Chapitre 19 - Marché conclu

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À l'abri des regards, dans un dock privé, MinJun échangeait avec un trafiquant d'œuvres d'art étranger depuis une demie heure déjà. Sa patience légendaire ne cessait d'impressionner WonShik. Si ça n'avait tenu qu'à ce dernier, cette pourriture arrogante aurait déjà reçu une balle dans la tête pour son arrivée tardive. Il n'avait aucun respect pour eux et se permettait parfois de les insulter en italien, pensant que les deux frères n'en comprenaient pas un mot. Il avait même jeté un regard intéressé à WonShik, de quoi le haïr davantage.

L'objet tant convoité arriva enfin, dans un coffre en acier noir, scellé par d'énormes cadenas. Hwang Joshua l'ouvrit avec beaucoup de délicatesse. C'était un trésor fragile et qui valait des millions ; une seule rayure et le prix descendrait. Quand le couvercle se souleva, Joshua se poussa pour montrer le tableau à l'italien. Il s'approcha de l'œuvre pour l'examiner avec soin. MinJun avait beau le détester du plus profond de ses tripes, il ne pouvait nier que ce porc avait un œil aiguisé pour ce genre de choses et était un pro dans ce domaine. L'examen terminé, l'italien recula, la bouche entrouverte, les yeux exorbitants...totalement subjugué par ce trésor de la Renaissance.

— Où l'avez-vous trouvé ? demanda-t-il en anglais, d'une voix quasi-inaudible.

— Moins vous en saurez, mieux vous vous porterez, répondit MinJun calmement avec un sourire qui se voulut aimable.

L'italien le regarda d'un œil mauvais, affichant un sourire hypocrite puis recula de quelques pas.

— Combien ? s'enquit-il en portant un cure-dent à sa bouche.

Le prix allait peut-être le faire trembler, mais pour tout le mal que MinJun s'était donné pour l'avoir, il trouvait le tarif raisonnable.

— 118 millions de dollars, annonça-t-il sans ciller.

L'italien eut un rictus avant de poser de nouveau les yeux sur l'œuvre.

— Il n'est même pas signé.

— Mais il a été peint par un artiste qui maîtrisait à la perfection les techniques et les outils du XVIème siècle. Il n'était pas un débutant ou un amateur, ce peintre était un professionnel. Ce n'est peut-être pas du Botticelli ou du Da Vinci, mais il reste une denrée importante pour l'Histoire et...

— Un trésor qui revient de droit à l'Italie, le coupa le trafiquant d'une voix soudainement grave.

WonShik sentit la tension monter. MinJun ne souriait plus, il n'aimait pas du tout le ton que l'italien venait d'adopter. Ils s'échangèrent un sinistre regard, chacun étant prêt à sortir les armes pour régler le problème.

Calma ! résonna une voix féminine au-dessus de leur tête.

Sur la mezzanine, une femme mince et élancée, à la peau dorée, était légèrement appuyée sur la rambarde. Le halo de lumière qui l'entourait rendit son apparition presque divine. Ses doigts fins et longs s'amusaient à faire tourner un stylo à plume noir et or. Elle se redressa, marcha jusqu'aux escaliers d'une manière presque sensuelle, faisant danser ses superbes hanches et rebondir ses boucles d'ébènes. MinJun était hypnotisé par cette déesse envoûtante. Il avait l'impression que la femme de ses rêves avait enfin décidé de faire des ravages dans sa vie.

Buongiorno, souffla-t-elle d'une voix délicate et raffinée, le regard fixé sur MinJun.

Elle s'approcha de l'œuvre dans le coffre, s'accroupit avec une telle sensualité que l'universitaire crut défaillir pour se prosterner devant elle.

— Qui êtes-vous ? l'interrogea WonShik, voyant que son frère avait perdu la tête et la langue.

— Valentina...sa fille, dit-elle en désignant le trafiquant avec son stylo à plume sans pour autant le regarder.

Les frères Kim furent bouche bée. Faisant des allers-retours visuels entre cette charmante femme et ce vieux crouton d'italien, ils demeurèrent interdit un instant - le temps que Valentina examine à son tour le tableau que MinJun avait à offrir.

— C'est...d'une splendeur, dit-elle dans un murmure en fronçant les sourcils. D'une conservation exceptionnelle.

Elle se leva et posa un regard indescriptible sur MinJun. Ses traits paraissaient brusquement plus sérieux qu'il y a quelques minutes. Sans doute, le trouvait-elle plus mystérieux que cette œuvre. Enfin, c'était ce qu'il pensait en son for intérieur.

— 118 millions, hein ? dit-elle avant de l'analyser. Marché conclu.

— Valentina ! s'écria son père, scandalisé.

Les deux frères la scrutèrent un instant, avec méfiance cette fois-ci. L'échange aurait pu se poursuivre, si elle leur avait permis ne serait qu'une seconde d'ajouter un mot. Son père avait ouvert la négociation, et elle l'avait clos avec une impressionnante efficacité, sans laisser la moindre chance à son géniteur de contredire son choix.

— C'est bien gentil de ta part de partager ta bave avec les mouches, mais on a plus important à faire, sourit WonShik face au visage béat qu'affichait son petit frère.

— Oh, Seigneur ! s'exalta-t-il en la regardant monter dans la voiture avec le coffre en acier. Cette femme est une œuvre d'art !

— Comparé à son connard de père, cracha l'aîné avec une répugnance qui le fit trembler.

MinJun se tourna vers lui en s'esclaffant ouvertement.

— Oui, j'ai bien vu que tu étais à son goût ! le charria-t-il sans retenue. Il doit être bi.

— J'en ai rien à faire de sa sexualité ! s'énerva le blond. Qu'il pose ses yeux ailleurs ! Bref, passons avant que je ne me défoule sur toi !

— Oui, chef ! opina le cadet.

— Il faut qu'on parle à TaeYoung. De gré ou de force.

— D'accord, je te laisse gérer ça ?

— ON...on va gérer ça, rectifia-t-il. Je pensais que tu lui en avais déjà parlé. Qu'est-ce que t'as foutu ces deux dernières semaines ?

— Tu crois vraiment que c'est facile d'annoncer une telle chose ? Hey, TaeYoung, tu vois ton ancien meilleur ami, Choi HyunKi ? Bah, devine quoi ? Il a acheté le contrat d'idole de ta sœur juste pour te faire chier. Le meilleur dans tout ça, c'est que je l'ai forcé à le faire pour sauver ta tête.

Il avait parlé si vite, qu'on aurait dit qu'il venait de délivrer son meilleur rap. WonShik ne put contenir son rire, qu'il partagea avec JungHa. MinJun soupira, exaspéré par leur hilarité. Ils se moquèrent de lui durant tout le trajet, et son immense patience fut mise à rude épreuve. JungHa ne s'était pas gêné pour l'incendier avec ses moqueries, alors que Joshua se retenait, de peur que MinJun ne lui en mette une et parce qu'il lui vouait aussi un immense respect.

— Patron, s'approcha-t-il pour mieux se faire entendre, c'est pour votre ami TaeYoung que vous avez vendu ce tableau ?

— En partie. Pourquoi ?

— Il doit de l'argent ?

— Non. TaeYoung n'a de dette envers personne. Ce sont plutôt les autres qui ont une dette envers lui. Le problème, c'est qu'il a eu une vie avant l'armée et il n'a pas fait que de bonnes choses.

— On dirait pas. Il a l'air tellement...droit et discipliné.

— Il l'est.

Joshua tourna ensuite la tête d'embarras face au regard interrogateur de son patron. Son intérêt soudain pour le militaire réveilla la curiosité de MinJun. Depuis leur rencontre, il ne cessait de poser des questions sur lui. HeeYeon ne lui avait pas parlé de TaeYoung et se refusait toujours à le faire. L'universitaire la trouvait de plus en plus douteuse et il avait un mauvais pressentiment.

Sur des eaux Do RéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant