Chapitre 1

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J’aimerais pouvoir voir les étoiles. Les contempler. Les admirer. Seulement, une mer de nuage gris m’en empêche. Seuls quelques rayons de lune transpercent ce sombre voile et éclairent la nuit noire. Je regarde mon téléphone. 20H36. La journée a été longue. Je ferme les yeux et me laisse bercer par ma musique.

De mon sommeil léger, je sens la voiture s’arrêter. Je comprends que je suis arrivée et rouvre difficilement les yeux. Le chauffeur m’ouvre la porte, sort mes valises, me salue, puis repars, me laissant seule devant une grande maison. Je prends quelques secondes pour observer. Le jardin est joliment fleuri, la maison dans un style mignon et élégant et je remarque par de grandes baies vitrées que la lumière est allumée, malgré l’heure tardive. Je me décide finalement et avance jusqu’au petit porche. Dois-je toquer ou sonner ? Je sens mon cœur battre un peu plus vite, alors je prends une grande inspiration, relève la tête et toque trois coups. Je m’agrippe aux poignées de mes valises.

J’entends des pas résonner, la clé se tourne dans la serrure, puis la porte s’ouvre.

On se retrouve face à face. On se regarde, se dévisage. Je lutte pour ne pas vaciller. Elle est comme mon reflet, en un peu plus âgée. Mais elle a ce grain de beauté sous l’œil droit que je n’ai pas. Et des petites rides sur le coin de ses yeux que je n’ai pas non plus. Mais elle a surtout ce sourire que je n’ai plus. Ce sourire joyeux et vivant, qui communique une telle chaleur et une telle douceur qu’on va mieux rien qu’en le voyant. Mais je ne vais pas mieux. Excepté cela, le même nez, la même bouche, les mêmes cheveux et la même lueur brillante dans les yeux. Elle, de gentillesse et peut-être même de joie, moi, je suis simplement troublée. Je sais que je devrais être reconnaissante envers elle, je le sais parfaitement. Et pourtant… Son regard m’est étrange et son sourire insupportable. Je sais que je suis injuste. Je ne peux me résoudre à la regarder droit dans les yeux, je ne peux lui offrir un sourire sincère.

- Entre Lucy, entre, me dit-elle de sa douce voix, en se décalant pour me laisser passer.

Je m’exécute et c’est une fois à l’intérieur que je réalise à quel point j’avais froid dehors.

- Vas te réchauffer devant la cheminée, je m’occupe de tes bagages, dit-elle comme si elle lisait dans mes pensées

Je la remercie, retire mes chaussures puis je vais m’asseoir sur le canapé. Je regarde autour de moi, j’aime beaucoup la décoration. Assez simple mais je trouve la pièce à la fois élégante et chaleureuse.

- Tu veux boire quelque chose ? Thé, chocolat chaud, café ? Dit-elle me prenant par surprise, je ne l’avais pas entendu revenir

- Un chocolat chaud s‘il te plaît

- Pas de problème.

Elle se dirige vers la cuisine ouverte, prend deux tasses et y verse du lait.

-Tu as tellement grandi, c’est impressionnant…

Je hoche la tête

- Ça fait longtemps qu’on ne s’était pas vu…

C’est à son tour de hocher la tête.

- C’est vrai. Je n’ai jamais réellement osé reprendre contact après… tout ce qu’il s’est passé…

Elle me regarde d’un air tendre et lit du regret dans ses yeux humides.

- Je suis désolé de ne pas avoir été là quand tu n’allais pas bien Lucy. Mais je te promets qu’à partir de maintenant, tout va changer. Tout ira mieux.

Son sourire à la fois réconfortant et sûr d’elle donne vie à ses propos, et c’est pour ça que je lui réponds moi aussi, par un sourire. Un sourire forcé et peut-être pas très naturel, mais elle semble ne pas le remarquer. Après tout, personne ne le remarque jamais. Il semblerait que je sois bien meilleure actrice que je ne le pensais.

Je me penche en avant et prends ma tasse, y trempe mes lèvres mais les ressort aussitôt. C’est super chaud. Je souffle quelques secondes, puis réessaie.

- C’est super bon !

Elle me regarde, et sourit en coin.

- Je sais, dit-elle visiblement pas peu fière d’elle

On se regarde quelques secondes, puis on ricane. Elle n’a pas changé…

- Je te ferai bien goûter mon délicieux café, mais il est tard et si tu le goûtes maintenant tu risques d’en vouloir un entier. Avant de dormir ce n’est pas la meilleure des idées, dit-elle tout en sirotant le sien

Je la regarde quelques secondes en mode « c’est clairement ce que tu es en train de faire », et elle semble le comprendre.

- Fais ce que je dis, pas ce que je fais, répond-elle avec un grand sourire angélique qui me fait ricaner

- Enfin bon, tu as fait un bon voyage ?

Je hoche la tête tout en avalant ma gorgée, puis répond.

- Un peu long, mais ça va.

- Oui je m’en doute, tu dois être fatiguée.

- Oui… je sens que je vais bien dormir ce soir.

Elle me sourit gentiment.

- Je m’en doute. Finis ta tasse et je te montre ta chambre.

Je finis mon chocolat chaud, puis je dépose la tasse dans l’évier, comme elle l’a fait quelques minutes avant.

- Viens, suis-moi.

On monte à l’étage et je la suis dans le couloir. Elle s’arrête devant une porte et se décale pour me laisser devant. Je l’ouvre et entre dans la pièce.

- Voilà ta chambre, je ne l’ai pas vraiment décoré, je ne savais pas trop ce que tu aimais, alors je te laisse faire ce que tu veux. Si tu as besoin d’aide pour la peinture ou pour monter des meubles, dis-le-moi.

- Pas de soucis, merci beaucoup

- C’est normal Lucy, dit-elle avec son beau sourire

Elle se retourne pour partir, fait quelques pas puis s’arrête au pas de ma porte. Finalement elle se tourne à nouveau vers moi, la main sur la poignée.

- Lucy… Je sais que ces derniers temps ont été compliqués pour toi… Et je ne vais pas te faire de longs discours ennuyeux, tu as fait un long voyage et tu es fatiguée, mais je voulais te dire que tu peux compter sur moi. Si tu te sens seule, perdue, si tu as besoin d’aide, si tu as des questions… Je suis là.

Je la regarde, ne sachant pas trop quoi dire.

- Désolé je ne voulais pas te gêner, dit-elle en rigolant nerveusement, je voulais juste que tu le saches.

Je m’esclaffe doucement, puis lui sourie

- Merci.

Elle me sourit en retour

- Bonne nuit Lucy.

- Bonne nuit à toi aussi, tante Anna.

Puis elle ferme la porte. Mon sourire disparaît aussitôt, et je prends une grande inspiration. Tante Anna est adorable, mais je supporte peu de la voir. Elle ressemble trop à ma mère.

Je m’installe sur mon lit, et prends un peu plus de temps pour détailler ma chambre. Les murs sont blancs, il y a quelques plantes sur le bureau et sur le rebord de la fenêtre, je remarque des leds autour de mon lit, un dressing vide, et une porte. Je l’ouvre et entre dans la salle de bain. Elle est toute en blanc et bois, dans un style que j’aime beaucoup. Je retourne dans la pièce, elle a posé mes valises près du dressing. Je les ouvre, en sors mon pyjama et ma trousse de toilettes, puis vais prendre une bonne douche. L’eau chaude me fait un bien fou. Quand je ressors, je m’enveloppe dans une serviette, puis enfile mon pyjama et me glisse sous la couette. Moi qui ai l’habitude de penser, de réfléchir et d’imaginer des tas de scénarios avant de dormir, je tombe dans un sommeil profond en quelques secondes à peine.

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant