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— NON !

Un cri déchirant s'échappa de mes lèves sans que je ne puisse le retenir.

— Mais bordel, stop ! Arrêtez... arrêtez ! Criai-je à l'agonie.

Les couleurs fluorescentes des vestes des ambulanciers ne cessaient de s'agglutiner sous mes yeux rouges et trempés.

Je cherchai un quelconque raison pour justifier ces derniers mois, de sa disparition quasi totale jusqu'à ces trois minutes interminables de torture à regarder mon père se faire tuer sous mes yeux et n'en ressentir aucune peine.

Non, pas après ce qu'il venait de faire.

— Pourquoi, pourquoi c'est à lui qu'il s'en ait pris alors que c'est moi qu'il veut atteindre ?

Je hurlai à la recherche de réponses à toutes mes questions. Peut-être criai-je trop fort, mais l'indifférence des brancardiers me poussait à continuer... De toute façon, quel genre de monstre appellerait les flics pour tapages nocturnes alors qu'une gamine pleurait la mort de son père ?

Si seulement ce n'était que la mort de mon père que je m'efforçais d'oublier.

Je tombai à genoux dans les flaques qui recouvraient les rues de Bruxelles après quelques jours d'intempéries en regardant le ciel nuageux et les gouttes qui recommencèrent à en tomber.

— Pourquoi ? chuchotai-je à nouveau, rien que pour moi et ceux qui voulaient bien l'entendre.

S'il y avait bien une chose que j'avais retenu des cours de théologie, c'est les quelques proverbes débiles tels que "On récolte ce que l'on sème."

Mais, moi, qu'avais-je donc semé ?

Je me relèvai précipitamment ne supportant les voix qui me chuchotaient à quel point j'étais seule. Il n'est plus là et je ne peux pas le supporter.

Je perdis l'équilibre assaillie par la cruauté de ce monde de taré, mes jambes ne voulaient plus me porter et je me recroquevillai sur moi-même pour crier encore et encore:

— Je veux le voir, Ju... Je veux vous voir, je veux te voir. pleuré-je dans ses bras. Il ne peut pas partir, m'abandonner ici du jour en lendemain.

Ce qu'il restait de ma voix se brisa et je sentis des mains chaudes m'envelopper. Elias était là et souffrait lui aussi, je le savais. Il le considérait comme son frère et le voilà parti, sous nos propres yeux. Je savais que c'était dur pour lui de me voir aussi abattue, il a toujours été sensible aux sentiments des autres. Il en souffrait, mais pourtant, il restait là à me soutenir, comme chaque fois...

Je m'accrochai à lui comme s'il était ma bouée de sauvetage tandis qu'il pleurait dans mon cou, laissant couler ses larmes le long de ma colonne vertébrale.

Je regardai par dessus son épaule tout en le serrant de toutes mes forces jusqu'à sentir une paire de bras s'ajouter à l'équation. Le parfum de Lilly m'enveloppa et je me sentis à l'abris, protégée des souffrances que m'infligeaint encore mon père et de souvenirs qui voulaient ma peau.

Alors que je me tournai vers ma meilleure amie, une nuée de couleur m'affligea et je vis la silhouette de ma Lilly se dessiner. À peine l'avais-je aperçu, qu'elle disparut dans une obscurité étouffante. Je me retournai et vis Elias être victime du même sort.

Je retombai, prenant mon visage dans mes mains et poussa un cri douloureux, je hurlai à me briser les cordes vocales dont il ne restait déjà quasiment rien.

Des mains se posèrent sur mes lèves humides et je sursautai avant d'ouvrir brusquement les yeux.

Les ombres noires qui dansaient sous mes yeux firent redoubler mes sanglots.

— Ce n'est rien d'autre qu'un cauchemar, Lou.

Je le serrai contre moi jusqu'à sentir son torse contre le mien, m'empêchant de respirer, me laissant juste assez de voix pour murmurer en sanglotant:

— Julien, j'ai cru que... que tu m'avais laissée. Je... je voyais, mais je ne vous voyais plus. J'ai eu... si... si peur.

— Je suis là, Lou. me dit-il doucement en caressant mes cheveux. Ses mots résonnèrent dans ma tête, dissipant peu à peu la terreur qui m'envahissait encore quelques instants auparavant.

Je relèvai la tête, cherchant ses yeux dans l'obscurité de la pièce, jusqu'à me rappeler que je ne verrai plus.

Plus jamais.

Les larmes s'écoulaient lentement le long de mes joues dans un silence que je trouvais rassurant.

— Tu n'es pas seule, Lou, je suis là pour toi, murmura-t-il tendrement.

Je me laissai aller dans ses bras, permettant à mes larmes de couler librement. J'avais tant besoin de sa présence, de sa force pour affronter cette réalité cruelle qui m'entourait que ça m'effrayait.

Peu à peu, la douleur s'apaisait, laissant place à une tristesse profonde mais supportable. Je savais que la route serait longue, mais au moins je n'étais plus seule.

Julien était là, à mes côtés, pour m'aider à traverser ce cauchemar.

Je me blottis contre lui, m'accrochant à chaque instant de réconfort qu'il m'offrait. Ensemble, nous reconstruirons notre vie, panserons nos blessures et trouverons la force de continuer.

Malgré tout.

Dans les yeux de mon pèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant