Chapitre 2 - Timothy

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Les odeurs de sueur se mêlent à celles suffocantes du déodorant et du gel douche masculin. Il fait une chaleur à crever dans le vestiaire collectif de la piscine de l'hôtel jouxtant notre lieu de shooting. Le contraste avec le froid polaire qui règne à l'extérieur est saisissant. Un amas de mannequins à un stade plus ou moins avancé de bodybuilding se tape dans le dos, et s'autocongratule d'être si bien gaulé. Je me sens autant à ma place au beau milieu de cet étalage de muscles et de testostérone qu'un nain à un banquet elfique. Dire que mes amis, les vrais, sont certainement en pleine partie de Donjons et Dragons à l'heure qu'il est. Mon mage a le bâton qui le démange. Et moi qui espérais soulager le mien ce soir, de bâton, c'est loupé.

J'achève d'enfiler mon pull de Noël où s'ébat un renne dont un œil dit merde à l'autre lorsque la grosse main de Max se pose sur mon épaule.

— Alors, tu vas conclure avec la petite blonde, Timmy ? On dirait bien que tu lui as tapé dans l'œil.

Oh oh, troll des cavernes sans cervelle à l'horizon. Pourquoi j'ai accepté ce job, déjà ? Devoir côtoyer ces types qui, malheureusement pour moi, ajoutent du crédit à la devise « tout dans les muscles, rien dans la tête » me devient de plus en plus pénible. J'ai beau être gentil, ils ont le chic pour réveiller mon côté seigneur des ténèbres.

J'ôte sa main encore humide, quand Alban renchérit tout en épongeant ses longs cheveux bruns dégoulinants :

— Tu vas t'amuser, mec. Elle a une vraie bouche de suceuse et un cul de salope.

Lui, il a dû faire un échec critique au moment de l'attribution de ses points d'intelligence. Je réprime difficilement une moue dégoutée et entreprends de lacer mes boots.

— Vous vous êtes entendu parler, les gars ? Personne ne vous a jamais appris le respect ?

Max ricane, sa serviette de toilette glissant dangereusement bas sur ses hanches nues juste sous mon nez.

— Le respect c'est moi qui leur impose quand elles se traînent à quatre pattes devant moi.

Si seulement je pouvais le changer en pierre, celui-là, ça ne serait pas une grande perte.

Je secoue la tête de dépit et leur lance un regard mauvais.

— Ça vous plairait qu'on parle comme ça de votre mère ou de votre sœur, sérieux ?

Ils lèvent les yeux au ciel de concert.

— Mais quel rabat-joie, se plaint Alban. Dire que Ben nous a certifié que t'étais un vrai bout en train.

Benjamin... la raison pour laquelle je me retrouve dans cette galère. C'est lui qui m'a demandé de l'accompagner à ce casting. Juste en tant que soutien psychologique. Soutien psychologique mon cul ! Mais j'avoue que lorsqu'ils ont parlé salaire, j'ai tout de suite révisé mon jugement sur le ridicule de me mettre à moitié à poils devant un objectif. Ma pote Lysa dirait que c'est de la prostitution moderne. Moi, j'y vois juste le moyen d'offrir enfin à ma mère ce qu'elle n'a jamais pu se payer en assumant seule les frais de notre foyer depuis mes 10 ans.

— Bon alors, tu l'as pécho ou pas ? renchérit Alban.

Ses paroles me ramènent à elle. Isabella Snow. Ma déesse des Neiges. Je repense à ses deux grands yeux bleus. Ils se sont métamorphosés lorsque j'ai réussi à la faire rire. L'instant d'avant, elle m'avait l'air aussi avenante qu'une porte de prison. Même son petit nez en trompette, et ses joues rondes ne parvenaient pas à faire fondre l'impression glaciale qui se dégageait de son regard. Mais ce rire... je devais bien avouer qu'il était carrément bandant.

Je me redresse pour enfiler mon manteau et me rends compte qu'ils n'ont pas lâché l'affaire. Je soupire. Ils ne me laisseront pas tant que je n'aurais pas contenté leur besoin primitif de commérages. On parle des filles, mais les mecs ne sont pas mieux quand il s'agit de ragots.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2022 ⏰

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