Je pousse la large porte en verre et je cède le passage à mon oncle. Depuis peu, il est en chaise roulante. Ne pouvant plus marcher à peine quelques mètres sans être essoufflé, c'était le dernier recours.
Le contrôle médical hebdomadaire est aujourd'hui, dans le plus grand hôpital de Dublin comme d'habitude.
«Tonton, on doit aller où cette fois ?»
«Une infirmière doit venir nous chercher.»Effectivement, une grande femme en blouse blanche avait l'air de se diriger vers nous. Les cheveux roux, raides et coupés courts, une visage fade, sans aucune expression. À première vue, quelqu'un d'asociable et sec.
«Bonjour, Mrs.O'hennessy ?»
«Exactement.»
«Je vous pris de me suivre.»Elle sourit. Finalement et malgré les apparences, c'est une personne agréable. On ne juge pas un livre à sa couverture, Alli. Quand vas-tu enfin comprendre cela ?
Elle se retourne et entame le chemin qui conduit à la salle d'examen. Nous traversons un vaste couloir ; les numéros des chambres qui défilent sous mes yeux me donnent la migraine.
Tout le monde reste muet. On peut entendre le claquement des sandales blanches de l'infirmière et le glissement des roues de la chaise roulante de mon oncle résonner.
Elle se stoppe net.«Entrez, c'est ici. Le médécin ne tardera pas.»
C'est une pièce très éclairée, ayant beaucoup de fenêtres. L'odeur traditionelle des hôpitaux me monte au nez. On y trouve trois lits. Deux d'entre eux sont occupés par des patients de l'hôpital également en attente d'un examen.
Avec peine, je couche mon oncle sur le lit.
Sur le lit d'à côté, se trouve une petite fille d'environ une dixaine d'année. L'absence de cheveux, une peau sèche, encore un de ces cancers ravageurs je présume.Il y a parfois des choses dans la vie que vous ne pourrez pas affronter. Des choses, dont vous aurez du mal à vous relevez. Des obstacles, plus dure à franchir les uns que les autres. Il y a des passages que l'on n'oubliera jamais. Certains dont on ne se rappellera que vaguement, et d'autres qui nous suivrons jusqu'à notre tombe. Cette maladie qui l'a agrippé depuis maintenant 11 ans. Ouais, déjà 11 ans de sa vie qu'il survit. Cette putain de fragilité des poumons, cette putain d'insuffisance respiratoire ; la vie de mon oncle chaque jour.
Au final, tu sais peu de choses à mon propos.
Tu sais ce qu'est une fille malade ? Non ? Alors essaye de me connaitre et là tu sauras.
Ouais ; je suis malade. Tu ne le savais pas ? C'est normal. Je fais tout pour être comme toi.
C'est-à-dire ? J'essaye de vivre normalement, même en sachant que je survis grâce à des médicaments, en sachant que je n'y arriverais pas toute seule, en sachant que ma vie ne tient qu'à des diagnostics. Peut-être qu'après avoir fais ma connaissance, quand quelqu'un te parlera de moi et te dira que je suis bizarre ; peut-être lui diras-tu que suis malade ? Et que chaque jour est un combat ? Lui diras-tu que ma vie est compliquée et que j'ai besoin d'aide ? Ouais ; j'ai besoin d'aide. Ou non, besoin d'être aimée réciproquement par certaines personnes.Pour bien vivre, il faut se lancer dans la vie, se perdre et se retrouver et se perdre encore, abandonner et recommencer mais ne jamais, jamais penser qu'un jour on pourra se reposer parce que ça ne s'arrête jamais.
Tu crois que ma vie est parfaite ? Que je baigne dans le bonheur ? Que tout ça n'est que conte de fée pour moi ? Mais ouvre un peu les yeux. Arrête de regarder uniquement sur ce que tu veux voir. On a tous nos problèmes. Alors oui, certes, ils peuvent être différents, même carrément opposés, mais ça reste des problèmes quand même. Tu penses que ma famille est parfaite et que nous vivons tous en harmonie ? Détrompe toi. Il n'y a que mensonges, cachotteries et silences. Alors loin de la petite famille parfaite que tu imaginais. Désolé de te décevoir, mais rien n'est rose ; rien. Absolument rien. Je peux te dire que ce que tu penses est loin d'être ce qui est. Apparemment tout serait facile pour moi. Enfin seulement d'après toi. Oui parce qu'évidement les amis pensent toujours différemment. Tout n'est que contradiction. Pour être franche, je commence a en avoir marre de tout ça ; cette putain de pression sur mes épaules chaque seconde. Je ne supporte plus toute cette pression constante ; je veux que tout s'arrête. Ou alors revenir en arrière et puis quand le moment présent sera revenu, que le cycle recommence ; jusqu'à l'infini.
Un humain devrait se sentir heureux. Ne devrait pas avoir à pleurer tous les soirs. Ne devrait pas à devoir détester les gens qu'il aime. Il ne devrait jamais avoir affaire à ces situations.
Je ne dois probablement pas mériter le bonheur nécessaire.Je t'invite quelques secondes au coeur de ma vie ; suis-moi :
Tu ne fais pas que tomber, tu t'écroules, tu te casse la gueule, tu t'étales sur le sol, tu bouffes le bitume. Souffrir, sombrer, pleurer. Il y a tous ces rêves impossibles qui t'empêche de dormir. Insomnie sur insomnie ; tu n'arrives pas à te remettre. Tout ça parce que rien n'est réciproque dans ta putain vie. Et puis à quoi ça sert de vivre ?On a tous déjà connu ça, je suis sûre. Cette douleur incessante. Ça commence le matin quand tu te réveilles, et c'est encore là le soir quand tu te couches. Tu vois, c'est ma vie au quotidien.
Regarde. Regarde cette fille. Ouais, elle a l'air d'être heureuse, elle a l'air d'aimer la vie hein. Si seulement c'était vrai. Tu veux savoir ce qui se passe réellement en elle ? Du dégoût ; voilà le sentiment qu'elle peut lire dans le regard des autres. Elle se sent si seule. Si elle gueule et s'isole, c'est qu'elle a besoin d'aide. Cette fille, c'est Alli ; c'est moi.
Au départ, je te racontais la visite médicale de mon oncle. Puis, c'est parti en couilles. J'ai commencé à te parler de moi, de ma santé, de mon bonheur. Tu as vu comment je m'emporte vite ? Comment je peux changer de sujet sur un coup de tête ? Tu comprends ce que je subis chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde maintenant ? Bref.
C'était ma vie ; mon enfer. Du moins, avant que cette rencontre se produise.
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Disappointed
أدب المراهقينDans un monde où la vie se résume aux nombres de pièces que tu as dans la poche. Dans lequel on ne vit pas, mais que l'on survie. Dans lequel la haine dépasse toutes les souffrances. Dans lequel l'assassinat est aussi naturel que de respirer. Il...