Chap 17 : pdv Mr Herbert (passé)

127 28 33
                                    

   -Herbert ! Herrrbert !

Un petit garçon était assis dans le coin d'une chambre en désordre. Il plaqua ses mains sur ses oreilles dans un réflexe de survie. Atténuer les cris, ne plus entendre le vacarme qui le traumatisait depuis des années. Voilà ce qu'il désirait à cet instant précis. La voix de sa mère lui retournait l'estomac.

Lorsque la porte d'entrée s'était refermée avec fracas, il avait sursauté. Abandonnant aussitôt son livre chiffonné, il s'était réfugié sur la gauche de la grande penderie en chêne massif. Entre le mur délavé et le meuble désarticulé, il y avait juste assez de place pour qu'un jeune garçon s'y glisse. Cachette idéale afin de fuir la lourdeur de son quotidien, d'oublier la dure réalité familiale dans laquelle il évoluait.

Il perçut des bruits qu'il ne connaissait que trop bien. Des pas indécis, quelqu'un qui trébuchait puis pestait contre un tapis innocent. Des mots incohérents, inutilement forts, vainement agressifs. Des larmes irrationnelles et surtout des cris insensés qui ne servaient à rien. Ils ne faisaient que l'effrayer, lui rappeler que dans cette maison, rien n'était comme ailleurs.

Rien n'était jamais comme ailleurs.

-Viens aider maman, Herbeeeerrrt !!!

En fait, il n'avait pas de prénom. Il n'était personne. Juste un gamin sans identité. 

Pourquoi ma propre mère m'appelait-elle Herbert ? C'était insensé.

Souvent, il se sentait transparent, insignifiant, inexistant. Mais lorsque sa mère irresponsable rentrait, ravagée par l'alcool, incapable de se traîner jusqu'à son lit alors d'un seul coup, son aide devenait indispensable. Elle se rappelait son existence. Il retrouvait une place dans cette famille. Il retrouvait un peu d'importance et pourtant, elle ne l'appelait jamais autrement que par son nom de famille : Herbert.

Jamais elle ne prononçait son prénom.

Pourquoi ?

Il sortit de sa cachette lentement, hésitant malgré tout à répondre à ses appels. Il descendit l'escalier, marche après marche, très lentement, le cœur serré, les idées en vrac.

Il n'aimait pas entendre tous ces bruits effrayants. Il avait peur mais personne ne venait jamais le consoler.

Pourquoi avait-il une maman si différente des autres ?

Dans le couloir, il aperçut le sac de sa mère qui traînait sur le sol, négligemment abandonné.

Il le dévisagea un instant, ignorant les cris de celle-ci. Il finit par s'accroupir devant le sac pour y plonger la main et y saisir un vieux portefeuille.

Il savait ce qu'il cherchait. Il savait ce qu'il voulait vérifier. Cela faisait longtemps qu'il espérait avoir cette opportunité. Dans un ultime besoin de se rassurer, il le fouilla frénétiquement jusqu'à ce qu'il trouve le document tant recherché.

Les yeux embués, le visage triste, il fixa une carte d'identité un long moment.

Il le savait, mais il voulait être certain qu'il n'était pas fou, qu'il ne se trompait pas. Il voulait se prouver à lui-même qu'il n'avait pas rêvé.

-James ... je m'appelle James. 



*********

Merci pour votre lecture et votre soutien.


On ne saura jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant