Chapitre 1

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Quand on est à la bourre,

rien ne sert de courir, on n'y arrivera pas.


Je suis en retard.

Pour la énième fois je regarde l'heure sur mon téléphone en me préparant, mais les minutes passent vite, bien trop vite.

Je déteste être en retard.

J'ai une horloge interne qui me réveille systématiquement à 5:30 tous les matins, mais ce matin madame a décidé de partir en week-end. Comme j'étais plongée dans un rêve particulièrement moite et intense, je n'ai jamais entendu mon réveil sonner. Il a fallu que ce soit mon petit ange de six ans qui me réveille. Bien entendu, on ne met pas de côté le câlin rituel du matin, alors on s'octroie un cinq minutes – qui s'étire sur un dix – pour se blottir et se couvrir de bisous l'une contre l'autre.

Un coup d'œil au démon sur la table de chevet m'indique que je n'ai pas à m'inquiéter, je ne suis plus en retard, mais en méga retard. D'un coup de bassin, je saute hors du lit, j'ai l'impression d'être une artiste de cirque, et c'est sous les rires de Noëlla qui frappe dans ses petites mains que je me prends les pieds dans ma couette et m'affale au sol.

Journée de merde !

Heureusement que c'est vendredi, je serais incapable de faire une journée de plus. J'attrape Noëlla et l'emporte dans la cuisine, lui préparant son chocolat chaud et lui coupant un muffin en petits morceaux, tout en l'installant devant des dessins animés avant de filer sous la douche.

J'évite de me mouiller les cheveux afin de gagner de très longues minutes, si je veux arriver au travail avant midi, mais je prends mon temps pour appliquer mon gel douche à l'aloès sur tout mon corps, appréciant la douceur de ma peau et surtout ne négligeant pas mon intimité, encore chaude et moite du rêve érotique qui me vaut d'être tellement à la bourre. Je me caresse en me promettant d'y remédier ce soir.

Séchée, déodorant appliqué, habillée, je finis de me maquiller quand j'entends la voix familière de ma grand-mère, Anne, dans l'entrée.

Je me précipite à sa rencontre pour la remercier d'être venue, et m'excuser de l'avoir obligée à se déplacer, et surtout la remercier de s'occuper de Noëlla encore une fois aujourd'hui, comme chaque jour depuis les trois dernières années.

« Je me suis doutée que tu devais être en retard ce matin », s'amuse-t-elle en me voyant ranger mon foutoir dans mon sac, avant de m'arrêter pour enlacer mon petit ange et déposer un bisou sur son front.

« Je t'aime fort. Sois gentille avec grand-maman, d'accord. »

Bon, c'est ma grand-maman, mais à six ans c'est un détail, et lui faire dire arrière-grand-mère c'est chiant, et surtout, ce n'est vraiment pas sympa pour Anne, ça la vieillit.

« Dépêche-toi Ella, tu vas être en retard », me sermonne-t-elle, sachant très bien que je devrais être au travail... Maintenant.

« Merci grand-maman, une fois de plus tu me sauves la vie.

— Je m'occupe de ranger et de la petite. Passe la récupérer à la maison ce soir », dit-elle en me poussant hors de mon appartement.

Je reste une demi-seconde devant la porte avant de me donner un coup de pied au cul virtuel.

« En route ! »

J'aime le vendredi, il y a moins de monde sur la route, certains privilégiant la semaine de quatre jours pour mon plus grand bonheur, sauf ce matin. Entre les travaux, la limite de vitesse à 30, et les connards.sses qui roulent à 20, je vais finir par être tellement en retard que je me demande si je ne devrais pas tout simplement appeler et dire que je suis malade. Je risque d'être tellement en retard que je vais arriver en même temps que le retour de la pause déjeuner des collègues.

Mon téléphone sonne, une alerte programmée.

La putain de réunion du vendredi commence dans dix minutes.

Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

Mon œil averti voit une ouverture, je me déporte légèrement sur la gauche et, le champ étant libre en face, j'accélère pour dépasser l'abruti qui roule à 10 devant moi. Ma fenêtre côté passager baissée, j'en profite pour dire ce que je pense au conducteur qui, tête baissée, semble bien plus concentré sur son téléphone que sa conduite. J'espère enrichir son vocabulaire par les insultes imagées que je lui balance. C'est le sourire aux lèvres que je m'éloigne, victorieuse, du connard aux magnifiques yeux bleus, à la mâchoire carrée, qui devait se demander ce qu'il se passait.

Eh ouais, ce matin j'ai activé mon forfait connasse illimité, et j'adore ça !

Garée à ma place, je n'attends pas l'ascenseur et monte les escaliers en courant. Exploit digne d'une médaille olympique, essayez donc de le faire en jupe crayon et talons de dix centimètres, vous m'en direz des nouvelles. Un exploit surtout que je réalise sans m'étaler dans les escaliers ou une fois arrivée sur le palier. Je cours, je vole jusqu'à mon bureau prendre mon courrier pour quasiment me téléporter jusqu'à la salle de réunion. Deux minutes d'avance ! En jubilant, j'entame une danse de la victoire, dans ma tête, heureusement, avant de saluer tout le monde dignement de la tête et de m'asseoir dans un coin, histoire de souffler, voire de ronfler d'ici quelques minutes.

Ça va, il est pile 10 heures, je n'ai qu'une heure et demie de retard ! Heureusement que l'on est vendredi, plus que quelques heures avant le week-end.

Le directeur baisse les lumières et commence à projeter les chiffres, faisant un bilan qui ne m'intéresse absolument pas et me concerne encore moins. Je m'assois et mange un énorme muffin au chocolat en sirotant mon café, lisant mon courrier, regardant mon agenda.

« Ella Michaels. »

C'est moi.

« Ella ?

— Euh, oui, pardon. J'étais dans un dossier. Oui ? »

Je remarque que les lumières ont été rallumées.

« Voilà donc Ella Michaels, notre conseillère juridique, une acharnée, toujours plongée dans le travail.

— Une acharnée, ça c'est sûr », rétorque une voix grave, sur un ton sec.

Je relève la tête pour voir qui se permet un tel commentaire et savoir si je l'envoie chier là, maintenant, devant tout le monde ou en privé, que je plonge mon regard dans deux yeux bleus qui me fixent intensément. Un sourire se dessinant au coin d'une magnifique mâchoire. Le spécimen de la virilité incarnée qui se tient devant moi n'est autre que la tortue que j'ai dépassée en furie un peu plus tôt en lui lançant des mots... fleuris.

« Vous pourrez lui faire un topo des dossiers en cours tout à l'heure ?

— Mais bien sûr, Monsieur Robert. »

C'est qui, lui ?

Je réalise que je n'ai pas regardé l'ordre du jour de la réunion car neuf fois sur dix, ça ne me concerne pas. Je n'y assiste que comme support moral pour mes collègues, me reposer aussi, le café et les viennoiseries surtout. Oui, bon ! Être mère célibataire a un certain désavantage, je n'ai pas souvent l'occasion de prendre mon petit déjeuner, il faut bien que je mange, de temps en temps, et en plus c'est gratuit... et à volonté.

Je fouille dans mon téléphone à la recherche de l'ordre du jour.

Blablabla sur les chiffres, blablabla sur les nouveaux terrains acquis, les plaintes, le nouveau propriétaire de la compagnie, la gestion des messages sur les réseaux sociaux, la finalisation...

Comment ça, le nouveau propriétaire ?

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Myka

Café, croissants et deux pieds gauchesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant