- Clarisse, si tu ne te tais pas tout de suite je fais un plan de classe ! menace le professeur de mathématiques. Je suis sûr que ça plaira à tes camarades.
Des protestations discrètes se font entendre, et Clarisse préfère se taire en apercevant les regards durs que lui jettent certains élèves. Lana est étalée sur la table, comme presque tout le monde, à cause de la chaleur écrasante. On est qu'en février, mais le réchauffement climatique se fait déjà sentir. J'essaie d'ignorer la sueur perlant à mon front pour écouter le cours.
Ray joue avec son stylo, Paolo ricane avec Hidji derrière nous, Clarisse se penche en arrière pour discuter avec eux, tandis que j'observe discrètement Lana : la routine. Aujourd'hui, la jeune fille est habillée d'un t-shirt noir décoré d'un petit Tanjiro kawaii, accompagné d'une jupette rose et d'un collant noir. Je ne peux pas voir ses chaussures, mais la petite barrette adorable tenant ses cheveux en arrière est à portée de vue.
Je me sents ridicule, avec ma salopette grise et mon t-shirt rouge vif. J'ai l'air d'un clown, à côté d'elle. Pendant une seconde, j'ai l'impression qu'elle se tourne vers moi, mais elle regarde finalement par la fenêtre. Un gros bruit retentit, et la classe entière éclate de rire. Dommage que j'ai raté la scène, car voir mon frère tomber bêtement de sa chaise aurait été très drôle. Celui-ci se relève en époussetant son pantalon. Le professeur s'énerve, mais Paolo reste impassible. Au lieu de rire avec les autres comme il l'aurait fait habituellement, il reste silencieux... bizarre. J'irais lui parler après les cours. La sonnerie retentit, et je note rapidement les devoirs avant de sortir.
Lorsque l'on quitte la salle, je prends mon frère par le bras pour l'emmener dans un coin du couloir.
- Qu'est-ce qui se passe ? je chuchote.
- Depuis quand tu te préoccupe de mes émotions ?
- Depuis que je suis ta sœur. Maintenant, dis moi ce qui ne va pas.
- C'est pas le moment...
- J'ai tout mon temps.
- Oui bah pas moi, donc fiche moi la paix !
Paolo s'éloigne à grands pas pour rejoindre ses amis. Tanpis pour lui, je voulais l'aider mais s'il ne veut pas, je ne vais pas me fatiguer à lui courir après ! Je descend en récréation, où Lana m'attends avec Ray et Clarisse. Lorsque cette dernière me voit arriver, elle s'exclame :
- Go !
Lana et Ray me prennent les bras et me tirent avec eux. Malgré leurs corps frêles, ils ont assez de force pour me forcer à avancer. Arrivés dans un coin de la cour, ils me lâchent et s'assoient par terre avec Clarisse. Je me place à côté d'eux, attendant qu'ils prennent la parole.
- Neila, prononce lentement la blonde. Tu te souviens quand tu m'as dit être lesbienne ?
- Tais-toi ! je panique. Pourquoi tu le dis devant eux ?!
- Parce qu'on le sait, coupe Ray. Ça assez évident à vrai dire.
- Vraiment ?...
- Vraiment, affirme Lana.
- Mais...
- Laissez moi parler, nous interromp Clarisse. Je sais que c'est bizarre comme question, mais on voulait savoir... ça fait quoi d'aimer les filles ?
Lana baisse imperceptiblement les yeux, alors que je déglutit avant de tenter une réponse :
- C'est... c'est la même chose qu'aimer un garçon, sauf que... c'est une fille à la place...
- C'est ça, approuve Lana.
- Si tu le savais, pourquoi tu nous l'as pas dit ? demande Ray.
- Je... j'étais pas sûre de moi. J'ai lu une phrase ressemblant à ça... sur internet...
- Oui bien sûr, sur internet, lance le garçon.
Lana hésite à répondre, ne comprenant pas comment elle est censée interpréter cette phrase. Je lui épargne la besogne :
- Pourquoi vous voulez savoir ça ?
- Juste comme ça... marmonne Clarisse.
- Oui, juste comme ça, répètent les deux autres.
Une grande brune sort de nulle part et s'avance vers nous.
- Eh, c'est toi qui es monté sur scène avec Glitch, hier ? demande-t-elle à Lana.
Mon amie baisse les yeux, encore perturbée par les événements du jour précédent. Clarisse chasse la curieuse, qui repart en nous jetant un regard noir.
J'attends Hidji devant l'épicerie, car c'est lui qui est chargé d'apporter le cygne aujourd'hui. On alterne la garde de l'animal, on en a seulement un pour tout le groupe. L'emploi du temps est stricte, mais Hidji n'a jamais été très pointilleux. Mon frère est accroupit, jugeant cette position plus confortable pour patienter. Lana admire le Nuage, qui paraît énorme même de loin.
Notre conducteur arrive enfin après trente minutes d'attente, et on en profite pour le traiter de tous les noms. Il s'excuse pour son retard, et promet de faire attention la prochaine fois : son discours habituel, qui est complètement inutile vu qu'il est toujours faux.
Dans le Nuage, on évite soigneusement la salle de concert, qui nous laisse un atroce souvenir. Les garçons entrent dans le salon strip-tease, le seul endroit où je n'ai jamais osé m'aventurer. C'est apparemment aussi le cas de Lana, qui m'entraine vers le restaurant. Elle s'arrête net lorsqu'elle voit les deux entrées différentes : celle des clients, et celle des employés. Je la dépasse pour entrer dans les cuisines. Elle me suit, intriguée.
- Tu travailles ici ? m'interroge-t-elle.
- N'importe qui peut trouver un emploi dans le Nuage, je réponds. Dans chaque salle, un adolescent choisit pour cette mission observe le personnel, et les paie par rapport à la qualité de leur travail.
- Si je comprends bien, le Nuage permet de se divertir, mais également de se faire de l'argent, raisonne Lana.
Je l'approuve d'un hochement de tête avant d'enfiler un tablier. La jeune fille m'imite, et je l'emmène dans une rangée vide et salle de la cuisine. Alors qu'une dizaine d'enfants s'affairent autour de moi à préparer à manger, je saisis la serpillière et commence à nettoyer le sol.
- Tu fais le ménage ? s'étonne Lana.
- Comme personne ne veut le faire et que c'est assez compliqué, en plus d'être essentiel, c'est très bien payé. Vingt-cinq euros l'heure si tu le fais bien ! Vingt-cinq pourcents plus que pour les véritables femmes de ménage !
- Je pense que vais t'aider alors, soupire Lana en prenant un chiffon.
Un homme s'approche d'elle et lui propose d'aller nettoyer un plat renversé dans la grande salle à manger. Elle me salue, et cinq minutes plus tard j'entends des cris. Tous les cuisiniers ainsi que moi-même courrons vers l'origine du bruit. Je grogne de fureur en repérant Lana, coincée entre-deux adolescents qui la frappent.
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I found the love with a girl {EN RÉÉCRITURE}
Romance[En pause genre posé] Des jumeaux, un frère et une sœur, deux personnalités différentes,... mais aucun pour assumer sa sexualité. Être entouré d'hétérosexuels alors qu'on est gay, c'est pas facile à vivre. Surtout si on ose pas le dire, alors que le...