans plus tard...

La petite Nyla fit un cauchemar durant la nuit. Cela arrivait de plus en plus souvent depuis le bombardement d'Astria. L'information était passée en clair sur toutes les chaînes de télévision. Astria avait été rasée de la carte. Aucun Terrien n'avait été blessé, aucun optimisé non plus, juste des rebelles et des inhumains. Sur Terre l'annonce avait été accueillie avec triomphe, la lunaformation allait pouvoir reprendre. Les citoyens de Modeste V allaient se remettre au travail, la dette des habitants de la Lune finirait par être payée. L'économie terrienne se porterait à merveille. En bref, rien de grave. Les associations de protection des inhumains prendraient la mouche, mais si on ne bafouait pas les règles de temps en temps, ces organismes n'auraient rien à se mettre sous la dent.

Rougui avait perdu de nombreux amis dans le bombardement. Marc Lapointe, Henry Lapointe, Dimbi Stratos... De la résistance aucun membre ne répondait. Sa famille aussi restait injoignable. Modeste s'était certainement vengé de la fuite des Coumba en éliminant tous ses proches. Rougui et Nyla finissaient désespérément seules. La petite qui subissait, il y a deux ans de ça, la perte de sa sœur avait beaucoup de mal à accepter le meurtre de ses anciens camarades. Lorsqu'elle se tournait vers sa mère pour chercher du réconfort, elle ne voyait qu'une jeune femme affaiblie. Elle n'avait plus rien avoir avec la forte et resplendissante journaliste qui l'avait prise dans ses bras, pleine d'espoir, lors de leur atterrissage à la station spatiale Charles de Gaulle. Rougui désormais, revenait de plus en plus tard, son visage était de plus en plus creusé, meurtri par les blessures. Son corps n'était qu'un amas de cicatrices dû aux incisions. Ses organes arrachés et vendus au plus offrant avaient rapporté trois à quatre fois moins cher que ce qui était prévu. Elle avait attendu longtemps, trop longtemps. Le matériel n'était plus d'aussi bonne qualité. Malgré tout, Rougui continuait à sourire à sa fille, feignant d'être désespérément optimiste. C'est cela qui effrayait le plus Nyla. Que sa mère ne perde pas complètement espoir. Comment pouvait-elle encore croire que la situation s'arrangerait ? Paradoxalement, Nyla se mit à faire pareil, à sourire en face d'elle afin de ne pas l'inquiéter davantage. Mais derrière son dos la petite mettait tout en œuvre pour sortir de ce carcan. Elle réfléchissait, lisait, se documentait. Rougui ne tiendrait plus longtemps sans médicament. Coucher avec des optimisés alors qu'elle-même ne l'était pas avait de graves conséquences sur sa santé. Sortir en pleine journée, sans masque pour se protéger, était terriblement dangereux.

De nouvelles perles de sueurs coulèrent du front de la petite fille endormie dans son futon. La peur ne la quittait plus, même dans ses songes. Elle savait mieux que quiconque ce que l'on faisait aux orphelins luniens.

Rougui prit une serviette pour éponger sa fille. Il n'y avait rien à faire si ce n'est attendre que cela passe. Elle essora le chiffon dans un seau et rejoignit sa chaise lorsque la sonnette de la porte retentit.

Il était minuit passé. Évidemment le bruit avait sorti la petite de ses rêves. Rougui se leva avec colère pour regarder dans l'œil de biche qui pouvait sonner à une heure pareille. C'était une femme trapue habillée d'un tee-shirt de dessin animé et d'un vieux jean moulant qui se trouvait à l'autre bout de la porte. Elle avait des chaussures dépareillées et n'avait pas la patience facile, déjà elle sonnait à nouveau, décidée à laisser son doigt appuyé jusqu'à ce que l'on lui ouvre.

« Qui c'est cette enquiquineuse ?, pensa Rougui »

Au début, elle avait craint une visite de l'immigration ou de la protection de l'enfance. Mais les fonctionnaires du social n'étaient pas habillés comme cela. Ils étaient tous en costume gris et ne se déplaçaient que durant les heures de bureau. L'individu à la porte avait tout d'une dérangée. Le soir à Paris la température pouvait chuter jusqu'à -15°, personne n'aurait la bêtise de sortir habillé ainsi, il devait s'agir d'une mendiante, mais elle s'était trompé d'arrondissement, jamais quelqu'un du 20ème ne lui donnerait quoi que ce soit. Elle fut un court instant parasitée dans son esprit par une idée saugrenue, mais elle la chassa rapidement pour passer à autre chose. C'était impossible ! Aucun d'entre eux ne mettrait un pied dans le 20ème. Dans cette zone réservée à la lie de la population.

Le Test de NylaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant