Sophie

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Sophie rasait les murs. Aujourd'hui, et comme les autres jours, elle était habillée en gris. Pantalon passe partout, tee-shirt trop large l'été et sweat à capuche l'hiver. C'était son uniforme depuis qu'elle endurait le rôle de souffre douleur de Lyna. Et c'était au moment de la récréation qu'il fallait qu'elle soit discrète.

Les pauses étaient les moments de la journée qu'elle aimait le moins, car elle était seule. Seule, à la merci de tous les prédateurs du collège : les filles, manucurées et minaudant, les garçons qui jouent au foot au risque de lui envoyer le ballon dans la tête. Elle s'était pourtant trouvé un refuge : le CDI.

Ah, le CDI ! Ses livres sentant bon la poussière, les colonnes pleines de recueils magiques, et surtout, un endroit qui la protégeait de Lyna. Car la documentaliste faisait entrer au compte goutte. Ce qui, assurément, ne servait à rien, car personne ne cherchait à aller au CDI sauf les très bons élèves intellos sur les bords. Sophie était de ceux-là. Lyna, non.

Et puis de toute façon, une fille comme Mlle Lyna Dumarque avait autres choses à faire que de traîner dans des endroits fréquentés seulement par les toiles d'araignées : signer des autographes à ses « fans », choisir une table pour la cantine, juger les 6e (et pas que !), et surtout glousser pour attirer le regards des garçons.

Seulement, aujourd'hui, le CDI était fermé. Mme Decloise, la documentaliste, s'était cassé la jambe : le refuge de Sophie resterait fermé pendant un mois. Pour la jeune fille, c'était une tragédie. Un long mois toute seule dans la cour ! Un mois à éviter les prédateurs !

En vérité, ce qui inquiétait le plus Sophie, c'était Lyna. Et c'était la raison pour laquelle Sophie allait désormais au collège la boule au ventre.

Soudain, la sonnerie tira Sophie de ses pensées. Elle sursauta et enfonça la capuche de son sweat plus profondément sur sa tête. Elle alla se ranger devant le numéro de sa salle et attendit. Sa classe arrivait tout le temps en retard, juste à temps pour monter en classe. Et aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle.

Quand Lyna arriva, elle bouscula Sophie et lui murmura :
- Tu va morfler ce midi ! Tu m'avais dit que tu allais faire mes devoirs, tu ne les as pas fait. Tant pis pour toi !

La 3e A – la classe de Sophie – monta en classe et commença le cours. Pour cette heure, c'était un cours de français. La matière préférée de la jeune fille. L'heure passa en un instant. Le cours, en effet, était passionnant. Mais bien vite, trop vite, vint l'heure du repas.

La jeune fille prétexta une envie pressante pour sortir plus tôt du cours et aller se cacher aux toilettes. Soudain, elle entendit des gloussements. Son pouls s'emballa et ses mains devinrent moites. Lyna était arrivée ! Même si elle ne savait pas qu'elle était là, elle lui bloquait quand même la route jusqu'à la cantine et la cour.

Soudain, le silence se fit. Par miracle, la «reine» du collège et sa cour étaient sorties ! Sophie se glissa hors de sa cabine mais des mains l'attrapèrent. Des pieds la rouèrent de coups et elle glissa à terre. Elle ne comptait plus les blessures qui se rouvraient, jour après jour. Une voix douceâtre lui glissa à l'oreille :
- Je t'avais dit que tu allais morfler ! Et tu ne dis rien, sinon...

Elle lui asséna une gifle retentissante et partit, laissant Sophie blessée, meurtrie dans son corps et dans son âme. Celle-ci posa sa tête en gémissant à la pensée que cela lui serait administré tous les jours des semaines qui suivraient, encore et encore...

Cela, c'était son quotidien. Elle y était habituée, mais chaque coup qui s'enfonçait plus profondément dans son corps y laissait une trace indélébile qui la faisait souffrir, qui la salissait et la blessait en même temps. Elle songea que demain, tout reprendrait, et elle se releva, comme à chaque fois. Elle se releva, et s'en alla.

Comment raviver l'espoir ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant