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Il était tard lorsque mon téléphone sonna dans la pénombre de ma chambre. Je m'étais absenté pour rendre visite à nos cousins de Denali, et en profiter pour Chasser un peu. Paul voulait m'accompagner, mais j'avais estimé qu'il était préférable qu'il reste à La Push avec le reste de la meute. Depuis plusieurs années, il faisait parti du Conseil des Anciens, s'assurant que le traité de paix ne soit jamais rompu, bien qu'il n'y avait aucun doute à ce propos depuis l'Union de Jacob et Renesmée.
Je soupirais et me levais pour prendre l'appel. C'était Bella. Je pris une grande inspiration, et décrochais.
— Bella ? Qui a-t-il ?
— C'est Paul, m'annonça ma sœur. Il faut que tu rentres.
Je fronça les sourcils et me tendis aussitôt. Dès qu'il s'agissait de Paul, je ne cherchais pas à discuter ou à savoir ce qui se passait. Je fonçais. Il était ma priorité, quand bien même je n'avais pas eu le temps de me nourrir convenablement.
— Je me mets en route.
Je raccrochais aussitôt, et rassemblais mes affaires aussi rapidement que pouvait me permettre ma condition. J'étais consciente que le reste des Vampires présent dans la maison avaient entendu la conversation téléphonique. Aussi, j'étais soulagée de ne pas avoir à m'expliquer.
C'est triste qu'il faille que tu partes aussi vite, soupira mentalement la voix de Kate.
Il le faut. Paul a besoin de moi.
Je le sais. Reviens vite.
Je quitta la chambre rapidement et traversa la maison avant de gagner ma voiture.
Nous expliquerons au reste de la famille que tu as dû partir rapidement, me rassura Eleazar. Ne t'en fais pas.
Merci, murmurais-je en tournant les yeux vers la maison.
Mes amitiés à Carlisle.
Je n'y manquerais pas.
Je monta dans le véhicule et démarra, avant de m'éloigner de la maison le plus vite possible. Je regrettais de ne pas être venue à pieds, je serais arrivé à La Push beaucoup plus vite que ça.

Lorsque je me gara devant la maison d'Emilie à La Push — que nous avons investis à leur mort —, je remarqua que Bella et Edward étaient déjà là et tenaient compagnie à Jacob qui attendait au-dehors. Les années avaient eu raison de Jacob, si bien qu'à présent, lui-même faisait partie des membres du Conseil des Anciens. C'était notre malédiction à nous les Vampires. Même les Loups-Garous n'étaient pas immortels. Ils mourraient comme tout Etres-Humains. Quant à nous, étions condamnés à continuer à vieillir.
Cinquante ans s'étaient écoulés depuis cet affrontement que j'avais remporté contre Connor. Au cours de ces cinq décennies, j'avais mis un terme à ma carrière — m'enfonçant dans l'anonymat le plus total avant de me faire passer pour morte —, j'avais vu mes deux parents mourir de vieillesse, et j'avais été contrainte quitter Forks pendant une certaine périodes parce que je ne vieillissais pas. Seule Renesmée était resté là-bas, et moi-même pour être au près de Paul. Mais je m'éloignais de la Réserve pour me nourrir.
— Comment il va ? m'inquiété-je en tournant les yeux vers Carlisle qui quitta la maison d'un pas lent.
Il tourna les yeux vers moi, et afficha un regard compatissant.
— Il tient le coup. Mais ce ne sera plus très long maintenant. Je lui ai administré de la morphine pour qu'il ne souffre plus.
— Merci, soufflais-je en tournant les yeux vers mes amis.
— Nous l'avons déjà vu, m'annonça Jacob. Il ne reste plus que toi maintenant.
Sois forte, souffla la voix d'Edward dans mes pensées.
Je hocha la tête tristement, et entra dans la maison. Je fus aussitôt frappée par le son des battements d'un coeur qui pulsaient lentement. Très lentement.
Je bloquais ma respiration et suivis le son des battements de coeur, jusqu'à ce que j'arrive à la chambre qu'il occupait. Elle n'était plus occupée depuis plusieurs années à présent.
— Lana... chuchota la voix de Paul, que j'entendis comme s'il avait crié mon nom.
Je m'approchais de son lit, et m'installais à côté de lui avant de prendre un gant qui flottait dans un bol d'eau. Je l'essorais et épongeais le front de mon Quileute, en douceur. Les années avaient eu raison de son apparence, mais je l'aimais comme au premier jour de notre rencontre.
— Chut... lui ordonnais-je à voix basse, avant de reposer le gant pour me concentrer sur lui.
— Tu es venue.
— J'aurais traversé le monde pour toi. Je ne t'aurais jamais laissé tombé. Jusqu'à ce que la mort nous sépare, comme on se l'est promis. Tu t'en souviens ?
Il soupira et hocha la tête en m'affichant un sourire.
— J'aurais pourtant pensé qu'avec les années, tu te serais lassée d'un vieil homme comme moi.
Je lui pris la main et lui caressa la joue le plus doucement possible pour ne pas le blesser. Il était encore plus fragile à présent.
— Mon amour pour toi reste inchangé. Peu importe l'âge ou l'apparence que tu puisses avoir. C'est ton coeur et ton esprit que j'ai épousé. Pas ton corps.
— Je t'aime tellement, Lana. Si tu savais...
— Je t'aime aussi Paul. Et ça ne cessera jamais.
Un sourire léger s'étendit sur son visage.
— Il y a tellement de chose que j'aurais aimé que tu saches et que je ne n'ai pas eu le temps de te dire... murmurais-je d'une voix empreinte de regret.
— Tu as encore un peu de temps.
— Tu sais bien que non.
— Je t'en supplie. Le vieil homme que je suis n'a pas envie de gâcher le peu de temps qu'il lui reste, avec l'idée qu'il n'en a plus pour longtemps. Tu as encore le temps de me dire ce que tu as à dire.
Je soupira en hochant lentement la tête. Il avait raison. Il ne fallait pas que je lui fasse perdre son temps.
— Tu as raison. Excuse-moi.
— Tu es aussi belle qu'à notre première rencontre.
— C'est parce que le temps n'a plus d'emprise sur moi, murmurais-je en souriant à regret.
— J'aurais dû accepter que tu me mordes quand tu me l'as proposé il y a quarante-cinq ans.
Cinq ans après notre victoire sur les Volturis, Paul et moi nous sommes mariés. Et lors de notre nuit de noces, je lui ai proposé de le mordre pour que nous soyons ensemble jusqu'à la fin des temps. Je me rappelle de son refus, prétextant qu'il adorait être un loup. Et son devoir était de protéger les humains d'autres Vampires qui n'auraient pas d'intentions aussi pacifistes que le clan des Cullen et des Denali.
— Ou que je ne me suicide pas, murmuré-je en souriant tristement. J'aurais vieillie à tes côtés, on aurait probablement eu des enfants tous les deux...
— Il faut que tu te remettes de ça Lana. Moi aussi j'aurais aimé que tu vieillisses à mes côtés. Mais c'est la vie. Ne regrette pas ce qu'on a vécu. On a été heureux.
Il toussa et je m'inquiéta aussitôt. Lorsqu'il se détendit, j'en fis de même.
— J'ai trouvé la lettre, tu sais ?
Je haussa les sourcils de surprise. Je savais pertinemment de quelle lettre il parlait. Celle d'Alec. Qu'il m'a laissé il y a quelques années.
— Je ne sais pas ce qui m'a prit de la conserver... murmurais-je.
— Tu n'as pas besoin de t'expliquer. Je ne suis pas éternel, contrairement à lui.
Je fronçais légèrement les sourcils en plongeant mon regard dans celui de l'homme que j'aime.
— Mais c'est toi que j'aime. C'est toi que je veux.
— Je le sais.
Je pris une nouvelle fois le gant, et l'essorais avant d'éponger le front de Paul.
— J'aurais aimé que l'on ait plus de temps toi et moi.
— Tu m'as donné cinquante ans. Que demander de plus ? J'ai eu une longue et heureuse vie. J'ai été comblé d'avoir eu le privilège de t'avoir à mes côtés. Tu m'as donné tout l'amour possible et tu m'as épousé. J'ai vécu ce qu'aucun autre homme aurait pu vivre.
— Je ne veux pas que tu me laisses, soufflais-je.
— Je trouverais Roran. Je prendrais soin de lui.
— Paul... Laisse-moi te transformer.
— Pour rester un vieil homme pour toujours ?
— Mais tu resterais avec moi.
— Sois raisonnable. Je suis un Loups-Garous. Pas un Vampire. Je ne pense même pas que ce soit possible pour nous, de devenir une autre créature.
Une profonde tristesse s'empara de moi, vite allégée par une sensation de calme. Jasper devait se trouver dans les parages, et cela m'irritait quelque peu. Je voulais ressentir cette tristesse parce qu'elle était la seule chose qu'il allait me rester de Paul.
— Fais-moi une promesse.
— Tout ce que tu veux.
— Ne me pleure pas trop après mon départ. Je veux que tu retrouves l'amour. Un humain que tu pourras transformer en Vampire plus tard, s'il le faut.
Je secoua la tête, refusant d'accéder à cette demande.
— Tu te rends compte de ce que tu me demandes ? Je ne pourrais jamais plus aimer aucun autre que moi.
— Nous n'avons pas qu'un seul amour dans la vie. J'en ai eu deux. Tu m'as fait la promesse.
Résignée, je soupira à regret. Je lui avais déjà donné ma parole. Et je n'étais pas le genre de personne à la reprendre.
— Je suis si fatigué... chuchota Paul en fermant les yeux, avant de prendre une grande inspiration. J'aimerais me reposer.
Je déglutis, consciente de ce que cela voulait dire.
— Ça va aller Paul. Repose-toi.
Il ouvrit les yeux et leva sa main dans ma direction avant de la poser sur ma joue. Je fermais les yeux, profitant de ce dernier contact que la vie nous permettait.
— N'oublie pas que je t'aime.
— Je ne l'oublierai jamais.
La main de Paul se fit plus lourde dans la mienne, avant qu'elle ne retombe lourdement sur le matelas. Son coeur ralentit peu à peu, avant qu'il ne cesse une dernière fois de battre, s'arrêtant dans un dernier souffle, ne laissant qu'un bruit long et strident, preuve que son coeur ne bat plus.
Je sentis mon coeur se briser, aussi impossible que ce fût. Un silence s'installa dans la pièce. Ou était-ce moi qui fût sourde tout à coup.
Je me levais et reculais de quelques pas avant de quitter la maison. Je vacilla légèrement, et me cramponnais à la colonne du porche de l'entrée. Le bois craqua sous ma force, tandis que ma sœur s'approchait de moi.
— Lana ? s'inquiéta-t-elle en posant sa main que mon bras.
J'eus un mouvement de recul, avant de tourner les yeux vers ma famille qui semblait inquiète. J'aperçus au loin, Jasper qui me regardait avec un air concentré. Je sentais qu'il se donnait du mal pour contrôler mes émotions. Mais il se rendit vite compte qu'il n'y arrivait pas. La peine que je ressentais commençait à se transformer en une rage sourde et douloureuse. J'avais perdue l'homme que j'aimais, avec lequel je m'étais mariée. Je m'étais aveuglée d'illusion d'éternité, alors que les Loups-Garous n'étaient pas éternels. Ils avaient la capacité de se transformer en loups, de se régénérer tout seul au niveau des cellules, mais il n'en restait pas moins un humain.
Je m'éloignais de tout le monde, et abandonnais ma voiture sur place, avant de m'engouffrer dans la forêt derrière la maison. Je m'enfonçais toujours plus loin, et mis un maximum de distance entre cette maison et moi.
Lana ? m'appela Edward.
Laisse-moi tranquille !
Je le chassais de mon esprit et plaçais une barrière mentale entre lui et moi.
J'avais perdue Paul, et me retrouvais une nouvelle fois seule. J'étais condamnée à passer on éternité à vivre dans la solitude et le deuil. Je ne pouvais plus le supporter. Je ne pouvais pas l'accepter. Je ne voulais pas m'y résoudre. Paul était mort, et il venait de m'abandonner.

J'arrivai chez moi, dans l'appartement que nous avions élu comme foyer, et je ferma la porte. Je fis les cent pas dans la pièce principale comme un lion en cage, et balaya mon bureau d'un revers de la main. Tout ce qui s'y trouvait s'écrasa sur le mur, émiettant quelques briques sous la violence. Un bris de verre attira alors mon attention. Je baissais les yeux, et vis un cadre photo de Paul et moi. Le verre était à présent, complètement brisée.
— Lana ? m'appela une voix dans mon dos.
Je sentis aussitôt l'inquiétude d'Edward qui se trouvait derrière moi.
— Que fais-tu ici ?
Je me tournais vers lui, et lui fis face.
— Ta sœur s'inquiète pour toi.
Je haussais les épaules et soupirais.
— Elle n'a pas besoin de s'en faire. Tout va très bien.
Edward soupira si bas, qu'une oreille Humaine n'aurait pas pu l'entendre.
— Tu viens de perdre l'homme que tu aimes. C'est normal que tu ressentes de la tristesse. Il ne faut pas que tu la garde enfouie au fond de toi.
— Tu peux retrouver Bella et lui assurer que je vais bien.
— Je le pourrais, si je te croyais. Jasper a senti ta peine.
— Et a essayé de m'en priver. Qu'elle différence il y a par rapport à moi ?
— Il essayait seulement de t'aider.
— Alors considères que je m'aide aussi.
Mon beau-frère soupira tristement et inclina légèrement la tête pour me signifier qu'il avait compris.
— Je vois, murmura-t-il. N'oublies pas qu'il y a des gens qui tiennent à toi. Tu n'es pas seule. Et nous, nous sommes immortels.
Il s'éclipsa aussi vite qu'il était arrivé, me laissant seule dans mon appartement.
— C'est peut-être ça le problème dans le fond... murmurais-je pour moi-même. 

Twilight Chapitre 6 : DésertionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant