3- Un mal de dos

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Pierre se releva de sa chaise, se dépliant doucement non sans grimacer de douleur. Il avait mal au dos, depuis ce matin et la douleur ne passait absolument pas avec le temps. Il faut dire que dormir sur le sol d'une nacelle n'était pas l'idéal et que sa douleur était totalement justifiée. Mais il avait naïvement pensé qu'au fil de la journée cela passerait, ce qui n'était clairement pas le cas. Déjà dans la voiture pour rentrer, il avait souffert. Et ranger le materiel à Maison Grise avait aussi beaucoup sollicité son dos, n'améliorant pas son état. Mais pour rien au monde il aurait voulu ne pas faire ce tournage. Parce qu'il l'avait fait avec Benjamin, comme toujours, et qu'il avait énormément apprécié ce moment, leur dualité pour le beer pong géant, même s'il était mauvais joueur et que voir Benjamin jubiler l'avait au début contrarié, ça restait Benjamin et le voir aussi fier de lui, avec un grand sourire, lui avait fait plaisir. Pierre n'avait aussi pas oublié toutes les petites attentions discrètes qu'avait eu Benjamin à son égard, le réveil brutal ne comptant pas. Il l'avait encouragé la veille et félicité le lendemain. Pierre avait été ravi de repartager un tel tournage, ça faisait longtemps, et ça restait une expérience particulière, qu'il faisait avec Benjamin. Même s'il aurait préféré être avec ce dernier dans le van, il avait profité de la hauteur, et de sa solitude pour regarder les étoiles et laisser ses pensées vagabondées. La nuit en était restée difficile, il n'avait pas eu trop froid, mais c'était trop haut, impressionnant et le confort n'avait pas été au rendez-vous, il en payait maintenant le prix. Dans son studio à finir de ranger ses affaires, il ne pouvait s'empêcher de soupirer de douleur de temps en temps, rêvant de s'allonger sur un matelas ou de se glisser dans un bain chaud pour se détendre. Occupé dans ses pensées et sa souffrance comme il l'était, il n'entendit pas la porte s'ouvrir et sursauta quand Benjamin prit la parole :

"Tu as mal Pierre ?

- Ben ! Tu m'as fait peur !"

Pierre se retourna vers son ami, qui lâcha un petit rire mais son visage trahissait de l'inquiétude.

"Tu as mal alors ?

- Le dos n'a pas apprécié la nuit sur la nacelle je crois oui," répondit Pierre avec un rire gêné et une grimace, avant de se retourner pour finir son sac et s'empêcher d'admirer un peu trop longtemps son ami.

Il sursauta une deuxième fois quand il sentit des mains sur ses épaules, et entendit la voix de Benjamin bien plus proche juste derrière lui :

"Quelle idée de perdre à son propre jeu aussi..."

Pierre ne répondit pas, il en était incapable. Il se tenait de ses mains posées à plat sur le bureau alors que Benjamin commençait à essayer de le détendre en lui massant les épaules. Pierre était soulagé d'être de dos, ou son visage rouge cramoisi l'aurait démasqué. Son cerveau avait du mal à analyser la situation, Ben n'avait jamais initié un contact aussi doux et aussi proche envers lui. Benjamin commença à descendre ses mains plus bas sur son dos, appuyant légèrement, et Pierre laissa échapper un soupir de bien être entre ses lèvres alors qu'il se détendait sous les mains de son ami. Pierre ne le vit pas mais Benjamin sourit derrière lui.

"J'allais te demander si ça te soulageait ou si je te faisais plus mal qu'autre chose mais je crois que j'ai ma réponse" rit doucement Benjamin, pas trop fort, comme pour ne pas briser leur moment, leur bulle.

Benjamin ne le vit pas mais Pierre rougit encore plus et son cœur tressauta. Benjamin continua son massage, passant ses mains sur l'entièreté du dos de Pierre, appuyant parfois, sentant sous ses doigts le corps du blond qui se détendait. Pierre ne savait pas d'où Benjamin connaissait comment effectuer un aussi bon massage mais il ne s'en plaignait pas, il avait l'impression que Benjamin faisait pile ce qu'il fallait pour atténuer sa douleur et ça le soulageait tellement qu'il ne put s'empêcher de lui dire, reprenant enfin la parole en espérant ne pas avoir une voix trop tremblante :

"Si tu savais à quel point c'est exactement ce qu'il me fallait" glissa Pierre, sans préciser que le 'ce qu'il me fallait' ne faisait pas référence qu'au massage mais beaucoup aussi à la personne qui l'effectuait.

Quelques instants s'écoulèrent sans qu'aucun des deux ne rajoute quelque chose, juste profitant pleinement du moment inédit qu'ils partageaient puis Pierre ne sentit plus les mains de Benjamin sur lui. Il fut directement déçu bien sûr en se redressant un peu mais il reconnaissait la chance qu'il avait eu d'être massé aussi longtemps et surtout par Benjamin, la personne la plus pudique qu'il connaissait mais qui était aussi la personne qu'il aimait. Il s'apprêtait à le remercier et se retourner lorsque deux bras glissèrent au-dessus de ses hanches. L'information mit quelque temps à arriver au cerveau de Pierre. Benjamin l'enlacait par derrière, posant sa tête sur son dos. Il sembla à Pierre qu'il ne réalisait pas ce qu'il se passait mais son corps réagit pour lui et il s'appuya en arrière sur le buste de Benjamin tout en posant ses bras sur les siens pour répondre à son étreinte.

" Je ne t'ai jamais remercié Pierre, pour tout ça. Je crois que je n'aurais jamais vécu tous ça sans toi. Donc merci."

Et voilà que Pierre était maintenant ému, les larmes aux yeux mais il s'efforça de lui répondre d'une voix serrée, au lieu de laisser l'émotion le paralyser :

" Merci à toi Ben de me suivre là dedans. Jamais je ne l'aurais fait avec quelqu'un d'autre."

Pierre eut l'impression que Benjamin le serra un peu plus fort dans ses bras, avant qu'il ne s'écarte et lui tapote doucement le dos.

"Vu la nuit, faut que t'ailles te reposer Pierre et la prochaine fois, tâche de ne pas te ruiner le dos c'était un bonus exceptionnel le massage !"

Pierre se retourna et put enfin revoir le visage qu'il aimait tant de Ben, tandis que celui-ci put constater l'air détendu et heureux de Pierre.

" Dommage dommage, j'aurais pas dit non à un autre !" Le taquina-t-il avant d'attraper son sac, acquiesçant sur le fait qu'il fallait qu'il rentre se reposer chez lui.

Il remercia Benjamin pour son massage, d'un grand sourire chaleureux et sincère puis quitta maison grise. Il avait effectivement besoin de rentrer chez lui, pour la fatigue et parce qu'il fallait qu'il réalise ce qui venait de se passer. Le comportement de Benjamin avait été si inattendu et si agréable. Un prémice au paradis peut-être. Il aimait tellement cet homme, il avait l'impression de redécouvrir chaque jour à quel point son amour pour lui était fort et profond, il allait devoir faire quelque chose. Il ne savait pas si Benjamin avait l'habitude de faire ça avec ses amis lorsqu'il les voyait souffrir, ce n'était pas si choquant que ça comme réaction de la part d'un ami. Mais c'était Ben, qui partageait rarement autant de proximité avec Pierre, et c'était Pierre, qui faisait une crise cardiaque d'amour à chaque interaction avec Benjamin. Pierre avait besoin de savoir si cela avait été anodin pour Benjamin ou si cela pouvait signifier plus.

VERRECROCE - 5+1 (pdv Pierre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant