adepte. | h.s

troisième.

Après cette phrase, sa mâchoire se serre, ses yeux se noircissent et son expression devient sévère.

Il est mon premier client, je ne sais point comment l'aborder et encore moins comment justifier mon retard. Saleté de Mewen et ses boucles anglaises, elle me revaudra ça.

Je tangue d'un pied sur l'autre sous le stress, je tripote mes ongles et me mords la lèvre inférieur.

J'opte pour l'option de la femme forte et dis d'un ton las.

- Désolé monsieur Styles, mais j'ai moi aussi une vie. Je ne peux donc pas vous assurer d'arriver tous les jours à sept heures tapantes.

J'attrape le seul dossier rose qui règne sur mon pupitre et l'ouvre tout en m'asseyant.

Je remarque enfin que Lady, la jeune femme du hall se poste à ses côtés, droite comme un " I " avec un sourire complaisant. Je ne lui le rends pas et la regarde l'air louche.

- Ne devriez-vous pas être en bas, à la réception ? Je questionne et arque un des mes sourcils parfaitement épilé.

- Eh bien, elle hoche la tête pour se redonner une contenance et continue. " Monsieur Styles ne savait pas où se trouvait votre bureau, alors je lui ai gentiment proposé de l'accompagner, et celui-ci a accepté. "

Je la toise et lui fais comprendre silencieusement qu'elle doit déguerpir de mon bureau le plus vite possible.

Ses talons se démènent jusqu'à la porte, elle s'en sort difficilement avec ses stilettos imprimés jaguar. Quinze centimètres qui risquent de lui écorcher les genoux avant la fin de la journée.

Les yeux de mon client se posent enfin sur moi. Un sourire orne maintenant son faciès, sûrement à cause des piètres performances de Lady. Il a sûrement déjà oublié qu'il doit me faire la moue puisque je suis en retard.

Je le fixe, son costume est magnifique sur son buste. Son costard suit toutes les formes viriles de son corps et sa bouche charnue est d'un rose envoûtant. J'essaye de ne pas l'examiner, mais je ne peux m'en empêcher, sa beauté est consumante.

La sonnerie de mon cellulaire me dérange dans mes rêveries, mon regard se désintéresse de monsieur Styles et se bloque sur mon téléphone.

La photo de Mewen apparaît sur l'écran, j'hésite, puis je presse l'icône rouge. À croire que m'avoir fait perdre autant de temps se matin ne lui pas suffit.

Je me concentre sur mon interlocuteur et déclare.

- Bonjour Mr Styles. Je me présente, Ewa Belize. C'est moi qui ai été prise en charge pour redécorer entièrement votre penthouse de luxe.

Il hoche la tête, ses cheveux se décoiffent légèrement mais ne le remet pas en place.

- Hier, j'ai créé le premier plan qui pourrait convenir à votre habitat. J'ai imaginé tout ça par écrit mais aussi sur un site 3D que je vous montrerai tout à l'heure. Mais pour le moment, je voudrais que nous parlions de certains matériaux que l'on pourrait inclure dans l'appartement.

- Bien sûr, mais pourriez-vous me soumettre vos créations pour commencer ?

Je hoche la tête et fait glisser l'imposant  dossier sur mon bureau.

Ses phalanges interceptent le mini-bouquin et le feuillette. Son humeur est imperceptible, joie extrême ou tristesse irrévocable ? Je ne parviens pas à le déchiffrer. Pourtant, habituellement, il m'est facile de décrypter les gens. En un seul regard, j'arrive à définir leurs émotions.

Après des minutes qui me semblent des heures, un rictus pousse sur son visage poupin.

- Je ne le dis pas souvent, mais je trouve votre travail relativement bien pour une première. Par contre, je préférai que le poêle à bois soit plus proche des sofas présents dans les recoins du living-room.

J'agite la tête de haut en bas, attrape un stylo plume et note au fur et à mesure ses attentes.

- De plus, je voudrai une légère touche féminine dans cette appartement.

- Lorsque vous voulez dire féminine, c'est à dire ?

Mes yeux se plissent, un avis féminin, monsieur Styles est donc marié.

- Des fleurs, des couleurs pas trop sombres et tout ce qui s'en suit.

- Sans problème.

J'attrape mes plans, gomme certains détails et les remplace de suite. Je prends ma palette de couleurs qui conviendrait à l'ambiance souhaitée pour la pièce, cherche une couleur adéquate et tire sur le billet convenu. Je tiens entre mes doigts une fiche de nuances rouge qui commence par la plus claire et vire sur la plus foncé.

- J'aime beaucoup celle-ci, partage-t-il et dépose son doigt sur une des teintes éclairées par le soleil.

Mon regard se détourne de son corps et se dépose sur mon fichier. Il a choisi un rouge cramoisi qui s'apparente fortement à la couleur amère du sang.

- Si vous voulez une atmosphère qui plaise à la gente féminine, je pense qu'il serai intéressant de ne pas choisir cela.

J'essaye de dire gentiment, à demi-mot que cette couleur est horrible mais celui-ci ne semble pas comprendre. Monsieur Styles ne laisse rien transparaître, comme depuis le début de notre entretien.

Après quelques secondes, son air sévère se transforme en un rictus franc et un son doux s'échappe d'entre ses lèvres. Son rire est rauque et bourré de testostérones. Mon corps s'agite à l'entente de ce bruit.

Il incarne le rêve de toutes femmes; il est beau comme un dieu, possède un corps svelte et une personnalité forte.

- Personnellement, je trouve cette couleur peu flatteuse, avoue-t-il. " Je vous ai posé cette question pour savoir si vous alliez répondre honnêtement et ne pas vous soumettre à mes envies. "

Un nouveau sourire apparaît.

- Je suis heureux de remarquer que l'on pourra faire bonne équipe.