Chapitre 1 - ECLIPSE

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Ø𝒏𝒆𝒉𝒆𝒂𝒓𝒕, 𝒓𝒆𝒊𝒅𝒆𝒏𝒔𝒉𝒊 - 𝒔𝒏𝒐𝒘𝒇𝒂𝒍𝒍

Mes paupières s'ouvrent dans le noir complet. Je cligne des yeux et passe mes mains sur mon visage. Mes doigts se collent à ma peau moite, je sens les traces de larmes séchées qui s'encrent un peu plus chaque jour.
Je soulève les deux couvertures qui me tiennent chaud et m'assois sur le lit. Ma main se tend pour attraper une petite boîte posée sur ma table de chevet, je la soulève et une lumière bleutée envahie la pièce.

Depuis que la Nuit est arrivée, rien n'a changé ici. Seuls les murs gravés d'une série de nombres semblent étrangers au lieu.
Je pose mes pieds sur la moquette humide de ma chambre et me lève difficilement. C'est le début d'une nouvelle journée emplie de silence et d'attente interminable. Enfin, si on peut appeler ça une journée.

Ça fera bientôt 6 mois maintenant que c'est arrivé.
A l'époque, j'avais une vie ennuyeuse, ma plus grande fierté était que j'avais réussi à trouver un appartement dans un énorme building et donc que j'avais une vue imprenable sur la ville. Je n'étais pas très riche alors j'avais prévu d'arrêter mes études pour me consacrer à un métier à temps plein. Maintenant, ma vie est à mourir d'ennui et de désespoir.

C'est pendant le mois d'août, juste avant que je commence mon travail, que c'est arrivé. Le soleil a commencé à disparaître, masqué par une forme gigantesque. Cela a duré une semaine. Dés le début, la NASA et d'autres organismes se sont murés dans le silence, alors les gens se sont sentis abandonnés. La planète entière a paniqué, les médias parlaient de météorite et d'extraterrestres. Toutes les théories y sont passées, on l'appelait l'Eclipse. Pour je ne sais quelle raison, on disait que le changement climatique en était la cause et les religieux priaient pour leurs dieux respectifs.
C'était la fin du monde.
Pourtant, très peu de gens ont cru que ça l'était. Cet évènement passait plutôt comme une catastrophe naturelle de courte durée, comme on en avait l'habitude ces dernières années.
Quand le soleil fut entièrement recouvert, les gouvernements perdirent le contrôle des populations paniquées. C'était l'anarchie. Les magasins furent dévalisés, les maisons cambriolées et des "gangs" de personnes de tous âges apparurent.

Mon immeuble fut un des premiers à fermer d'accès. Les chaînes de télévisions finirent par diffuser des messages d'avertissement en boucle. Un jour, l'écran ne s'alluma plus que sur une image brouillée qui émettait un grésillement incessant.
Deux mois plus tard, l'immeuble fut plongé dans le noir pour l'éternité. La ville devint tellement dangereuse que le confinement de la tour n'était même pas sensé s'arrêter. L'immeuble fut séparé en trois compartiments pour éviter que les maladies et les querelles exterminent sa population d'une traite. J'étais dans le compartiment C, qui correspond au haut de la tour.
Le ravitaillement se faisait par des nacelles tractées sur tout une face de l'immeuble, remplies de boîtes de conserves et de bidons d'eau. La première fois, on nous donna de mystérieuses pierres phosphorescentes dont personne n'avait jamais entendu parler. Elles nous ont permis de vivre sans bougies ni allumettes.
Malheureusement, le ravitaillement cessa au bout de quelques mois. Un jour, toute la partie basse de la tour fut tuée dans un affrontement sanglant entre voisins, car pourtant en cohabitation depuis quelques mois, il s'étaient disputé une dizaine de boîtes de conserves. Ce sont les premiers à être morts ou portés disparus.

Quand l'immeuble ne fut plus gardé, presque l'entièreté de sa population préféra sortir et tenter sa chance dans la ville plutôt que de finir sa vie ici. Aussi , nombreux ont été les suicides et moi-même j'ai failli sauter de cette fichue tour un bon nombre de fois. Je ne saurais dire combien de personnes habitaient ici avant la catastrophe mais je suis sûre que la tour perdit plus de deux tiers de sa population après sa "réouverture".
Avant on entendait les gens se déplacer dans les couloirs, maintenant c'est le silence qui règne. Je me demande s'il reste encore des gens quelques étages plus bas. J'ai entendu des personnes toquer à ma porte plusieurs fois déjà mais je n'ai jamais ouvert. Je suis bien décidée à la laisser barricadée de meubles aussi longtemps qu'il faut. Si ce n'est pour toujours.

Parfois j'ose ouvrir le volet qui couvre la grande fenêtre de mon appartement. Je masque la lumière de ma pierre et m'assois devant la vitre sale. En fait, je ne vois presque rien. La nacelle a été abandonnée juste en dessous de ma fenêtre alors je ne peux pas voir le pied de l'immeuble et il fait tellement sombre dehors que j'aperçois à peine les contours des bâtiments.
Seul le ciel n'a presque pas changé. Les étoiles sont bien présentes, elles scintillent faiblement mais les nuages sont inexistants. La Nuit enveloppe la Terre, et ne recevant plus la lumière du Soleil, la Lune a disparu.
Parfois je regarde fixement au loin pendant des heures et me demande s'il y a encore des gens là-bas. Avant on entendait des chiens hurler à la mort dans les ruelles mais aujourd'hui les plantes et les animaux doivent avoir disparu, sans soleil. Tout en haut de mon immeuble, face au ciel d'un noir profond, je me sens comme une princesse oubliée en haut de sa tour, attendant qu'un miracle tombe du ciel.
Mais le prince charmant ne viendra pas cette fois.

𝐁𝐮𝐛𝐥𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant