Implacable

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  ~La guerre est un art, pour qui remporte la victoire.~

Addi étala le crayon blanc d'un geste vif et droit sur le châssis qu'elle avait elle-même monté. Elle fronça la toile déjà bien recouverte de noir. Tel un automate, comme téléguidé, elle traça à nouveau un trait près de la ligne blanche qu'elle avait écrasée sur le fond sombre. Son corps livide et son esprit essayaient de communiquer. Sans doute pour essayer de déchiffrer les codes que son cœur meurtri renvoyait à son enveloppe charnel, pourtant, seul le dessin encore informe semblait vouloir lui murmuré un quelconque indice.

Assise en face de sa toile sur un grand tabouret qu'elle avait emprunté de sa cuisine, Addi se courba pour récupérer sa palette de couleur. Pinceau en main, elle opta pour un mélange de bleu clair et de bleu foncé avant de trempé légèrement le tout dans un bol d'eau transparent qui contenait suffisamment de liquide pour terminer son dessin. Son dessin... Elle ne savait même plus pourquoi elle dessinait, que devait-elle dessiner? Depuis quelle heure dessinait-elle? À quoi rythmait cette envie soudaine d'anaglyphe ? Elle n'en avait foutrement aucune idée. Elle savait juste qu'elle devait le faire.

La veille, alors qu'elle avait fait le choix de mettre un terme définitif à sa relation avec le chef d'entreprise, Addi avait refermé la porte derrière elle et n'avait cessé de pleurer.

Seul ses larmes représentaient sa douleur, ni plus ni moins. Aucun sens, aucune vibration n'étaient venus secouer son corps. La jeune femme s'était seulement assise sur le parquet du couloir de son appartement. Ne ressentant ni l'envie de vivre ni l'envie d'aimer.

La pénombre avait était témoin de son chagrin. Les ténèbres, le noir, elle s'y sentait tellement plus en sécurité. Aucun esprits de la nuit ne se permettraient de la juger. Aucun monstres n'arriveraient à l'effrayer, elle se méprisait et s'effrayait déjà assez pour cela. Oui, ils se retrouvaient à égalités et elles préférait ça.

Après un moment, une heure ou deux, elle s'était simplement relevé, avait attrapé son matériel d'art, et toujours sans réelle conviction, comme si elle était sortie de son propre corps, elle avait commencé à assembler deux morceaux de bois, puis un troisième qu'elle avait coupé plus court et deux autres de la même taille avant de les assembler pour en faire un trépied.

Le choix de sa toile l'avait demandé énormément d'efforts. Ne sachant pas exactement sur quel ébauche ses émotions la mèneraient, elle avait cherché longtemps avant de visualiser un châssis de 10P, un tableau sur un format horizontal encore appelé format paysage. Alors, Addi avait récupérer le dernier filon de lin qui lui restait, avant de l'étendre et de l'agrafer sur le châssis qu'elle avait mis des heures à construire ayant perdu la main. Les sourcils froncés et les dents plantés dans sa lèvre inférieure, elle observa sa toile montée sur châssis.

Ajustant le tout sur le trépied qu'elle avait construit plus tôt, elle n'avait même pas pris le temps de faire des croquis ou des brochures, elle s'était attaquée à sa toile sans même y réfléchir, la tête embrumée de penser négative.

Étant au lycée, la grande blonde ne se ménageait pas dans toute les matières, non pas parce qu'elle n'y comprenait rien, mais parce qu'elle ne le voulait pas. Enfant, elle était une gosse que la société aime à appeler enfant précoce, elle adorait apprendre et était en avance par rapport aux autres enfants de son âge. Mais après le divorce et la mort de ses parents, la petite blonde avait comme oublié, effacer de sa mémoire toute cette envie enivrante d'apprendre. Sa capacité à donner plus que la moyenne avait diminué et ça s'était ressenti dans son parcours scolaire. Elle faisait tout pour être dans la moyenne sans pour autant faire un effort de faire plus, sachant très bien que si elle le voulait, elle pouvait exceller dans toute les matières.

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