la triste perte de Seb

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Je vais vous parler d'une fille. Mais pas n'importe laquelle. Cette fille était belle. Vraiment belle. Ce n'était pas ce genre de fille superbe avec des yeux magnifiques et des longs cheveux blonds. Ce n'était pas non plus ce genre de filles aux lèvres pulpeuses et à l'allure de déesse. Ce n'était pas ce genre de filles aux longs ongles vernis et belles dents parfaitement blanches et symétriques. Elle ne s'appelait pas Ashley ou Vanessa. Ni Agathe. Elle, c'était Jane.
Jane.. La belle et douce Jane. Jane était brune aux cheveux très courts et un peu cassants. Elle rongeait ses ongles. Elle avait une jolie tache jaunâtre dans son oeil, qui rendait son regard encore plus innocent qu'il ne l'était déjà. Elle était maigrichonne, ce qui lui valut de paraître fragile voire frêle. Elle souriait beaucoup. Et l'une de ses dents n'était pas très droite. Elle dût porter un appareil dentaire.
Elle ne s'habillait pas très bien, elle voulait juste être à l'aise dans ses vêtements. Elle avait un pull large qu'elle enfilait souvent avec son jeans gris, et ses grosses chaussures noires. De temps en temps, elle essayait de passer une mèche derrière son oreille droite, ce qui la faisait vraiment rire, étant donné que sa longue chevelure n'était désormais réduite qu'à un simple carré plongeant. Elle trouvait ça bien drôle. Elle se sentait un peu bête, dans ces moments-là. Au fond, elle était fort tête en l'air. Souvent dans la lune, à rêvasser. Un jour, j'étais allé vers elle. J'étais assez nerveux. J'avais peur qu'elle me rejette, même si je savais qu'elle ne le ferait pas. Parce qu'elle n'a jamais rejeté quelqu'un. Elle était ce genre de fille qui aimait un peu tout le monde. Le genre de filles qui fait des petits clins d'oeils. Le genre de fille qui vous sourit sans aucune raison valable. Le genre de nana qui vous fait littéralement craquer, si, comme moi, le naturel vous envoie au paradis bien plus que n'importe quoi sur cette planète. Je lui avais rendu son stylo qu'elle avait précédemment fait tomber. Elle m'avait remercié mille fois au moins, et avait posé sa main sur mon épaule, tout en me regardant droit dans les yeux. J'avais tourné la tête pour regarder sa main sur moi. Et une fois redescendu sur Terre, je lui avais répondu par un simple « de rien », accompagné d'un léger sourire. Je crois que c'est la seule et unique fois que j'avais pu sentir le contact de sa peau contre la mienne. Mais je me souviendrai de cette sensation toute ma vie. C'était tellement magique. Je vibrais de partout, j'étais transporté dans un tout autre monde. Comme s'il n'y avait rien d'autre de mieux qu'elle. Rien d'autre que sa main. Rien d'autre que son sourire. Rien d'autre que son rire qui résonnait en moi comme si c'était la bande originale de ma vie. J'étais bien. Heureux. Bref. Les jours passèrent, et je ne pouvais m'empêcher de la regarder. J'observais ces moindres faits et gestes. Dans le simple but de sourire, moi aussi. J'épiais chaque mouvement qu'elle faisait, pour me sentir vivre. Elle était belle. Et elle essuyait les quelques critiques qui se faisaient à son sujet. « Sainte Nitouche » « Gamine » « Anorexique ». Pff, tout ça n'avait aucune importance à ses yeux. Du moins, c'est ce qu'elle laissait paraître.

Un jour, elle n'était pas venue. Ou alors je ne l'avais pas vue. Mais ça m'aurait étonné, car nous étions dans la même classe. Je ne me faisais pas de soucis. Juste un peu. Un peu plus chaque jour. Parce qu'elle venait de moins en moins. Parce qu'il s'était écoulé une bonne vingtaine de jours sans que je ne la voie. J'étais pire qu'inquiet. De temps en temps, j'écoutais, l'oreille bien tendue, les ragots que ses copines racontaient à son sujet. Bavardages, jacassements, les gens commençaient à ne parler que d'elle. Elle était littéralement devenue le sujet principal de toutes les conversations. Que ce soit pour les professeurs, pour les éducateurs ou même les élèves, tout le monde ne parlait que d'elle. Puis, elle revint. Comme ça. Comme s'il ne s'était rien passé. Par contre, son sourire n'était plus là. Il s'était tout simplement transformé en une petite mine triste. Elle s'était maquillée. Sa poitrine avait grossi. Était-ce réellement sa vraie poitrine d'ailleurs ? Et était-ce vraiment elle ? Non. Ce n'était plus Jane. Je tentais parfois de m'approcher d'elle, mais à chaque fois, elle se tournait furtivement et affichait un regard apeuré en ma direction. J'avais décidé de m'éloigner. Je ne voulais pas lui faire plus peur. Ses copines ne l'étaient plus. Elle était seule. Complètement et définitivement seule. Elle baissait la tête dans les couloirs, à la cantine. Elle ne portait plus que des t-shirts à manches longues. J'avais doucement compris. Mais je ne devais plus l'approcher. Parce que je ne voulais pas l'effrayer plus. Je me contentais de lui sourire de temps en temps, pour lui montrer que j'étais là. Que je la soutenais. Mais rien n'y faisait. Et partout je n'entendais que parler d'elle. De plus en plus. En mal. En très mal. « Anorexique » « Dépressive » « Maquillée comme une pute » « Salope » « Suceuse » « Poufiasse » J'étais choqué. Même pire que ça. Que diable avait-il bien pu se passer durant ses jours en son absence ? Je n'étais pas vraiment ce genre de mec accroc à internet, et encore moins aux réseaux sociaux. J'ai toujours eu une sainte horreur de ces sites-là. Et j'avais apparemment bien raison.

scarification..un mot..tu as honte? moi aussi..Où les histoires vivent. Découvrez maintenant