Les Yeux du Pouvoir - Tome 5 : Bleu Police [Terminé]

Chapitre 9 - Défaut d'alibi

Arrivant au poste, Tanguy alla immédiatement faire enregistrer les carnets comme pièces à conviction avant de se plonger dans la lecture du premier, son calepin ouvert à côté, prêt à y inscrire les éléments d'importance qui pourraient les aider.
Laissant son coéquipier débuter seul cette tâche plutôt fastidieuse, Martial se rendit au bureau de Julie où il s'annonça de quelques coups contre la porte avant d'entrer. Même si ils se trouvaient tous deux sur leur lieu de travail et qu'ils se devaient donc de conserver une attitude professionnelle, qui ne permettait pas de trahir leur relation personnelle, Martial ne put retenir le sourire amoureux qui se dessina sur ses lèvres lorsque son regard se posa sur la jeune femme, ne sachant plus réprimer ses sentiments depuis qu'il les avait exprimés il y avait quelques années.
Redressant le visage vers lui, Julie partagea son sourire mais, revenant bien vite à leurs préoccupations professionnelles, son expression se fit plus grave et elle demanda à Martial où en était l'enquête. S'installant sur l'une des deux chaises faisant face à celle de Julie, séparé d'elle par le bureau, Martial lui rapporta leur entrevue avec Eléa suivie de celle avec Théodore Gacy, en omettant toute explication sur son absence soudaine de tantôt.
Lorsqu'il évoqua l'armée et les informations qu'il paraissait nécessaire d'obtenir d'elle, une grimace tordit les traits de Julie. Elle aussi se doutait qu'il ne s'agirait pas de quelque chose de simple, au contraire, cependant, ils n'avaient pas réellement le choix, il avaient besoin de ces informations pour leur enquête.
Par ailleurs, Julie, en tant que supérieure hiérarchique, estimait que ce serait à elle de se charger de ces négociations. Sans compter que ce serait bien plus aisé qu'elle contacte directement les militaires plutôt que de laisser faire les intermédiaires pour ensuite devoir s'occuper de la communication parce que l'armée exigeait de ne parler uniquement qu'au supérieur des inspecteurs ayant pris contact.
Julie annonça donc à Martial qu'elle tâcherait de récupérer les informations qu'il leur fallait pour leur permettre de plutôt se concentrer sur les autres aspects de l'affaire. Martial acquiesça puis se retira pour rejoindre Tanguy dans leur propre bureau.
Dès qu'il entra, Tanguy lui lança l'un des six carnets, qu'il rattrapa au vole, sans même se tourner vers lui. Martial fit rapidement défiler les pages entre ses doigts et il soupira face à la quantité d'informations à trier et relever que cela représentait. Autant s'atteler à la tâche immédiatement pour en terminer rapidement. S'installant face à Tanguy, il débuta sa lecture.
Le temps s'écoula durant de longues minutes, uniquement rythmé par le son des pages tournées et par celui du stylo de Tanguy sur le papier de son calepin lorsqu'il relevait un élément d'intérêt, puis on frappa à la porte de leur bureau, les tirant de leur lecture.
Sans attendre leur autorisation, mais au moins s'était-il annoncé avant de le faire, Irwan entra.
Avant que Martial ou Tanguy ne lui demande ce qu'il se passait, verbalement du moins puisque leurs regards reflétaient les questions qu'ils se posaient, le jeune homme s'expliqua :

« Je viens de finir de vérifier tous les alibis qu'on nous a donnés...
- Et ? Quelqu'un a menti ? Espéra Martial, imaginant enfin tenir une piste tangible mais Irwan ne parut absolument pas partager son enthousiasme alors qu'il acquiesçait sombrement. Qui ça ?
- (Irwan prit une profonde inspiration qui ressemblait à un douloureux soupir avant d'annoncer :) Aurore.
- Quoi ? Bondit Tanguy, ne pouvant y croire et comprenant également pourquoi on disait qu'il valait mieux éviter que des inspecteurs enquêtent sur des affaires qui impliquaient des personnes avec qui ils entretenaient des relations, surtout lorsqu'elle étaient de type amical.
- Ça m'a fait le même effet qu'à toi. Confia Irwan, l'air vraiment peiné.
- Bon, explique nous ce que tu as découvert. Le pria Martial, restant professionnel et, entretenant moins de liens avec Aurore que ses deux collègues, moins bouleversé par cette annonce.
- Et bien, elle nous a dit qu'elle avait été retenue à son travail le soir où Anastasia a été tuée mais, quand j'ai eu son supérieur au téléphone tout à l'heure, il m'a dit qu'elle est revenue à aucun moment et qu'elle est revenue que le lendemain à ses horaires habituels. Expliqua Irwan, les yeux bas.
- Donc, elle voulait nous cacher l'endroit où elle était... Réfléchit Martial. Il faut savoir pourquoi. Irwan, convoque la s'il te plait, qu'elle vienne immédiatement.
- Très bien... Souffla Irwan avant de quitter le bureau pour s'exécuter.
- Martial... Commença Tanguy lorsqu'il fut seul avec son coéquipier sans réellement savoir comment enchaîner.
- Tanguy, je sais que ce genre de situations peut être vraiment perturbant mais il faut absolument que tu restes pro et que que tu te laisses pas dominer par des émotions ou sentiments personnels, les laisses pas obscurcir ton jugement ou parasiter l'enquête, c'est la dernière chose souhaitable, crois-moi, même si c'est difficile pour toi. Crois-moi, si tu arrives pas à gérer cette situation, ceux qui sont pas ravis de ta promotion pourraient s'en servir contre toi et on pourrait nous retirer l'enquête. C'est pas ce que tu veux, je suppose.
- Non, bien sûr que non. Murmura Tanguy, la tête baissée.
- Alors garde la tête froide et fais comme si ça te touchait pas, assez pour que tout le monde le pense. Après, t'as peut-être même pas besoin de t'affoler. Y a des dizaines de raisons pour qu'Aurore nous ait pas dit la vérité sur l'endroit où elle était et c'est pas forcément parce qu'elle a quelque chose à voir avec la mort d'Anastasia alors pas la peine d'imaginer le pire directement, mais, au cas où, je veux être sûr que tu seras capable d'y faire face et que tu pourras faire ton travail comme on l'attend de toi, sans laisser des éléments personnels interférer. D'accord ?
- Je comprends ce que tu exiges de moi, c'est normal, mais même si je veux faire de mon mieux, je suis pas sûr d'en être capable... Mais je veux au moins essayer, même si je peux pas te garantir que j'aurai les réactions qu'il faut, mais je veux essayer ! C'est mon enquête à moi aussi, ma première en tant qu'inspecteur, c'est important ! Je vais faire mon maximum pour gérer tout ça, c'est promis ! Mais, si jamais je peux pas, finalement, j'essayerais de faire en sorte que ça ait pas de conséquences sur toi ou sur l'enquête.
- Tanguy, tu sais que, au fond, c'est pas trop pour l'enquête ou pour moi que je m'en fais ?
- Oui, je sais. Je vais faire de mon mieux, j'y tiens vraiment.
- Très bien, je te fais confiance. Par contre, c'est moi qui vais interroger Aurore. Je veux pas que tu sois là.
- Je peux au moins venir comme observateur, derrière la glace ?
- Si tu me promets d'intervenir à aucun moment et que tu empêches Irwan d'y assister aussi.
- D'accord, c'est promis. »