Avanha Stone | Tome 1 : Pépé Dans Les Orties

Ça Tourne Pas Rond

Le lendemain matin, au lever du soleil, la neige recouvrait pratiquement toute la ville. Elle s'assit devant la télévision, posant son téléphone à côté d'elle au cas où James l'appellerait pour s'excuser de ne pas être venu au restaurant. Mais l'appareil resta totalement inerte. Ne trouvant rien de bien à regarder, elle ouvrit le livre recommandé par son amie.
Le roman était passionnant, Avanha commençait à sentir son esprit s'évader, quand le téléphone vibra brusquement. Elle le saisit maladroitement avant de répondre
"Oui, Mme Stone ? C'est M. Cleaving à l'appareil
- Ah monsieur ! Comment allez-vous ?
- Bien, bien ma chère petite, écoute j'ai un poste pour toi à Liverpool, ça te dirait ?
- Un poste vous dîtes ? En quoi cela consiste ?
- Eh bien figure toi que j'ai un ami qui lui même a un ami et cet ami dirige une agence de voyage, or il cherche une secrétaire provisoire en attendant d'en trouver une permanente
- Dîtes lui que c'est d'accord, je serai là demain, à 10h
- Bien bien ma petite, et à bientôt ! "

Monsieur Cleaving lui envoya le numéro de téléphone de l'agence. Elle le nota puis, alors qu'elle allait appeler un des hôtels les plus chics de Liverpool, ses yeux se posèrent sur Amiral qui s'amusait à poursuive son ombre. Saleté de chien ! Elle ne pouvait envisager de laisser ce pauvre toutou chez cette vieille dame à nouveau. Et puis, tant pis ! Elle réserva un somptueux hôtel pour une semaine. Les animaux étaient sûrement interdits mais elle ne comptait pas demander la permission.
Une fois qu'elle fut arrivée à Liverpool, elle dût passer à l'hôtel pour récupérer les clés et installer Amiral.
Lorsqu'elle vit que son animal avait enfin prit ses repères, elle appela M. Pomput, le dirigeant de l'agence qui lui dit de profiter de sa journée et lui donna rendez-vous le lendemain vers 8h pour qu'elle commence son job.
Elle avait prévu de voir une amie dans une petite brasserie qui jadis avait ouvert une agence près de la sienne. Les jeunes femmes se retrouvèrent à 13h autour d'un petit pichet de vin et de bretzels.
Aggie lui raconta qu'il y a peu de temps, elle avait acheté une agence en Italie qu'elle avait ensuite revendue à bon prix sur le marché. Avanha lui demanda par curiosité la raison pour laquelle elle avait vendu son entreprise.
"C'est pas pour moi, dit-elle avec une expression de dégoût sur son visage rondouillet, je préfère le calme d'un travail stable. Avec mon mari, on est partis au Canada mais le climat nous réussissait pas alors on est rentrés. Mais toi alors, qu'as tu fais pendant tout ce temps ?"
Le dos bien droit et les jambes croisées, elle raconta comment à l'aide de la police, elle avait démasqué un contrat politique illégal entre deux hommes importants en enjolivant, bien sûr, la réalité.
" j'ai entendu que tu avais déménagé de Londres pour t'installer dans un village ? Mais ma pauvre ! Tous ces vieux rabougris du cerveau doivent fortement t'ennuyer...
-C'est vrai que parfois je m'ennuie dans ce trou à rats mais tout le monde est très gentil, de plus je suis toujours à la recherche de petits jobs à droite à gauche pour m'occuper"
Elles parlèrent de la pluie et du beau temps jusqu'au café, quand Aggie déclara
" Écoute ma vielle, j'aimerais beaucoup monter une affaire avec toi. J'ai là deux grands PDG de marques qui veulent bien investir
- Deux PDG ? Et de quoi ?
- d'éléctro-ménager et de lessive
- pourquoi pas ? Après tout la vie campagnarde ne me réussit pas et j'aimerais me relancer dans les affaires. "
Aggie avait déjà repéré un petit local dans la capitale. Pour commencer ils pourraient se contenter de quatre pièces. Avanha examina minutieusement les chiffres. Elle semblait avoir tout étudié dans les moindres détails.
"c'est très cher, on ne sait pas si on aura assez de clients.
- Ne t'inquiète donc pas, mes deux amis sont là pendant encore quelques jours, prépare des bières et on se ramène chez toi après-demain soir pour parler affaires . Tu es convaincue ?
- convaincue, à demain
- Tu te doutes bien que j'ai besoin d'une petite participation mon chou ?
- Combien en veux tu ?"
Aggie énonça une somme astronomique et sortie un tas de documents. Avanha parcourue des yeux les données chiffrées, le front plissé par la concentration.
- Laisse moi réfléchir, je verrai après notre petite réunion."
Elle rentra chez elle vacillant légèrement sur ses escarpins, regrettant d'avoir bu et fumé autant.
Elle s'assit quelques minutes, histoire de souffler un peu, quand un jeune voyou essaya de lui arracher son sac à main. Elle se cramponna de toutes ses forces à son bien, réussissant à décocher un fabuleux coup de talon dans les parties intimes de ce monsieur qui s'enfuit sans demander son reste.
Autour d'elle les gens s'étaient arrêtés, la dévisageant. Mais aucune de ces "charmantes" personnes ne lui demanda si tout allait bien pour elle. Alors sans se retourner, elle continua ainsi son chemin. Elle ouvrit la porte de l'hôtel avec assurance et à grandes enjambées, rejoignit l'assenseur qui la fit monter au 5ème étage.
Quand elle se réveilla le lendemain, elle appela Tony pour lui annoncer cette bonne nouvelle.
Avanha lui raconta les grandes lignes, l'apero prévu le lendemain avec les deux grands PDG. Il y eut un blanc et sa jeune amie déclara avec un peu d'agacement "c'est quand même étrange
- Comment ça ?
- Et bien c'est bizzare que deux grandes personnes du business arrivent comme ça...
-Qui y a t il de bizarre ?
- J'aurais pensé qu'on aurait organisé une réunion entre vous, qu'on vous aurait mis en relation avec les gens de la pub, les agences de relations publique et tout le tralala.
-Non mais Tony quand je dis apero c'est plutôt réunion
- Depuis combien de temps tu n'as pas vu ton amie ? Les gens changent tu sais... Tu ne vas quand même pas lui donner cette somme alors que tu ne sais rien d'elle ?
- Je ne suis plus un bébé" rétorqua t elle.
" Je ne vais pas insister Avanha mais fais attention à toi. Allez bisous. "

Elle rentra de l'agence de voyage plutôt contente de son travail de secrétaire. Puis s'installa avec un bon café tout chaud et une cigarette électronique. Après sa conversation avec sa meilleure amie, elle n'était plus si sûre de vouloir donner ce chèque et décida de rendre une petite visite à Aggie pour parler un peu de ce qu'elle allait devoir dire lors de la réunion. Ne se souvenant pas de son adresse et voulant lui faire une petite arrivée "surprise" elle appela Annie car elle savait que celle ci aurait sûrement l'adresse de son ancienne amie.
"Avii chou ! S'exclama Annie d'une voix enjouée. Comment ça va à Liverpool ? Tu rentres bientôt ?
- Je ne sais pas encore, j'ai besoin de l'adresse de Aggie, tu t'en souviens ?
- Ce n'est pas exacte mais tu vois le quartier Croxteth ? Et bien c'est dans celui d'à côté que loge son petit couple. Dans la rue en descente, perpendiculaire. Tu cherches ensuite "famille Jack" et tu y es. Tu veux son numéro aussi ?
- Non non ça je l'ai. "
Elle salua son amie et raccrocha. Elle mit un vieux ciré jaune et sortie, le parapluie à la main sous la pluie battante. Elle se retrouva dans une ruelle crasseuse, les jardins n'étaient pas entretenus et certains abritaient des voitures rongées par la rouille. Elle regarda la boîte aux lettres de la troisième maisonnette "famille Jack".
Elle appuya sur la sonnette et un gros bonhomme à la svelte silhouette portant un jogging sale et des chaussons qui faisaient peine à voir, l'accueillit, la mine grincheuse.
"Allez vous faire cuire un œuf ! J'ai pas que ça à faire moi !" Il essaya de refermer la porte, Avanha tendit la jambe et la bloqua avec son pied. Celle ci sachant que si elle se présentait comme une amie de Aggie, elle allait se faire rembarrer, elle prit le parti de mentir pour essayer d'en savoir plus sur leur situation.
"Oh monsieur voyons ! Excusez moi de vous déranger, je suis vraiment confuse dit elle d'une voix haut perchée. Je travaille pour la télévision et je suis chargée de faire un reportage sur les différents quartiers de Liverpool."
Monsieur Jack se redressa et passa la main dans ses cheveux pour leur donner un peu de volume et déclara d'un ton assuré
" Ma p'tite dame chuis bien désolé. J'vous z'avais pris pour une de d'ses clochardes à la noix qui essaient d'nous vendre des trucs
- Ne vous inquiétez pas, je ne le prends pas mal
- Z'entrez entrez, et mettez vous z'allaise."
Le grand individu s'assit dans un gros canapé troué et Avanha se posa sur un petit tabouret, les genoux croisés, un carnet à la main.
" Alors mon bon monsieur ! Racontez moi votre vie...
- Ma femme, à cette époque j'la connaissais point, elle avait une entreprise dans les relations publiques puis elle l'a vendue. Elle était au chômage et toute tristounette. Alors vous pensez bien que j'allais pas la laisser comme ça. On est partis vivre dans un de ces putains de pays et elle y a monté un petit truc mais ça a pas marché pardi. Alors on est repartis ici sans aucun sous ! "
Avanha posa encore quelques questions et demanda :
Vous avez des enfants ?
- Non, et puis ça tombe bien. J'aime pas les mioches. Toujours à crier dans tous les sens. "
Avanha se leva et déclara que c'était tout pour le moment et sortie de la maison aussi vite qu'elle put.
Bon et bien maintenant je suis fixée. Son histoire de créer une agence avec moi, c'est du gros pipo ! Aggie n'aurait jamais les moyens de payer une telle somme pour les locaux en vivant dans ces conditions ! Pensa t elle.

Aggie s'engagea dans la petite ruelle lorsqu'elle vit la fine silhouette d'Avanha. Elle se depêcha de rentrer chez elle et hurla dans la maisonnette.
"Yve, est ce que Mme Stone est venue ici ?
- Qui que c'est ça ? Y a bien une bonne p'tite madame qu'est venue mais elle travaillait dans la télévision.
- Elle était grande, avec une peau bronzée et des grands yeux de biche ?
-Oui c'est ça !
- Pauvre con! C'était Avanha. Qu'est ce que tu lui as raconté ?
- Que t'étais une petite merde qui faisait chanter les gens ! Tiens, voilà. "
M. Jack se leva et sortit de la maison un cigare à la main.
Aggie se mit à arpenter le petit salon. Dire qu'elle aurait pu emmagasiner un paquet d'argent avec cette Mme Stone. Satané Yve !

Avanha fit ses bagages et appela l'agence de voyage en s'excusant de ne pas pouvoir venir les autres jours. Elle prit Amiral par le collier et sauta dans le premier train vers Londres puis prit un taxi qui l'emmena chez elle. Dire que sans les mises en garde de Tony, elle aurait été escroquée ! Elle lui devait une fière chandelle.