Chapitre Ier

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Le mot "phonophiliaque" indique donc une manière propre à Ted de vivre sa sexualité, hors des usages et des normes majoritaires. Néanmoins, il y aura toujours une différence entre s'imaginer (voire se rêver) ayant un rapport sexuel avec une femme et le vivre réellement ! Des simples rêves coquins aux fantasmes inavoués en passant par les perversions les plus saugrenues, découvrez un univers érotique insoupçonné chez ce beau haïtien timide.
Ted McKlein habite seul dans un studio au premier étage de la maison familiale, où il lui est loisible de laisser libre cours à son fantasme, une hallucination interne, un scénario imaginaire qu'il échafaude à partir de données personnelles glanées consciemment ou inconsciemment tout au long de son histoire de vie. Ses fantasmes se construisent en fonction de l'éducation qu'il aurait reçue et de la culture dans laquelle il aurait baigné depuis l'enfance.
Son fantasme est là comme témoin de sa puissance imaginative et la preuve de sa capacité illimitée à mettre en scène des univers sexuels débridés, incongrus et dérangeants. Il est le signe de sa liberté interne même si parfois sa présence en lui et sa puissance d'évocation peuvent le gêner.
Certes le fantasme n'a pas vocation à être réalisé, mais il se trouve que Ted a besoin d'avoir des relations sexuelles pour maintenir sa vie psychique en équilibre, tout en se confrontant à la normalité sociale, aux codes, aux règles car la transgression est porteuse en elle-même d'excitation évidente.
Alors pour Ted, les réseaux sociaux peuvent être un bon moyen de faire connaissance de manière décomplexée. Un tweet par-ci, un message par-là, et en peu de temps il fait connaissance tout en privilégiant la communication virtuelle à la communication réelle. Pourquoi il se serait interdit cette facilité après tout?
D'après Ted McKlein, Facebook aurait contribué à créer de nouvelles amitiés et à modifier la fréquence de rencontres avec les amis. C'est en fait un outil permettant aux individus de pratiquer une forme de sociabilité.
Ted a rencontré Maude pour la première fois, en dehors du monde virtuel, un être humain tout à fait particulier quant aux thèmes de l'affectivité et de la sexualité. Elle portait un jeans, un maillot puis un tennis. Ted n'en croyait pas ses yeux, on dirait une tendance à effacer les différences entre elle et lui.
- Bonjour ! Vous n'êtes pas une femme, si j'en crois mes yeux, se moqua-t-il.
Il s'assit avec le sourire puis fixa intensément la jeune beauté mâle, juste avant de commander une Prestige.
- Hello. Ça se voit tant que ça? Peu importe, cela dépend de l'identité à laquelle vous souhaiteriez m'attribuer, souria-t-elle d'un air insolite.
Sa poitrine, ses regards et son sourire étaient les seuls attraits qui faisaient la différence de sexe. Ses habits étaient jusqu'ici de simples effets d'un conditionnement historico-culturel.
- Non, ça va comme ça. Vous prendrez quelque chose à boire demanda-t-il à Maude qui répondit prestement :
- Une bière également. Vous préfériez qu'on envisage une relation sans différence de sexe ?
- Quoi? Non attendez, je ne comprends pas. Mais de quel genre de relation envisagerais-tu questionna-t-il.
- Je ne sais pas encore. Mais j'avais ma petite idée. Vous n'arrêtez pas de m'envoyer des emojis à ma messagerie WhatsApp, décrivant combien vous aimeriez me prendre soit en homme soit en femme. C'est pourquoi je me suis retrouvée dans l'embarras de choisir mes habits.
- Je crois que vous m'avez un peu mal compris. Tout ça c'était des fantasmes, rien de pratique réellement.
- Et bien, je suis partante pour une nouvelle pratique intéressante, souria-t-elle.
- Maude, écoutez. Sur Facebook, l'identité est laissée à une option individualiste, qui peut même évoluer dans le temps. Au départ, ce n'était pas vous dans votre photo de profil. Rien de tout ce que vous aviez fourni à votre sujet n'était vrai. Je me suis dit que cette mesure serait conforme à votre tempérament, à votre différence des sexes et à votre culture, en même temps ouverte aux échanges amicaux avec les internautes pour favoriser une relation véritable.
- Vous aviez voulu tirer tout ça au clair, pas vrai Ted. D'ailleurs, c'est en effet la raison pour laquelle on s'était finalement mis d'accord pour se rencontrer ici et maintenant. Cela fait déjà deux mois depuis qu'on est amis sur Facebook et c'est une de mes façons de me manifester, de communiquer avec les autres, de ressentir, d'exprimer et de vivre l'amour humain.
- Attendez. Je voulais simplement m'assurer que vous étiez bien réelle... à vouloir réaliser tout ce qu'on s'était dit, des scènes obscènes, le BDSM et bien d'autres.
- Ça alors! Ne me faites pas croire que vous allez me torturer, me prendre dans toutes les positions du kamasutra comme vous m'avez raconté, s'étonna-t-elle les yeux écarquillés à la Daphney St-Fleur.
- Non, pas du tout. D'ailleurs, je m'en excuse.
- Ne vous inquiétez pas, je vous fais marcher. Bien sûr que je veux bien réaliser toutes ces scènes insolites que vous m'avez décrites par textos.
- Pardon?
- Hé oui, vous m'avez entendue. Quoi? Pourquoi cela vous étonne autant? Vous ne vous en rappelez pas? Ok, je vais vous rafraîchir la mémoire, proposa-t-elle.
Alors, elle prit son téléphone pour lancer l'application WhatsApp où à l'écran d'accueil est épinglé Pervers. Alors qu'elle s'apprêta à lire à l'écran de discussion, Ted interrompit :
- Arrêtez ! Je me rappelle très bien, merci. Et puis, ce n'est pas le bon endroit pour une lecture insolite.
- Ok. Préférez-vous qu'on se retrouve dans un endroit plus calme, où nous lierions nos mots à des actions ?
- C'est une idée mais je ne suis pas certain que c'est la bonne.
- Pourquoi j'ai l'impression que vous vous faites prier? Rappelez-vous que c'était votre idée au départ avec ce texto :"Écoutez, je voudrais publier des sextos et je me demande si vous ne seriez pas intéressée de jouer ma correspondante à qui je les enverrai puis vous suivrez le courant comme si c'était réel. Êtes-vous partante?"
- Oui mais je ne pensais pas que nous en serions arrivés là.
- Et moi, voici ce que j'avais répondu :"Pensez-vous que je serai à la hauteur?" Mais on dirait que cette question vous ressemble plus que moi à présent.
Maude se leva juste après avoir vidé sa Prestige d'un seul trait puis tendit la main pour inviter le jeune introverti à la suivre. Ce dernier termina vitement à son tour sa bouteille en-dessous de laquelle il mit l'addition, puis sans savoir où précisément, prit suivit la jeune libertine, avec laquelle être en relation rendrait possible de s'ouvrir à l'écoute, au raisonnement et à la proposition.
Ils se rendirent à Eclipse, un bar-resto-hôtel sis à Delmas 32, qui comprend des chambres assez bien conçues pour réaliser des scènes obscènes et lubriques à souhait. En face, on pouvait très vite voir la TNH qui se trouve à Delmas 33. La chambre qu'ils ont payée avait le chiffre 2 gravé dessus la porte, le lit avait 2 oreillers, il y avait 2 savonnettes dans la douche, l'endroit fit naître dans l'esprit de Ted toute une série de questions qui ont accentué fortement l'importance du conditionnement extérieur et son influence sur les déterminations personnelles. Appliquées au couple sexuel, les réflexions de Ted ont voulu démontrer que le désir sexuel autant que l'identité sexuelle ressortait plus d'une construction sociale que d'un donné naturel ou biologique.
Elle s'assit sur le rebord du lit dans une attitude de quelqu'un qui voulait dialoguer : elle écouta Ted.
- Par quoi commençons-nous? s'enquit-il.
Il enleva ses habits pour rester avec son caleçon, le dos nu.
- Faites-moi ce que vous voulez avec toutes les possibilités de déterminer nous-mêmes notre orientation sexuelle sans tenir compte de la réciprocité ni de la complémentarité de la relation homme-femme ainsi que de la finalité procréative de la sexualité.
Alors elle se leva puis enleva à son tour ses habits masculins pour garder seulement son soutien-gorge et sa culotte rouge à la Victoria Secret qui lui conféraient un attrait tout à fait particulier. Elle pouvait remarquer depuis le visage de Ted jusqu'en dessous de son nombril l'effet qu'elle produisait chez son voyeur fasciné par sa chute de rein.
Au moment où Maude allait finalement enlever son soutien-gorge, Ted s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras, l'embrassa d'un baiser linguale profond puis l'entraîna dans le lit alors qu'ils se mirent complètement à nu.
Tout se déroula tel qu'ils décrivaient à travers les sextos qu'ils se sont envoyés, comme suit:
"- Vous avez l'air d'une femme terriblement douce et sensuelle.
- Je ne vous le fais pas savoir.
- Alors, pouvons-nous commencer ?
- On essaie.
- D'accord. C'est parti ! écrivit Ted à Maude qui ria par un emoji qu'elle envoya.
- Vous n'avez pas idée combien j'ai envie de vous pénétrer très profond !
- Ah non mon cœur, il faut commencer par les bases.
- Ne croyez-vous pas que mon gland risquerait de trop se gonfler sous l'effet de l'excitation ne voulant pas attendre pour vous faire gémir ?
- Je vous ai manqué à ce point là ?
- Oh oui mon cœur. À m'imaginer en train de sucer vos lèvres pulpeuses suffit pour faire brandir ma queue hors de mon caleçon ! Et d'ailleurs, j'ai une main caressant mon tuyau qui s'agite de vie puis l'autre main qui caresse sur le clavier virtuel, comme je l'aurais fait à votre corps de femme sensuelle.
- J'essaie de trouver les mots juste pour augmenter le flow de désir qui vous anime mais les pensées pécheresses que j'ai dans ma tête s'obstinent à me faire mouiller ma culotte que de vous écrire les mots justes.
- Je n'en peux plus trésor, j'ai hâte de glisser ma queue dans votre tendre profondeur déjà humide de désir !
- Glissez-la d'abord dans ma bouche, elle est bien plus humide. Je veux que votre goût reste sur ma langue.
- Bonne idée mon cœur! C'est déjà un pur bonheur à la seule pensée d'imaginer votre langue se glisser le long de ma queue jusqu'à mes boules puis remonter au gland pour l'exciter encore plus, avant même que je l'introduise en vous tout au fond.
- Passez-moi un doigt. Non deux. Faites-moi gémir de plaisir. Prenez votre temps. J'adore quand vous m'étranglez comme ça.
- Ha oui, vous aimez quand je vous excite, mon amour ? Ça vous fait terriblement du bien?
-Terriblement.
- C'est du délire car j'ai de quoi vous baiser gravement fort !
- Vous baisez vachement bien, vous pourriez rendre jaloux tous les héros de Vertières.
- Moi qui croyais que vous vous amusez à faire rougir les femmes de la terre !
- Ma seule rivale c'est la lune. L'envie me monte jusqu'à la gorge, j'ai envie de hurler.
- Pas tout de suite, sinon vous allez vitement prendre votre pied. Bon, allez-y, criez de bonheur! Surtout ne vous gênez pas trésor.
- Ola papi, faites votre devoir d'homme. Allez-y, descendez. Je veux que vous mangiez ma chatte.
- Assurément ! J'y suis exactement là où le point fait jaillir toute la douceur dont vous avez besoin pour prendre votre pied. J'y travaille ma langue tendrement, c'est juteux! Prenez votre souffle trésor, ça va vous faire pleurer de bonheur.
- Et merde je n'en peux plus.
- À présent, je veux vous prendre en levrette puis en position des cuillères, mieux encore, grimpez dessus votre pieu, vous arriverez comme ça à bien prendre tout en profondeur.
- Je vous grimpe dessus, c'est moi qui vous baise ce soir.
- Allez-y trésor.
- Vous y êtes presque au bout de votre jouissance ?
- Je vais me pisser dessus."
Les deux libertins allongés sur le côté, collés-serrés en posture des cuillères, juste après leur première exécution de fantasme sexuel, Maude proposa d'une voix agréable et sensuelle :
- Ted, je veux qu'il n'y ait aucune différence de sexe entre nous.
- Qu'entendez-vous par là ? s'enquit-il alors qu'il posa sur la nuque de Maude un baiser tendre.
- Eh bien, disons que j'aimerais pouvoir être homme quelquefois et vous une femme quand nous allons baiser à nouveau.
Dans ce contexte sexo-culturel de ce couple libertin, on comprend bien que sexe et genre ne seront plus synonymes et, partant, des concepts interchangeables car ils décrivent deux personnes différentes.
- Comment suis-je censé me comporter sexuellement ?
Maude se retourna pour répondre les yeux vifs de désirs ténébreux.
- Je ne sais pas. C'est dans le genre, la manière dont vous allez me traiter et dont je vous traiterai aussi.
La pression de la main de Ted sur la taille de Maude s'intensifia avant de confirmer.
- Alors je vais faire en sorte que mon orientation sexuelle ne soit plus définie par la différence sexuelle entre vous et moi, mais peut prendre d'autres formes déterminées par moi radicalement autonome.
Le visage de Maude était maintenant pressé contre celui de Ted. Ce dernier voyait la flamme qui se brûle au-dedans de son âme.
- En effet. Le genre deviendra alors lui-même dépendant de votre attitude subjective, qui peut choisir un genre ne correspondant pas à votre sexualité biologique et donc à la manière dont les autres vous considèrent. D'où le transgenre. Croyez-vous que vous pouvez y arriver ?
Elle caressa le corps nu de son amoureux tel à lui faire parvenir à une réponse positive.
Dans cette opposition croissante entre nature et culture, la proposition de Maude conflue dans le queer, c'est-à-dire dans une dimension fluide, flexible, jusqu'à soutenir leur émancipation complète à tous les deux de toute définition sexuelle donnée à priori, entraînant la disparition de classification considérées comme rigides.
Le couple laisse ainsi le champ libre à des nuances variables en degré et en intensité dans le contexte, tant de l'orientation sexuelle que de l'identification de leur propre genre.
La dualité du couple Maude-Ted entre de plus en conflit avec le polyamour qui inclut plus que les deux. On constate alors que la durée du lien - et sa nature contraignante - se structure comme variable selon leur désir contingent, ce qui a des conséquences au niveau du partage des responsabilités et, si ça se trouve à l'avenir, des obligations inhérentes à la maternité et à la paternité.
Ce qui vaut dans le contexte de cette relation affective, est leur absolue liberté d'autodétermination et leur choix circonstancié, quelle qu'elle soit.
Au fait, tout ceci n'était que de pire imagination inventée à partir des textes derrière le clavier virtuel d'un téléphone. On se demandait bien pourquoi Ted avait l'air si timide. Qu'est-ce qui peut bien en être la cause en réalité ? Ce qui s'est réellement déroulé ce jour-là à Eclipse était complètement inexplicable. On n'aurait jamais cru qu'un type ayant l'air aussi calme, simple et inhibé serait capable de telle agressivité sexuelle. Dans sa messagerie numérique, il décrivait lascivement au passé des scènes d'harcèlement sexuel, de viol et d'inceste qui sont des perversions sexuelles à classer dans les déviations de l'objectif sexuel. Parmi ces descriptions perverses, je me suis arrêtée sur la lecture de quelques-uns des textes qui m'ont transcendée. Il échangeait longuement avec plusieurs femmes des textes qui le peignaient tantôt dans une scène de viol, tel un agresseur essayant de forcer une victime non consentante; tantôt dans une scène de pluralisme sexuel, où il serait dans un groupe qui se consacrait à toutes sortes d'activités érotiques; tantôt dans une scène de sadisme, où il aurait une érection et un orgasme tout en faisant mal intentionnellement à sa partenaire qu'il sentait qui souffre; tantôt dans une scène de masochisme, où il aurait besoin de souffrir pour aboutir à la jouissance sexuelle : coups de fouet, griffure, morsures et divers mauvais traitements.
Alors qu'il s'apprêtait à enlever sa chemise pour s'asseoir ensuite sur le rebord du lit, à côté de Maude un peu perplexe. Il prit les mains froides de sa jeune libertine puis lui proposa sans hésitation.
- Voulez-vous bien essayer?
- Quoi? Mais non, pas du tout, rétorqua-t-elle d'un ton dénotant du caprice. C'est trop agressif. Je dirais qu'il vous faudrait de préférence une psychothérapie adaptée.
- Trouvez-vous que je ne suis pas normal ?
- Je ne dirais pas ça mais j'aurais préféré dire que vous êtes devenu fou. Néanmoins, j'aimerais plutôt découvrir ce qui motive chez vous ce désir déchaîné de jouissance et de variété qui m'intrigue ?
- Je n'en sais rien et c'est ce que j'aimerais découvrir avec vous. J'ai des extraits pornographiques sur mon téléphone. Si vous voulez, ça pourrait vous aider à vous mettre dans l'ambiance.
- Ce n'est pas important. Commencez d'abord par m'embrasser puis par me montrer votre membre.

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