SILENCE ET CONFIDENCE

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La scène se passe dans un salon richement décoré. Au centre, assis sur une chaise, se trouve un homme bien habillé. À sa gauche, un autre se tient debout, tout de noir vêtu, tandis que l'espace à sa droite est occupé par une femme en blanc. Dans un coin de la scène, un homme plongé dans la pénombre prend la parole.

CHOEUR

Vous êtes, chers spectateurs, dans le salon de Maxime,
Alors que fait rage dans sa tête un débat intime.
Voyez-vous, Maxime a un lourd secret,
Et ne sachant qu'en faire, il est constamment déchiré
Entre Silence et Confidence. Regardez.

CONFIDENCE

Vous, ici ? Je ne pensais pas vous voir.
Vous, ici ! J'aurais dû le savoir.
Toujours à roder, tel un charognard,
Toujours à l'étouffer, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

SILENCE

Si je suis ici, ce n'est pas pour l'embêter, sottises !
Mais bien pour vous empêcher, vous, de faire une bêtise
Et de le pousser à se dévoiler, se mettre à nu,
Faire tomber ses protections alors que de les garder je l'en ai convaincu.

CONFIDENCE

Ce ne sont pas des protections que vous avez érigées,
Aveugle ! Mais bien une prison où, enfermé,
Il passe ses journées à ruminer tout le temps,
Des entraves, vraiment, l'empêchant d'aller de l'avant.

SILENCE

Quelles sont vos recommandations, alors ? Je vous écoute !
Voulez-vous ébranler ses certitudes, lui mettre le doute,
Et observer alors que ses confessions
Le rongeront, perfides, telles un poison ?

CONFIDENCE

C'est bien si Maxime garde tout pour lui, imbécile,
Que son secret finira par ronger son âme fragile.

SILENCE

Vous qui êtes si intelligente, pensez-vous qu'avouer,
Et aux moqueries, aux insultes de la société s'exposer,
Pensez-vous que par ses pairs se faire juger,
Pourra aider ses plaies à cicatriser ?

CONFIDENCE

Je vous reconnais dans cette vision mesquine de l'humanité,
Mais il y a tant de lumière chez les hommes, de bonté,
Qu'en lieu et place des brimades que vous pressentez,
En se confessant, Maxime pourra son fardeau partager.

SILENCE

Pensez-vous vraiment qu'un poids partagé est allégé ?
Perspicace que vous êtes, vous devez vous douter
Qu'imposer son secret à quelque humain que ce serait
Loin de le guérir, ne ferait que rajouter, en vrai,
Sur une autre âme, sur un autre cœur,
Le poids de ce secret, de ce malheur.

CONFIDENCE

Je suis convaincue, oui, être mesquin,
Que partager un fardeau l'allège en tout point.
Si Maxime est entouré, s'il a une épouse,
C'est bien pour le sortir de son blues.
Et savoir qu'il aide un être aimé
Empêcherait son confesseur d'être blessé
Par ce secret si longtemps, trop longtemps gardé,
Par cette histoire qui brûle de se libérer.

SILENCE

Pourquoi donc, dites-moi, pourquoi donc parler ?
Pourquoi le secret d'une morte trahir, dévoiler ?
Si les autres doivent savoir ce qui s'est passé,
Ce n'est pas à Maxime d'en décider.
Un secret partagé est précieux,
Et l'autre a son mot à dire, même aux cieux.

CONFIDENCE

À partir du moment où ce secret lui fait du mal,
L'empêche de dormir, agit comme une lame,
Lame empoisonnée, qui garde d'être heureux,
Maxime a le droit de s'en libérer, et mieux,
Il peut le crier, sur les toits le hurler,
Car pourquoi protéger celle qui l'a brisé ?

SILENCE

Libérée, oui, je vous ai toujours trop trouvée,
Et jamais vos promesses vous ne gardez.
Elle a beau être la pire créature de la planète,
Taire leur secret, c'est simplement être honnête.
Un serment n'est pas brisé lorsque l'autre est mauvais;
Non, et même mort, et même après,
Car la parole de Maxime, petite peste,
La parole de Maxime est tout ce qui lui reste.

CONFIDENCE

Mais uniquement car à cette parole il s'accroche encore,
Je vous le dit, et de s'accrocher il a tort,
Car en effet cette barrière qu'il s'impose,
Ces murs le séparent de tant de choses,
Que si à se confier il se laissait aller,
Il pourrait enfin ses malheurs oublier.

SILENCE

Vous devez rire, oh, vous devez plaisanter !
Jamais une personne qui a notre vie marquée,
Qui le long de notre chemin nous a accompagné,
Jamais une telle personne on ne peut oublier.
Une horreur partagée n'est pas une horreur effacée,
Et même si un aveu du réconfort peut apporter,
Ce n'est qu'une bombe qui a été retardée,
Un verre empoisonné partagé, en vérité.

CONFIDENCE

Un peu de réconfort est toujours mieux que rien.

SILENCE

Mais c'est de l'égoïsme qu'entraîner quelqu'un,
Quelqu'un d'innocent, quelqu'un d'extérieur,
Dans la noyade induite par l'horreur.

La lumière baisse progressivement dans le salon, jusqu'à s'éteindre.

CHOEUR

Jamais Silence et Confidence à un consensus ne parviennent,
Et la lame du secret continue ses ravages, sereine.
Un aveu pourrait-il cette blessure soulager ?
Vous seuls, spectateurs, pouvez juger.

Le Triptyque des DilemmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant