Le voici. Le voici dans ce monde de brute. Un nouveau né, presque trop petit d'ailleurs. Cela fait si longtemps qu'ils n'ont pas vu, ni même subi pour la nouvelle mère, un accouchement. Ce n'est pas le meilleur moment, ni le meilleur endroit, mais cette naissance ne peut pas être retardé. L'action demande un travail si intense que la mère a été obligée de mettre au monde cet être ne demandant qu'à sortir. Dans des conditions hygiéniques déplorables certes, mais c'était nécessaire. Le nourrisson aurait pu s'étrangler, s'étouffer ou pire encore si elle avait empêché l'accouchement à tout prix. Et, elle le sait, elle ne peut pas se permettre de perdre ce miracle.
Par chance, sans trop de complications, le miracle a vu le jour pour le bonheur de ses deux géniteurs. Il devait peut-être y avoir trois ou quatre individus assistant à cet événement qui ont aidé la mère, bien trop fatiguée par les événements récents. Ils n'ont fait que fuir la mort et la maladie, c'est un miracle qu'aucun d'entre eux soient morts sur le chemin car, croyez moi, ils n'ont pas eu la vie facile jusque ce foyer de substitution. Et ils ont encore du chemin à parcourir, mais leur arrivée ne saurait tarder. De toutes façons, ils n'ont pas le choix, le nouveau né a besoin de ressources particulières.
Pour cette nuit cependant, disons que ça fera l'affaire. Chaque individu du groupe doit trouver un repos mérité et de beaux rêves par rapport à cette réalité catastrophique. Ça fait seulement un an que les combats ont cessé et la société ne semble pas se reconstruire après cela. Donc il y a des groupes d'amis, comme eux, qui fuient les attaques criminelles non punies pour trouver la paix. Ce côté pacifiste a failli leur coûter la peau d'ailleurs. Mais que voulez-vous, ils sont jeunes amis et, pour deux d'entre eux, parents. Cette guerre a été un véritable coup de tonnerre s'abattant sur la vie de tous. Même eux, riches héritiers.
Aucune distinction sociale ne se fait pendant l'enfer, seuls les chefs à la tête des États sont protégés et ne subissent presque aucune perte émotionnelle. Pour chaque peuple sinon, c'est une mort imminente qui faut fuir à la force de ses jambes et de sa volonté. L'argent rend peut-être les voyages clandestins plus faciles, mais c'est tout. Ils perdent tout ce qu'ils ont de plus précieux dans la plupart des cas : leur quotidien, leur maison, leurs autres amis, leur famille... Aucun ne s'en sort indemne d'une expérience si traumatisante. Et c'est par cette volonté de ne pas vouloir infliger celle ci à leur descendance qui les entraîne dans ce pacifisme.
Même vis à vis de l'Etat. Oh si vous saviez leur haine indescriptible envers ces individus. Surtout qu'un ou deux du groupe avaient déjà l'idée révolutionnaire dans le crâne vu la catastrophe de ce gouvernement. Et pourtant, restant fidèles à leur envie de paix et de prospérité malgré ces dégâts conséquents sur Terre, ils se contentent de baisser la tête et d'accepter l'horreur du monde. Puis, maintenant, il n'y a pas que l'Etat comme ennemi, mais aussi les bandits qui profitent de la faiblesse des gens pour se les approprier et s'enrichir. C'est une espèce tout aussi inhumaine que ceux qui gouvernent les pays, voire pire.
Oh, excusez moi, ne racontons pas de tels horreurs. Le nourrisson s'est endormi paisiblement dans ce landeau fait main. La mère et une amie bercent doucement ce lit en continu tandis que les trois autres amis parlent avec le jeune père, depuis quelques heures maintenant. Ils sont dans une autre pièce pour éviter de gêner le sommeil de ce miracle et pour décompresser un peu de toute cette pression sur leurs épaules depuis tant d'année. Surtout les neufs derniers mois avec cette naissance tant attendue. Il faut dire qu'ils n'ont pas été vraiment tranquille le temps que ce cadeau arrive enfin dans les bras des parents heureux. Non, ils ont fui encore et encore avec une mère épuisée.
"Nous ne sommes plus qu'à deux jours de marche de Philadelphie ! Commence un premier
- Enfin notre destination finale.. -souffle le jeune père, rassuré
- Et tu vas pouvoir élever ton enfant sans crainte avec Sally !" Termine le dernier à cette vieille table.Ils échangent tous un rire, épuisés d'une telle aventure. Le principal est qu'ils soient tous ensemble après un trajet si périlleux. Ils ne peuvent s'empêcher de se sentir un peu plus confiant pour la suite. Après tout, ils ont bien fait deux à trois ans de marché pour fuir les bombes et les soldats ennemis. Et encore plus les trois garçons ici, qui depuis le début de la guerre ne font que fuir les dangers de l'enfer. Elle a dû durer au minimum huit ans. Donc ça fait plus de huit ans qu'ils vivent dans le danger constant. Une baisse d'attention ne fait pas forcément de mal, juste pour une soirée. Alors, après un dialogue bien plus joyeux que d'habitude, les deux amis vont se coucher tandis que le jeune père retourne dans la chambre de l'enfant, voir sa compagne, l'amie, et leur enfant endormi paisiblement dans ce landeau. Sans étonnement, les deux femmes se sont endormies près de ce lit. Elles ont le sourire aux lèvres toutes les deux.
Le père entre délicatement dans la pièce et, à sa grande surprise, l'enfant ne dort pas encore mais il est incroyablement silencieux. Ses yeux marrons sont déjà ouverts, peut-être grâce à la faible lumière, et suivent du regard les mouvements de l'homme mais, il ne hurle pas, il observe juste. Déjà pris d'affection pour cet enfant qu'il a conçu avec celle qui partage sa vie, il ne peut s'empêcher de sourire. Il fait un simple signe de la main, le nourrisson ne réagit pas. Étrange. Enfin qu'importe, il se baisse enfin vers le corps de sa femme endormie et secoue légèrement son épaule. C'est un geste qu'il veut très doux pour ne pas la brusquer, rater. Elle se réveille brusquement.
"Hein ?! Ah-
- Chuuuuut... C'est moi Sally... chuchote le père
- Que... Fais tu ? On doit partir...?
- Non non.."L'homme vient déplacer quelques mèches de cheveux sur le visage de sa compagne, elle est tellement fatiguée. Cette dernière, par ces doux gestes, se laisse à moitié tomber contre son homme et le père de son enfant. Elle ne tient clairement pas debout et si ça tenait qu'au père, il l'aurait laissé ici quelques jours le temps qu'elle récupère. Mais le chemin étant trop dangereux, il ne peut se le permettre au risque de perdre elle, ses amis et surtout son enfant. Ce dernier d'ailleurs le regarde toujours avec de grands yeux, encore muet mais il tourne enfin le regard vers sa mère endormie. Ça... a l'air de l'apaiser, étonnement, et il ferme enfin ses beaux yeux bruns. La mère chuchote légèrement, au bord du gouffre du sommeil :
"Julian... Ça lui va bien Julian non...?
- Oui, c'est merveilleux." Acquiese le père.Ils ont réfléchi à son prénom avant, rassurez vous. Mais ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Ce nom semble enfin correspondre aux deux, c'est un véritable bonheur cette naissance. La mère s'est rendormie après ce prénom, le père ne va pas tarder vu comment ses yeux sont lourds. Il s'allonge doucement sur ce dur parquet, tenant sa compagne dans ses bras pour lui éviter de s'infliger encore des souffrances corporelles. Ses paupières se ferment petit à petit en sentant la raison de sa vie dans ses bras et celle aussi dans son petit landeau. Il ne peut davantage résister à la fatigue et, dans un souffle, il finit par s'endormir aussi.
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L.D Before/During/After the War
FantascienzaHistoire de chaque personnage sous forme d'un ou de plusieurs chapitres chacun. Il est conseillé de lire le livre principal auparavant.