Au-delà des apparences... [Terminée]

80 - Le roi des guimauves

Je n'arrive pas à croire que je suis de nouveau en route vers la montagne. Aka mon ennemie jurée lorsqu'elle se drape de son voile enneigé.

Mon entourage essaie de me rassurer en me disant que tout est dans ma tête.

Évidemment !

Ce n'est pas pour autant que mon aversion pour le ski n'en est pas réelle. Peur irrationnelle ou pas.

La tête posée contre la paroi vitrée du car, je regarde les reliefs de plus en plus marqués se dessiner devant mes yeux. Si je n'étais pas aussi stressée, je pourrais apprécier ces paysages. Cette blancheur immaculée qui recouvre tout sur son passage, ces reflets pailletés sous les rayons du soleil, la pureté qui se dégage de ce spectacle presque féérique.

La main d'Adam, jusqu'alors posée sur ma cuisse, commence à se mouvoir. Mon amoureux est en train de se réveiller. J'aurais adoré pouvoir somnoler pour ne pas être sous le joug de mes pensées. Malheureusement, mon sommeil n'était pas assez fort pour lutter contre mes névroses.

- C'est chouette, non ? me souffle sa voix rauque.

Sa tête est nichée dans mon cou de telle sorte que lorsqu'il parle, ses mots viennent chatouiller ma clavicule.

Je rêve tellement d'un moment rien qu'à nous que cette simple caresse de son souffle sur ma peau se répercute sur l'ensemble de mon être assoiffé de lui.

Depuis l'anniversaire de Martin, tout s'est enchaîné à une telle vitesse...

Adam et moi avons du être sur tous les fronts.

Lui au milieu de Romain et Tom. Entre le marteau et l'enclume. Essayant de soutenir l'un tout en préservant l'autre.

Moi au milieu de Jade et Laura. Essayant d'accorder du temps à l'une sans délaisser l'autre en pleine rupture et en gérant les regards suspicieux de Justine dès que j'avais le malheur de passer du temps avec son ancienne amie.

A trop vouloir faire pour les autres, on s'est un peu oubliés en route. On se croise plus qu'on ne se voit. On se frôle plus qu'on ne se touche. On s'écrit presque plus qu'on ne se parle.

J'essaie de graver dans mon esprit chaque petit geste tendre de sa part. Je m'imprègne de son grain de peau lorsqu'il caresse ma main. Je m'enivre de son odeur lorsqu'il me serre dans ses bras. J'enregistre sa voix lorsqu'elle résonne à mon oreille. Je veux me rappeler du moindre détail lorsqu'il sera loin de moi pour de bon.

- Tu regrettes déjà d'être venue ? me demande-t-il en relevant son visage vers moi.

Ses iris plongent dans les miens et me sondent. Je le sens presque atteindre mes pensées lorsqu'il me regarde comme ça. Sa fameuse capacité à lire en moi comme dans un  livre ouvert...

- Non... je mens à demi-mot.

Je sais qu'à la fin, une fois que le séjour sera fini, je serai contente d'être venue. Il faut juste réussir à survivre au moment présent. J'entends celui où je serais juchée sur des skis, en haut d'une pente, en train de me demander pourquoi je me fais subir ça à moi-même alors que rien ne m'y forçait.

Le trajet en bus - pourtant interminable -  me paraît se finir bien trop tôt. Je suis le flot des élèves par automatisme. On pose nos affaires. On récupère notre matériel de ski. On retourne dans nos chambres.

Nous sommes installés par 4, ce qui m'octroie le bonheur de dormir avec Justine, Laura et Margaux. Mon ancienne voisine de classe et Justine sont toujours en froid mais globalement ça se passe bien. Tant qu'elles s'ignorent, il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Et puis, c'est finalement le cadet de mes soucis... J'en ai marre de me retrouver au milieu des histoires des autres. Je voudrais seulement me concentrer sur ma propre existence, ce qui n'est déjà pas une mainte affaire.