Chapitre 2

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La voix grave caresse mon âme avec la douceur d'une plume. Elle se fond en moi, éveille un puissant sentiment de familiarité. J'ai la sensation de connaître ce timbre, mais si je l'avais déjà entendu, je m'en souviendrais.

Je me retourne lentement, poussée par le besoin de voir l'homme capable de me perturber d'une seule phrase. Mon cœur accélère, ma bouche s'assèche. J'aimerais prétendre que c'est parce que je crains des représailles, mais je mentirais. Je n'ai pas peur. C'est en me répétant cette phrase que je redresse les épaules, prête à l'affronter.

Hadès.

Je sais qui il est grâce à son nom cousu sur sa veste sans manches. Je sais qui il est parce que je rêve de lui chaque nuit.

— Toi, murmuré-je.

J'ai devant moi le portrait que je dessine chaque matin à mon réveil. Celui-là même qui me hantait avant que je ne l'aperçoive en bas de chez moi, le jour de mon anniversaire.

Son aura de ténèbres s'étire vers moi, me caresse, me couvre avec l'aisance d'une seconde peau. Le souffle coupé, je recule de plusieurs pas. Un lampion tamisé éclaire ses traits taillés au couteau. Il possède une mâchoire solide, ombragée par une légère barbe noire. Elle est soutenue par une bouche pleine qui me donne envie de la dessiner. Son nez droit lui confère une certaine élégance, alors que ses yeux d'un noir intense clament la sauvagerie. Ses iris crochètent les miens pour ne plus les lâcher. Je perçois des touches d'or, comme de fins filaments en mouvement. Lorsqu'un sourire illumine son visage, l'or se mue en une teinte rouge brillant.

— Tu es entrée par effraction dans mon royaume, continue-t-il d'une voix traînante.

— Non !

— Non ?

Enfin, si. Les pensées écrasées par les écharpes d'ombres qui sortent d'Hadès et se nouent autour de moi m'empêchent de réfléchir. Il pousse un ricanement moqueur en passant une main dans ses cheveux couleur corbeau déjà emmêlés. Je décide de me concentrer sur son corps plutôt que sur son visage. Il porte un jean noir légèrement déchiré aux genoux, un tee-shirt à l'effigie du club des Nyx, de lourdes bottes de moto et... une ceinture à la boucle étrange : une couronne dorée sertie de pierres précieuses sombres. Je me demande si elles sont vraies.

— Je suis, euh... désolée ? minaudé-je pour briser cet affreux silence.

— C'est une question ?

Ses mots vibrent en moi avec une étrange intensité.

— Quoi ?

— Tu me demandes si tu es désolée, ou l'es-tu vraiment ?

Son ton narquois me tire une grimace. Ce type joue avec moi. Il a osé m'appeler « Princesse », alors qu'on ne se connaît pas. Je redresse le menton en dégageant une mèche brune de mon front.

— Eh bien, je peux tout t'expliquer. C'est une histoire très drôle qui n'a même pas besoin d'inclure la police, au passage.

— J'ai hâte d'entendre ça...

Je tente de ficeler un scénario plausible dans ma tête. Mon interlocuteur reste immobile, les mains glissées dans ses poches. Son regard posé sur moi me brûle avec la violence d'un tisonnier chauffé à blanc.

— Déjà, commencé-je, ce n'est pas ce que tu crois. Je ne suis pas entrée ici pour te voler.

— Qui te dit que je crois cela ?

— Je voulais vraiment entrer, continué-je sur ma lancée. Je voulais fêter mon anniversaire ici, parce que cet endroit est...

Empreint d'un pouvoir si grandiose que je le sens vibrer dans mes os.

LES DIEUX OUBLIES ♛ HADÈS ET PERSEPHONE ♛ Sous Contrat D'éditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant