Chapitre 4

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Au bout de quelque semaines ou quelque mois, il ne sait pas trop, Mathurin trouve étrange de ne rencontrer aucun village où trouver de quoi se réapprovisionner en vivres. Il décide donc de s'arrêter à la première maison qu'il croisera. Le lendemain, il s'arrête dans une maison au toit de chaume d'où se dégage de la fumée : signe de foyer, de chaleur. Les deux hôtes sont fort aimables et invitent Mathurin à prendre le thé en échange de quelque histoire. Il leur explique alors qu'il joue du violon et l'enthousiasme qui illumine le visage des deux paysans lui font regretter d'avoir choisi une vie sans famille. Ceux-ci chantent en chœur sur le rythme du violon. Depuis longtemps leur maison n'avait pas connu de moment si gai. Les heures passent sans que quiconque ici s'en rende vraiment compte. Jusqu'au moment auquel Mathurin n'avait absolument pas pensé... Qu'adviendrait-il si les lumières se manifestaient alors qu'il était encore en compagnie de ce couple si charmant. Mais au moment où il y pense, il vient d'entamer une nouvelle gigue irlandaise, les rayons du soleil traversent la vitre du salon et comme à son habitude, les petits êtres lumineux apparaissent. Aussi étrange que cela puisse paraître, les deux hôtes ne semblent pas avoir remarqué le moindre changement et continuent de se mouvoir gaiement au rythme de la musique. Bientôt, c'est comme si toute la maison s'était remplie de paillettes dorées qui volent en tous sens. Mathurin continue de jouer, passant son regard des lumières aux paysans puis inversement, jusqu'à se rendre compte qu'il est seul à les voir. Après avoir écouté les paroles qu'il connaissait déjà par cœur, Mathurin arrête de jouer en les voyant se jeter précipitamment dans la cheminée, en renforçant les flammes et produire de la fumée à en atteindre les étoiles. Mais comment interpréter ce phénomène ? D'habitude, celles-ci se confondent aux rayons du soleil vers l'océan. Mais vers les nuages... c'est plus compliqué. Les paysans sont toujours en train de profiter de l'harmonie introduite par la musique et conservée par la chaleur du thé dans leurs mains.
Mathurin, lui, affiche un air surpris qu'aucuns des deux mariés n'a l'air de remarquer, comme si tout ce qui s'est passé depuis que le soleil a pénétré dans la maison n'a pas eu lieu et que Mathurin continue de jouer. Celui-ci s'approche alors de la pierre du foyer, dans la cheminée, d'où se dégage encore des volutes de fumée. Tout en regardant danser les flammes au rythme de la musique qu'il jouait il y a un instant , comme si elles aussi s'étaient figées sur le moment précédent, un vent venu de nul part s'engouffre en lui au point de le rendre aussi léger que la lumière, lui et son violon toujours en main.
Bientôt, il ne voit plus rien si ce n'est un épais brouillard et se demande ce qu'il y avait dans son thé... jusqu'à ce qu'il émerge du conduit de cheminée et voit la maison rapetisser au point de ne devenir qu'une tâche brune d'où se dégage toujours cette fumée si peu naturelle... Il ne sait trop pourquoi mais une fatigue intense commence à l'envahir, comme si tout le vent qu'il avait accumulé se déchaînait dans sa tête.  Ses yeux se ferment et imaginent se rouvrir devant son lit douillet de Brasparts qui, malgré sa soif d'aventure, lui manque désespérément après plusieurs nuits à même le sol.

Le violon mauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant