Le ciel était dégagé, laissant apparaître un petit soleil. Les nuages dansaient au rythme du vent, qui se voulait doux pour notre histoire.
Dans les Hauteurs de Garfönne, dans les montagnes vertes, existe un village du nom de Rouilly. Les habitations étaient directement construites sur d'énormes troncs d'arbres, où une véritable cité prospère avait fini par prendre forme. L'endroit était célèbre pour ses citoyens et leur aptitude à parler et à comprendre les animaux, mais aussi pour leur extraordinaire don de guérison. Ils recevaient régulièrement de grands voyageurs, uniquement dans ce but.
Un jour, le peuple voisin, les Yolkar, envoya un messager afin de demander de l'aide en urgence. Cette quête de la plus grande importance fut confiée à Mili, la fille du chef de la prospère cité de Rouilly. L'envoyé, à demi-humain et demi-chouette, expliqua qu'un "mal" rongeait son peuple en silence, les rendant fous à lier. Mili posa sa main sur son front et, grâce à son pouvoir, put lui apporter un premier diagnostic.
● Il s'agit du souffle de Moriel. Je pouvais le sentir en vous regardant, mais maintenant que je vous touche, mes craintes sont certifiées. Un aphrodisiaque qui rend fou. Il existe un remède, bien entendu ! Je vais aller le chercher et je vous le préparerai. En attendant, vous et votre peuple, vous pouvez rester chez nous. Vous y serez en sécurité, et cela stoppera la propagation du souffle dans vos esprits.
Mili partit à la conquête du remède, qui était un champignon rouge aux taches bleutées. Mixé à d'autres ingrédients, il devait être administré comme pommade à passer sur la poitrine. C'était une recette aussi vieille que le monde, mais qui portait encore ses fruits ! Le plus compliqué était de trouver ce champignon, car il ne poussait pas aux alentours de la cité. Celui-ci poussait dans les grottes embrumées des fées. Mili avait déjà pu faire leur rencontre lors d'une sortie faite avec son père. Ce serait donc la première fois qu'elle s'y rendrait seule. Respectant les bonnes coutumes, elle envoya une lettre à la reine des fées, lui prévenant de son arrivée prochaine.
Elle traversa la forêt aux écorces rouges, de réputation aussi ancienne que le monde. Sur place, elle fit la connaissance d'un corbeau qui lui parla, amoureusement, de la nourriture. Il avoua qu'il aimerait beaucoup la manger... Cela lui donna alors l'idée d'un terrible jeu de cache-cache !
● Tu vas te cacher... Et moi et tous mes amis devrons te retrouver. Si on te trouve... On te mange.
Elle ne voulait pas jouer, ni être mangée ! Elle partit se cacher parmi les arbres amorphes, sous les ricanements macabres des corbeaux ! Puis un terrible silence tomba... Toute tremblante, elle s'assit au creux d'un arbre, se faisant toute petite. Elle y resta un long moment. Puis, elle se leva et courut jusqu'au tunnel à papillons.
Les papillons, tous difformes, dormaient accrochés au mur... Apeurée par leurs apparences, elle avançait lentement. Ce fut le croassement du corbeau raisonnant dans le tunnel qui les réveilla. Leurs battements d'ailes créèrent un bourdonnement tellement fort qu'il la paralysa instantanément sur place. Accroupie, elle ferma les yeux, plongeant dans les ténèbres et disparut dans une terrible angoisse.
C'est sa respiration hachée qui la réveilla, chancelante et déboussolée. Autour d'elle, tout était redevenu calme. Elle reprit, difficilement, sa marche et le chemin pour quitter ce maudit tunnel et cette forêt maudite. Elle arriva devant une lande pavée qu'elle devait traverser afin de rejoindre, juste en face, la forêt des fées.
En marchant au centre de la lande, elle avait la terrible impression de faire du surplace. Plus elle avançait, plus l'horizon s'élargissait ! Soudain, un lapin, sautillant sur place, apparut auprès d'elle. Il rit et commença à chanter très fort, une chanson qu'il intitula tout bonnement "la chanson des fous", où il finit par répéter sans cesse : "Pourquoi tu fais ça ?". Il fut vite accompagné d'un ours, d'un écureuil et d'une chouette.
Ensemble, ils l'emprisonnèrent dans un cercle répétitif, où elle finit par y perdre le fil de ses pensées. Elle se demanda à elle-même : " Pourquoi je fais tout cela, déjà ?". Les animaux profitèrent de sa confusion pour l'encercler et l'empêcher d'avancer. Ils continuaient à chantaient tellement fort et faux qu'elle devenait nerveuse. Leurs voix étaient soit trop aiguës, lui faisant siffler les oreilles jusqu'au sang, soit trop graves, lui apportant au contraire une angoisse l'empêchant de lever la tête. En rampant du mieux qu'elle le pouvait, elle essayait d'échapper à ces bruits qui détruisaient son esprit. C'est alors qu'une porte apparut devant elle, l'invitant à l'emprunter. Elle y pénétra, mais en ressortit au début de la lande.
Elle se mit à courir de plus belle, voulant fuir à tout prix cette réalité ! Mais pour ne pas arranger sa situation, il se mit à pleuvoir des champignons de toutes sortes !
Elle trébucha sur l'un d'eux, atterrissant sur les fesses. C'est là qu'elle observa le ciel peuplé de champignons, d'animaux chantants et difformes, de plantes gigantesques et de fioles de potions ! Tous se déformaient pour se reformer de manières encore plus loufoques ! Perdant pied entre la réalité et l'illusion, l'écureuil trouva une bonne idée de lancer la conversation.
● Tu es folle... HAHA ! Tu es folle ! Sois folle avec nous ! Ris jusqu'à en mourir ! Des momies apparurent dans le paysage, riant jusqu'à s'étouffer. Puis on vit mieux quand on sait que l'âne est en réalité la poule ! HAHA !
● Mais ça n'a aucun sens ! Mili, les larmes aux yeux, se compressa le crâne, espérant y atténuer la douleur. Un bourdonnement martelait sa tête, qu'elle essayait de contenir en se pressant le crâne.
● Tu ne veux plus être folle ? Alors, deviens folle ! Fais comme moi ! Crie une fois ton prénom, frappe deux fois dans tes mains, fais trois sauts en avant et quatre en arrière. Tourne sur toi-même cinq fois, tire la langue six fois, dis en courant sept fois "TOUT VA BIEN" et crie pendant huit secondes.Tout cela l'épuisait, mais étrangement, elle en pouffa de rire. Elle se leva et arrêta de lutter contre cette folie. Elle écouta l'écureuil et continua son chemin. Après avoir crié de toutes ses forces, le monde redevint calme et silencieux. La lande était déserte et elle se trouvait au bord de la forêt des fées. Sa pression au crâne avait disparu. Elle y trouva un gardien qu'elle connaissait depuis qu'elle était enfant. Ils avaient le même âge. En le voyant sourire, cela l'apaisa. Tant qu'il serait là, elle serait en sécurité de tout danger ; après tout, il était un chevalier. Elle aurait aimé rester et lui parler, mais ils étaient tous deux occupés...
Elle était le seul espoir des Yolkar. Il fallait qu'elle avance. Elle demanda :
● J'ai parcouru tout ce chemin afin de prendre le champignon rouge, ceci dans le seul but de soigner les Yolkar. Puis-je ? Le gardien lui montra volontiers le chemin, accompagné de quelques fées.
Mili se sentait apaisée, nageant dans un profond bonheur. Elle surfait sur des ondes positives qui lui faisaient oublier tous ses problèmes. Une fée lui apporta le champignon rouge aux taches bleutées et l'autorisation de partir avec lui. Ayant réussi toutes ses épreuves pour arriver jusqu'ici, elle laissa le gardien l'escorter directement à son village où elle put faire la potion. Elle donna le remède et fut applaudie telle une héroïne.
Le chef du village lui donna la couronne de Marguerite, titre honorifique de "porteuse de Marguerites", saluant son courage et élevant son rang à "Maître des potions pourpres". Ce titre donnait la possibilité d'utiliser des sorts et des plantes classées "dévorantes".
FIN.
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Contes et Légendes
RandomRecueil de contes et légendes racontés par le peuple des GHOTA. Peut être lu sous forme de BD.