{12} Solide comme un roc.

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° Jour 4 °

« — Et toi, qu'est-ce que tu compte faire de ton été ? »

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« — Et toi, qu'est-ce que tu compte faire de ton été ? »

Assit sur le sable a mes côtés, Daniel ne me répondait pas. Peut-être qu'avec les cris des enfants qui faisaient des châteaux de sable à quelque mètres, il ne m'avait pas entendu ? Non. Ce n'étais pas ça. Parce que je le voyais entrouvrir la bouche pour me répondre, puis se raviser. Il regardait encore l'océan, comme si c'était à lui que j'avais posé ma question.

Mais aucun ne me répondait, alors je me mettais à le regarder. J'essayais de m'imaginer à quoi il pensait, comme quand on était encore petits et qu'il avait du mal à parler. Il était timide et passait son temps à se cacher derrière moi, même si j'étais bien plus petite que lui, parce qu'il disait que je n'avais peur de rien. Et c'était vrai. J'étais celle qui sautait du haut du muret parce que tomber ne me faisait rien, même si il y avait des graviers en bas, j'éloignais les serpents de nos tentes quand on allait camper et j'étais a l'aise partout, même dans l'océan en pleine obscurité.

Maman disait que j'étais solide comme un roc, une femme comme on les voyait dans la famille, et Laurence, lui, répondait toujours que j'étais un vrai mur, têtue parfois, mais solide. Parce que je laissais les autres s'abriter derrière moi et que ça les empêchaient de s'isoler. J'aimais la façon dont il le disait.

Mais le temps m'avait peut être fissuré en grandissant, parce que j'avais l'impression que Daniel n'était plus derrière moi. Il était tout seul derrière son propre mur.

« — Tu pense à l'année prochaine ? Demandais-je finalement. »

Il sursautait. Il ne m'avait peut-être pas entendu, la première fois que je lui avais parlé.

« — En partie.
- A quoi d'autre.
- A plein d'autre chose. »

Il soupirait et je soupirais aussi.

« — Tu ne m'aide pas beaucoup.
- A quoi ?
- A savoir ce qui tourne dans ta tête.
- Plein d'autre chose, répétait-il doucement. »

Sans vraiment savoir pourquoi, ça m'avait énervé. J'avais senti cette montée de chaleur désagréable dans ma poitrine et je m'étais relevé en saisissant ma serviette. Quelques grains de sable c'étaient envolé dans sa direction et j'avais de nouveau soupiré pour me calmer.

« — Je commence à avoir trop chaud, je rentre. »

Je croyais bien qu'il n'avait rien répondu. Je n'en savais rien, j'étais partie bien avant qu'il n'ouvre la bouche. J'avais fini par m'allonger sur le canapé du salon, la tête entre les bras, après avoir pris une douche. Parce que mettre fin à la conversation et partir, seulement parce que Daniel agissait différemment, était puéril. Et j'y repensais, encore et encore, même si je n'y pouvais plus rien.

Étalé sur le dos, je finissais par observer le mur du salon. Il était en pierres et couvert de photos. L'une d'elles montrait ma grand mère, ses deux filles à ses côtés et une vieille enseigne entre les mains, lorsqu'elle avait acheté l'hôtel il y a presque trente ans. A cette époque, ma tante portait encore des couches et ma mère apprenait à peine à marcher. C'était fou comme le temps avait l'air d'avoir filé.

Une autre photo montrait ma tante dans une longue robe blanche, des fleurs dans les cheveux, devant la chapelle de l'île le jour de son mariage. Celle d'à côté montrait ma mère, une alliance au doigt et mon père a son bras, alors que sa cape de diplômée universitaire couvrait à peine son ventre de femme enceinte. Plus bas, trois photos me montrait moi: du baptême aux premières dents; parce que j'étais là première à être née. Deux autres montrait Peter, trois mois après. Et une seulement montrait Gigi. Une seulement parce que tante Isi était toujours trop occupé a l'empêcher de pleurer pour prendre de jolies photos.

Mais la photo que je préférait était placée à droite de toute celle là, entouré d'un vieux cadre doré. Daniel et moi avions à peine dix ans, Oliver en avait onze et mes cousins respectivement huit et neuf ans. C'était special parce que c'était la première fois que je montais sur un bateau. Même si il était petit, abîmé et sale. C'était celui du père de Peter et Gigi.

Cette fois là, on avait passé une journée complète en mer et peu après que maman est prit la photo, Oliver avait souffert du mal de mer et n'avait plus jamais voulu repartir en bateau. Mais, dans mon souvenir, ça restera toujours la même image. Gigi sur les épaules de Peter, Oliver accroché à la proue du bateau, comme si ça vie en dépendait, et Daniel, un doigt pointé vers l'étendu bleu face à nous.

J'arrêtais de fixer la photo comme si elle allait s'animer face à moi pour fermer les yeux. Alors, j'inspirais et c'était comme je sentais de nouveau le vents et l'eau salé me frôler. J'inspirais et c'était comme si nous n'avions pas grandi pendant un moment. J'inspirais et j'oubliais ma frustration passé.

Alors, je me relevais, saisissais les clés de la voiture de maman, laissait un mot et finissais par conduire jusqu'à la promenade. Parce que je n'avait jamais vu le café qui venait de s'y ouvrir, parce que Gigi travaillait là-bas et parce que elle ne m'avait donné aucune nouvelle de son rendez-vous de la veille. Parce qu'elle allait bientôt finir le travail et que j'avais envie de passer du temps avec elle.

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21/07/2022

Bella DonnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant