PARTIE 1

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Wow. Je n'imaginais pas cette œuvre si morbide, souffla Ochaco, avant de mordiller à nouveau son crayon de manière distraite.

Cette semaine avait été particulièrement longue, tant pour Ochaco que pour Izuku. Ils ne languissaient qu'une seule chose, entendre le cris strident de la sonnerie résonnés dans tout le bâtiment. Malheureusement pour eux, il leur restait encore une heure à tenir, et pour ne rien arranger, ce n'était pas un cours de pratique. Izuku ne pouvait s'empêcher de regarder l'horloge suspendue au-dessus du bureau de son professeur. Il aurait largement préféré continuer son projet de nature morte en cours de dessin plutôt qu'avoir à analyser une œuvre de Dalì. D'autant plus que cette œuvre ne cessait de lui rappeler ses pensées les plus sombres, réveillant par la même occasion son besoin de maltraiter la rune présente sur la tranche gauche de son poignet droit. Il soupira silencieusement, essayant de concentrer son regard et ses pensées sur l'image projetée contre la surface blanche du tableau.

« La persistance de la mémoire », autrement appelé « Les montres molles », ne pouvait s'empêcher de faire échos à Izuku. Au premier abord, Izuku resta quelques minutes à imaginer l'intérieur de son coeur, du moins ce qu'il en restait, comme étant similaire au paysage désertique et aux couleurs monotones. Il ne put effacer le rictus de dégoût prenant naissance aux commissures de ses lèvres. Était-ce normal de comparer l'intérieur de son coeur à une foutue peinture des années 1930 ? Non. Sûrement pas. Pourtant, ses comparaisons ne s'arrêtèrent pas là. La façon dont Dalì avait le don de souligner la bataille perdue d'avance contre le temps à travers la représentation de ces montres en train de fondre, ne cessa de rappeler à Izuku le temps qui continuait de défiler sous ses yeux malgré son sentiment d'impuissance.

Ses pensées volèrent dans tous les sens avant de s'emmêler entre elles. « Comment le temps peut-il continuer à progresser de cette manière ? Pourquoi la Terre continue-t-elle de danser autour de cette si grande étoile ? Et putain, pourquoi cette étoile continue de nous brûler la rétine en brillant autant ? ». C'est injuste, pensait-il. Injuste que le temps s'écoule encore alors que son monde à lui s'était arrêté. Injuste que la Terre continue à s'activer sans prendre en compte son absence. Injuste que le soleil continue de s'illuminer alors que lui s'était éteint.

En regardant de plus près, nous pouvons voir des insectes recouvrir les montres à goussets en bas à gauche. La représentation de ces fourmis et de la mouche semblent référer à la mort ainsi qu'à la décomposition.Le professeur appuya sur une touche de sa petite télécommande, faisant apparaître de nouvelles images au tableau. Dalì détestait les fourmis. Il les représentait souvent comme étant un symbole de putréfaction dans ses œuvres.

Le professeur revint en arrière pour continuer l'analyse de l'oeuvre. Cela semblait incroyable pour Izuku de voir à quel point de simples éléments pouvaient représenter autant de chose. Cette idée de fourmis faisant référence à la mort lui semblait quelque peu familière. Ce serait mentir de nier la sensation qu'il ressentait chaque matin en se réveillant jusqu'au soir lorsqu'il fermait les yeux, visitant parfois son sommeil sans rêve et ses nombreux cauchemars.

De toutes les sensations qui traversaient son corps, celle-ci était bien la pire.

Il ne pouvait s'empêchait d'avoir du mal à respirer. Comme s'il n'y avait pas assez d'oxygène dans l'air. Comme s'il était prisonnier d'une pièce complètement vide. Respirer lui faisait mal et le peu d'air qui s'infiltrer à travers sa trachée lui donnait l'impression d'ingérer des lames de rasoir plus tranchantes les unes que les autres. Accumulé à cette souffrance respiratoire, la sensation d'avoir un millier de fourmis en train de lentement grignoter tous ces organes lui provoquer souvent la nausée. Il était presque certain d'avoir les poumons rongés, les intestins dévorés et le cerveau complètement bouffé. En bref, ses organes vitaux lui semblaient être complètement éreintés, voire même à l'agonie. Izuku avait la sensation qu'une douce nécrose s'emparait de ses tissus vivant, ayant pour unique objectif de lui procurer une mort lente et douloureuse. 

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