Chapitre 1

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- Abigail Scott, dans mon bureau s'il vous plait, annonce le directeur dans ma classe, sous le regards de mes camarades et de mon professeur d'histoire.

Mon souffle se coupe, mon sourire s'efface, mon oreille hallucine. Mon regard se porte immédiatement sur Porter qui vient d'être interrompu pendant son exposé, et qui a désormais les yeux ronds de surprise. Nous savons ce que cela signifie. Le directeur de l'orphelinat vient assez souvent pour réclamer un élève. A tel point que tout le monde sait ce qui va suivre. Il va m'accompagner dans son bureau, me dire qu'il m'a trouvé une famille. Je vais la rencontrer, signer quelques documents administratifs, chercher les quelques affaires personnelles que j'ai en ma possession et quitter cet endroit pour toujours, sans un regard en arrière. Tout le monde espèrent en trouver une et quitter cet orphelinat de malheur. Personne n'aime ces bâtiments sombres et ces dortoirs étroits.  Mais l'idée de le quitter ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Certes, cette chance arrive régulièrement pour l'un d'entre nous, mais la majorité des enfants n'en profitent jamais. Je m'étais résignée il y a bien longtemps. Je savais que j'allais vivre tout le reste de mon adolescence ici. La surprise se lit sur mon visage. Chaque membre semble subitement paralyser. Je peux entendre mon coeur battre dans ma poitrine. Ce n'est pas mon nom. C'est impossible. Il a appeler quelqu'un d'autre. C'est les effets secondaires d'une nuit blanche. On est tellement à l'ouest qu'on hallucine sur certaines choses. Oui. C'est ça. Il ne m'a pas appeler. Mais les trente-six autres regards pointés sur moi m'indique le contraire. Le directeur répète une deuxième fois mon nom, avec une voix plus forte et plus ferme. Mon coeur se comprime. Complètement déboussolée, je range mes affaires et traverse la classe. Un silence de mort s'est abattue dans cette salle, habituellement remplie de chuchotement, de rires, de moqueries et de jugements.

Lorsque j'arrive à la hauteur de Porter et que je croise son regard, je ne peux plus m'en défaire. Ses yeux bleus me font penser à l'océan. Habituellement, cela suffit à me détendre, mais pas aujourd'hui. Ses muscles se crispent. Il serre si fort les notes qu'il a dans les mains qu'elles menacent de se déchirer. Je me mord la lèvre inférieur. Je déteste cette vue. J'aimerais le calmer, mais le directeur pose sur moi un regard si noir que je sais que ce n'est pas le moment. Il m'attend. Et je ne dois pas le faire attendre. Personne ne doit le faire attendre. Malgré son coté compatissent qu'il aborde toujours, il est plus sèvre qu'autre chose. Je chuchote donc à Porter que je le retrouve plus tard. J'espère que ça le calmera, même si je sais au fond que ce n'est qu'une illusion. Je ne sais même pas si je pourrais le revoir. Je me tourne à contre coeur vers le directeur de l'orphelinat. Il aborde un sourire bienveillant, mais son regard semble avoir envie de me tuer. C'est un étrange mélange. Je finis par me résigner et le suivre jusque dans son bureau, où il m'annoncera la fameuse nouvelle que je connais déjà.

Je ne suis venue qu'une seule fois dans son bureau. C'était il y a 5 ans, à mon arriver. J'étais en piteuse état. Certains membres de mon corps étaient cassés, mes articulations me faisaient souffrir et ma jambe était sous bandage, puisque ma brûlure n'était pas totalement guérie. Mes yeux indiquaient que je souffrais, mais mon expression restait de marbre. Il m'avait regarder simplement, sans dégoût. Alors que mes vêtements étaient déchirées, voir même cramés. Je me souviens m'être demander si il voyait régulièrement des enfants dans cette état. Je n'avais pas dis un mot depuis des semaines, à tel point que je ne savais pas si j'avais encore la capacité de parler. Mais doucement, il essayait de me clamer et de cesser mes tremblements incessants. Il m'avait dit que l'orphelinat était un peu comme un internat. Que ce serait ma famille, du moins un endroit que je pourrais considérer comme tel tant qu'il ne m'en aura pas trouvé de vrai. Il m'avait assurer qu'il se démènerait pour m'en trouver une. Je ne l'avais pas cru. Je pensais qu'il mentait. Que c'était une technique pour rassurer les nouveaux venus. Il m'avait affirmer que je me ferais plein d'amis, qu'on m'épaulerait pour ma scolarité et que je n'avais plus à avoir peur, que j'étais en sécurité. Sa voix semblait épuisée et son regard lasse. Oui, je savait qu'il mentait, mais j'hochais tout de même la tête en signe d'approbation. Je ne pouvais rien faire d'autre, de toute façon. Pour l'instant, l'orphelinat m'offrait une certaine sécurité. C'était toujours mieux d'être ici, que dehors, en pleine rue et affamée.

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