I.

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CNSAD,

Paris, France.


"-Je suis désolé, mademoiselle Lefèvre, mais je ne pense pas que vous puissiez un jour devenir une bonne actrice."

J'ai dégluti péniblement, les larmes aux yeux alors que monsieur Comble, mon professeur de théâtre, soupirait d'exaspération. Il a retiré ses lunettes et s'est massé les yeux avant de se pincer l'arête du nez. En se faisant, j'ai pu percevoir le petit "M" tatoué sur le dos de sa main.

"-Ne le prenez pas comme ça, mademoiselle. Comment est-ce que vous pensez survivre dans un monde pareil si vous vous mettez dans cet état? Hein?"

Savoir que je l'exaspérais, pire, que je l'agaçais, n'a fait que me faire pleurer plus fort. Il a roulé des yeux au ciel.

Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien. Je trimais pour cette école, je me donnais à fond, j'avais un petit boulot pour me payer cette école. Ma mère avait mis toutes ses économies dans mes études, j'étais sa fille unique et elle voulait me rendre heureuse.

Comment lui dire que tout cet argent était parti aux poubelles parce que j'étais mauvaise? Que je n'avais aucun talent? Que j'avais beau passer des auditions tous les jours, je n'essuyais que des refus?

La simple idée de faire de la peine à ma mère m'a détruite. Les mots de monsieur Comble aussi.

"-Ne me virez pas, pitié, je ferai mieux, je deviendrais meilleure, je..."

J'avais presque envie de me mettre à genoux, de le supplier, la tête contre le sol, et j'allais le faire, mais il m'a coupé dans mon élan.

"-Mademoiselle Lefèvre, comme vous le savez, le semestre prochain, il y a un voyage aux Etats-Unis durant lequel nos collaborateurs américains pourront vous inclure dans des projets."

Il m'a lancé un regard, comme s'il voulait s'assurer que je voyais où il en venait. Je ne le savais pas, alors je l'ai regardé sans comprendre. Il s'est enfoncé dans son fauteuil, caressant lentement ses cuisses, son tatouage dansant sous mes yeux.

"-Peut-être que je pourrais vous laisser une dernière chance, vous laisser y aller."

Ses mains sont montées jusqu'à son entre-jambe. Nos regards se sont croisés et il m'a regardé avec insistance. Et j'ai su...J'ai su que je ne pouvais pas refuser, pas si je ne voulais pas confronter ma mère, pas si je voulais la rendre fière de moi.


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"-Je suis heureux que nous ayons trouvé un terrain d'entente, mademoiselle Lefèvre."

J'ai hoché la tête, un sourire forcé aux lèvres alors qu'il tapotait joyeusement ma joue avant de refermer la porte de son bureau, me laissant seule dans le couloir.

D'un pas absent, je me suis dirigée à l'extérieur du bâtiment. Il faisait nuit noire dehors et le froid m'a mordu le corps, mais je n'ai pas cherché à la fuir, cette morsure.

Sentir le froid sur ma peau, j'avais l'impression de revenir à la vie, d'être un peu plus vivante que la Margot de plus tôt, qui était morte dans ce putain de bureau, sous les doigts de ce sale porc.

Les larmes se sont remises à couler, et l'envie de vomir m'a saisi et ne m'a plus lâché. Je n'avais plus qu'une seule envie, sortir de mon corps, plonger ma bouche, mes mains et mon entre jambe dans de l'acide pour être sûr de ne plus avoir la sensation de son corps sur le mien, dans le mien.

The Point of No ReturnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant