Qui doit-on vraiment blâmer ? J'aurais dut redoubler de prudence. Mais je n'ai pas pensé que dans cette petite ville, les nouvelles fileraient aussi vite. Ni que Antoine ne saurait pas tenir sa langue. Ni même qu'on en aurait quelque chose à foutre de moi.
On avait bien parler de moi dans le journal local quand j'avais décroché la coupe du tournois de basket. Maman F avait dut me tirer hors de la foule pour m'éviter de répondre à des questions embarrassantes.
Les journalistes ne sont pas en tord cette fois-ci. Plutôt les enfants qui les imitent.
J'ai envie de hurler, j'enfonce ma tête dans un cousin sous les yeux indifférent de mes camarades de dortoir. Une semaine en séjour linguistique pendant les vacances d'été avant de rejoindre Papi à la mer, je pensais ne pensais pas qu'ici pouvait tomber le drame. La musique est au maximum, mais, même comme ça, impossible de se concentrer sur autre chose que mon futur qui s'annonce chaotique. Je pense toujours plus fort que la musique.
La petite bulle que je me suis construite vient de s'exalter en mille morceaux impossibles à rassembler. J'ai pourtant redoublé de prudence pour que mes deux identités ne se croisent jamais : garçon en ligne. L'ancien moi -ou l'ancienne moi - partout ailleurs. Nolan sait, bien sûr. Mais c'est tout.
Je l'ai dit à Antoine parce qu'il avait levé la main au début de l'année pour demander au professeur de littérature de l'appeler par son nouveau prénom et puis parce qu'il avait été la première personne à m'avoir jamais demandé mes pronoms, des mois auparavant. Je pensais que c'était évident que je les confiait à lui et seulement à lui. Mais elle m'a appelé par mon vrai prénom devant toute la classe sans le faire exprès. Et comme il ne se passe jamais rien ici, tout le monde en parle déjà. Je ne se donne pas une heure avant que mes mamans ne sache par le bouche à oreille. Il suffit que Annabelle le dise à ses parents au téléphone, et que sa mère le raconte à son coiffeur - elle raconte tout à son coiffeur.
Je maudis Antoine de sa maladresse, mais surtout moi-même, pour avoir faillit à sa mission ; garder son secret.
La porte s'ouvre dans un mouvement brusque. Je m'empresse de cacher mes écouteurs au cas où j'aurai affaire à un∙e professeur∙e. Mais un visage inquiet et des bruns et courts apparaissent à la place.
« Hé ! C'est le dortoir des filles ! » s'insurge Annabelle que Nolan ignore superbement.
Il me prend dans ses bras et me serre fort alors même qu'il déteste ça parce qu'on sent son binder quand on lui frotte le dos. Je me laisse entrainer dans l'étreinte, oubliant un instant mon drame. Lorsqu'on se lâche, mon envie de pleurer me ressaisit.
« J'ai peur.
- Je sais, mais faut pas. Ça va aller. »
On se regarde, marque une pause. Le temps presse, le temps est un monstre manipulateur.
« On a encore bien quelque heures avant qu'elles ne l'apprenne. Tu te souviens du poème avec lequel tu me l'as dit ?
Je hoche la tête, voyant où mon ami veux en venir. Bien entendu que je me souviens de ce poème ! Dans un anglais approximatif car rédigé pendant l'inter-cours de LV1. Après l'avoir écrit, la grammaire ne m'importait plus car j'avais l'impression d'avoir enfin mis des mots sur ce que je ressentait pour la première fois. Je m'étais empressé de le montrer à Nolan et lui avait dit que j'étais non-binaire dans la foulé. Je fouille mentalement ma valise à la recherche de l'endroit où j'ai bien put le mettre. Il doit servir de marque page...
- Il est dans ma bd.
- Ok, alors vas-y. Courage. »
Il me prends la main, et me tends mon téléphone.
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the future is non-binary
Random« Je n'embrasse plus le féminin et attire le masculin à moi sans trop savoir doser. Je ne peux pas me séparer des deux, au risque de transformer mon identité en cours de route, alors je cohabite avec tout ça et trouve des définitions de mon être : J...