Derrière ce désir

Chapitre 3 : Inattendu

Comme à chaque fois, j'arrive au bureau avant tout le monde. Je me suis permise de prendre de l'avance du fait des documents qu'il me faut revisiter et bouclé avant le départ de mon supérieur. C'est une tonne de travail, je me demande encore si je vais y arriver. Installée confortablement sur mon siège, je mets l'ordinateur en marche.
 

Fran ? Tu es libre ce midi ? Il faut qu'on parle. C'est urgent. 

Une fois que mon téléphone a vibré pour me réceptionner un message, c'est sur celui-ci que je tombe. Edna veut qu'on se rencontre. Pourtant je suis extrêmement prise. Tellement que j'ai failli refusé son invitation. Ce n'est en voyant le mot « urgent », que je me suis ravisé. La connaissant, elle veut qu'on discute de la soirée précédente. Elle m'a flanqué une belle surprise. Jamais je ne me serais douté qu'elle oserait passer le cap. Il est clair que c'est tout à fait normal, encore qu'elle n'était pas obligée de le crier sur tous les toits. N'empêche que j'aurais pu éviter de passer pour la conne. J'avais su, ma réaction aurait été différente. De nature, je suis de celle qui s'investit pleinement dans une relation que ce soit amical ou amoureux. Je suis très attachée à mes copines. Énormément. Alors quand il leur arrive un truc, je suis directement impliquée. C'est comme ça, c'est plus fort que moi. Cette envie de protection, survient à chaque fois quand j'aime quelqu'un. Et je pense qu'elles le savent déjà.

L'amitié que nous partageons ne date pas d'hier, elle s'est renforcée au fur et à mesure que passait le temps. On a appris à se connaître, à vivre ensemble lors d'une colocation pendant nos années de fac. Nous nous sommes confiés nos pires tracas et expériences. Ces filles-là, je les connais comme mes doigts ! Inséparables, nous sommes. Leur présence dans ma vie, est un grand bien que j'affectionne jours et nuits.  Au lieu d'entamer ma routine bureautique, me voilà en train de ressasser des souvenirs heureux.

Il ne faut surtout pas que quelqu'un me découvre en pleine rêvasserie, du moins pas le patron. Il pourrait débarquer, ensuite me faire des remontrances même si auparavant, je n'en avais subi. Ne sait-on jamais. Avec le voyage, les dossiers en suspend, la pression est constamment là. Pas une minute de plus, je m'attelle à la tâche.  Les heures défilent. Tout le monde finit par arriver. Le plus surprenant, c'était de voir Victoria faire son entrée avec le patron. Je n'en croyais pas mes yeux. Un peu comme s'ils avaient passé la nuit ensemble ! Et comme je m'y attendais, elle était toute joyeuse. Son sourire n'en finissait pas. Tout le contraire de M. Newman qui restait neutre, l'air détendu. J'avais raison de penser qu'il se tramait un truc entre eux. Je suis persuadé que Victoria n'attend que mon départ pour rejoindre son bureau afin de faire des galipettes. Une certaine tension plane au-dessus du cabinet. Très palpable, je dois dire. Mais comme je ne suis pas du genre à me faire petite, je croise mes jambes pour mieux me plonger dans mon travail. Hors de question que je leur fasse le plaisir de m'en aller. Ce serait trop sympa de ma part. À coup sûr, ma présence l’agace. Du coin de l'œil je l'observe discrètement, notant ses réactions. Elle n'arrête pas de bouger, de jurer, mais à voix basse. Elle ne fait presque rien depuis une demi-heure déjà. Son comportement commence fortement à m'exaspérer. Il y a du travail pour deux et elle se contente de flâner. De penser à un homme qui n'en a rien à foutre d'elle. J'ignore quel genre de relations ils ont, mais il est évident que mon patron se sert d'elle. C'est le genre d'hommes à sortir avec tout ce qui s'agite sous ses yeux. Rien qu'à le voir, c'est discernable. Une fois qu'il en aura eu marre, il s'en débarrassera. Malheur pour elle, si le charme de ce don juan a eu raison d'elle. Elle souffrira atrocement d'un chagrin hautement prononcée. C'est connu, les amours qui dérivent d'une simple aventure sexuelle. À la voir, elle semble ne pas s'en alarmer. Elle profite de l'instant présent, à mon avis. 

— Je peux savoir ce qui t'arrive aujourd'hui, Victoria ? La questionné-je subitement, histoire d'en apprendre plus. 

Elle pivote sur son siège afin de me faire face.