Chapitre 1

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    J'ouvris péniblement les yeux, allongée au sol. Je venais de tomber de mon lit. Je tentai de me défaire de ma couette emmêlée autour de moi à l'aveugle. Quand j'y parviens enfin, je me levai en constatant avec une petite pointe de satisfaction que mon oreiller, lui au moins, n'avait pas bougé de place. Je replaçai ma couverture aux draps mauves à sa place, refaisant au mieux mon lit, qui reviendra à son était initial dès le lendemain. Cela faisait près de huit ans que je n'avais pas touché à ma chambre. Quelques petites nouveautés ici et là suffisait à combler mon bonheur. Dernier achat en date ? Un tapie de fausse fourrure rose en forme de cœur posé aux abords de mon lit, prêt à me réceptionner en cas de chute semblable à celle de ce matin-là. Elle était plutôt grande, cela m'arrangeait. N'étant meublé que d'un long bureau gris, de mon lit double et d'une table de chevet encombré, j'avais la place de bouger comme bon me semble, comme danser -ou plutôt essayer de danser- quand la musique était à fond et que j'étais seule à la maison. Cela n'arrivait pas souvent. Accrochée aux murs, des étagères grises supportent depuis des années le poids de livres et de disques qui s'accumulent, tout comme ma table de chevet qui se voit quotidiennement affublé d'un nouveau livre, sans que je ne prenne la peine de ranger le précédent. Un mur est également bien occupé par une penderie à moitié vide où j'avais pris l'habitude de ranger mes peintures, à défaut d'avoir des kilos de vêtements. Je me plaçai devant le miroir accroché à l'une des portes de la penderie, observant ma tête du matin avec un dégout non-dissimulé. Mes cheveux bruns formaient une couronne de nœuds informes au-dessus de mon visage au teint pâle et de mes yeux verts fatigués, maquillés de cernes tournant au violet. Chaque matin, je me disais que j'aurais pu passer des castings pour des films de vampire, ils n'auraient même pas eu à payer de maquilleurs. Il aurait juste fallu commencer les tournages avant huit heures du matin.

Sur mes bras, des bleues étaient encore quelques peu visibles, marquent de mes chutes matinales, et autres maladresses de ma part. Je me souviens de ce jour où, au collège, il faisait tellement chaud que je n'avais pas eu le choix de mettre des manches courtes, laissant voir des marques plus ou moins vieilles. L'école avait appelé mes parents, pensant que qu'ils me battaient ou que des élèves de l'établissement le faisait. Heureusement non, ils ne sont jamais arrivés à de tel extrémités avec moi. Mes blessures n'étaient que le fruit d'une maladresse récurrente. Du moins les blessures physiques. Il est difficile de déceler celles qui ne sont pas remarquables par tout le monde.

Je commençai à m'attaquer à ma crinière. Armée de ma brosse à cheveux, je tentai de dompter les boucles rebelles, repensant à mon rêve de la nuit passée. Je n'avais rien modifié, pour la première fois depuis longtemps. Il avait dû commencer quatre ans auparavant, quand je n'avais que douze ans. J'en avais plus de seize, et il me hantait toujours. Chaque nuit, dès que mes yeux se fermaient, il était là, me faisant petit à petit sombrer dans une douce folie. Je l'avais écrit, j'en avais parlé, mais rien à faire. J'avais lu une fois qu'en parlant des rêves dont on se souvient, notamment les cauchemars, cela réduisait les chances de les refaire. Le simple fait d'en parler m'avait donné l'impression que celui-ci avait empiré. Je m'en souvenais plus en détails, plus souvent, plus fortement. Chaque fois ce même début, chaque fois cette même fin, et jamais d'autres personnages. Je n'avais jamais vu le père, ou n'importe qui d'autre qu'eux.

Je grimaçai en m'arrachant une mèche de cheveux quand on toqua à la porte. Seulement cinq personnes pouvaient se trouver derrière cette porte, deux d'entre eux étaient parti, l'une n'avait aucunes raisons de venir me voir et l'une était trop petite pour savoir qu'il faut toquer à une porte avant d'y entrer si ce n'est pas sa chambre. Je me tournai donc vers le bruit pour apercevoir une grande rousse fine, au regard bleu de jugement vers moi.

-Bouge-toi, me dit ma grande sœur Marguerite de sa plus douce voix aigrie, papa et maman viennent de partir poser Capucine et aller bosser. Ils m'ont demandé de vous déposer au lycée avant d'aller en cours. Et il faut que je passe voir Max alors on part dans vingt minutes, et je ne t'attends pas. Si t'es pas prête je m'en fous tu prends le bus ou t'y vas à pied.

La porte magique, le monde de la musique (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant