-Ikigai- | Kikesa [TERMINÉ]

Chapitre 19

Les gars sont en train de vider le garage, et de trier les affaires pour pouvoir les jeter correctement. Ils m'ont littéralement interdit de les aider, en précisant que je n'ai pas assez d'énergie, et que ça risquait de me faire encore plus de mal. Ça fait donc une heure que je suis assise par terre, à l'entrée du garage, contre un mur. Le plaid toujours sur mes épaules, avec la bouteille d'eau ainsi que les gâteaux que Steven avait ramené. Rémi passe devant moi en me souriant légèrement, avec des vieilles affaires en mains. J'en peux plus, il faut que je bouge, que j'aille faire un tour. Je me lève, et pose le plaid par terre. Tous les regards sont tournés vers moi. Je m'attache les cheveux en une queue-de-cheval basse. Je marche vers la moto, et prends le pantalon qui est posé dessus. Je déboutonne le mien, puis l'enlève. Rémi se place rapidement devant moi, dans l'incompréhension. Les gars détournent leurs regards. J'enfile le pantalon assez épais, et le resserre à la taille. 

-Lila qu'est-ce que tu fais ?

-Je vais faire un tour avec sa moto. Tu sais bien qu'un moment ou un autre, je l'aurais fait. Dis-je en mettant la grosse veste, que je ferme.

-Non Lila, je ne veux pas que tu y aille. Écoute, t'es exténuée, et il commence à faire nuit.

J'ouvre le sac au pied de la moto, et y sors un cache-cou, que j'enfile rapidement. J'y sors ensuite une paire de gants, avant de répondre à Rémi.

-Non toi, écoute moi. Je vais aller faire un tour, que tu le veuilles ou non. J'ai besoin de me vider la tête. Je t'en supplie Rémi, laisse moi y aller.

Je lui dis cela en mettant les gants, que je serre à mes poignets, et que je recouvre par les manches de la veste, que je resserre aussi. Je lui dis cette dernière phrase dans les yeux. Rémi et moi nous regardons, et il soupire avant de répondre.

-C'est d'accord. Fait attention sur la route.

Je lui souris et hoche la tête. Il retourne donc à ses occupations, tous comme les gars. Je sors les clés du sac, et le pose sur le plaid encore au sol. Steven s'approche, et se met en face de moi. Les gars nous regardent, ce n'est pas étonnant. Il s'inquiète pour moi, je le vois dans ses yeux. Il replace une mèche rebelle derrière mon oreille, avant que sa voix ne brise ce silence.

-Fait attention s'il te plaît, on tient beaucoup à toi.

-C'est pas la première fois que je conduis, ne t'en fais pas. Dis-je en souriant, puis reprends. Je veux que... que tu retournes à l'appart', avec Roméo. Les gars peuvent finir sans toi. Ajoute-ai-je en les regardant vite fait, avec un sourire. Occupe toi de Roméo, pendant une ou deux heures, le temps que je revienne. Dit lui que je suis parti faire un tour, parce que j'étais un peu triste, et que je reviens très vite. Fais lui un gros câlin de ma part, et dit lui aussi que je l'aime très fort.

-Je le ferais. Répond-il en souriant.

Je le remercie puis le prends dans mes bras. J'entends les gars reprendre leur boulot, avec quelques rires. Je me sépare de ses bras, et m'avance vers la motocross. Je replace bien le cache-cou, et mets le casque sur ma tête, en prenant soin de l'attacher. Je jette un dernier coup d'œil et un dernier sourire à Steven, qui me sourit en retour. Je monte sur la moto, et tourne la tête vers le trio, qui se sont rapprochés.

-Merci les gars, je vous aime.

Ils me sourient, et je me retourne vers Steven, et lui lâche un clin d'œil. Je baisse les lunettes sur le casque devant mes yeux. Je démarre la moto, qui fait un bruit qui me rappelle de nombreux souvenirs. Je pars enfin, tandis que je vois Steven rentrer dans l'immeuble, en me saluant. Après quelques minutes, me voilà enfin dans les rues de Nîmes. Une larme perle sur ma joue, je me vide la tête. Je passe par des routes très peu empruntées à l'heure qu'il est, ce qui me permet de rouler vite. Roméo adorait la vitesse. Pendant ses entraînements, il se surpassait, voulant prendre les virages plus vite, et plus serré. Dans les compétitions, il faisait les meilleurs scores. Ses adversaires en étaient jaloux. Il était doué, et son sponsor était incroyablement fier de lui. Je suis sûre qu'il l'est toujours aujourd'hui. Personne n'a dû faire de meilleurs temps que Roméo, même depuis tout ce temps. Il était passionné, et il était déterminé, peut-être même complètement fou. Il voulait toujours se surpasser, et c'est ça que son coach aimait chez lui. Avant la compétition, il avait un plan pour pouvoir dépasser un adversaire avant la ligne d'arrivé, dans le dernier virage avant la ligne droite. Son coach a refusé, en lui expliquant que c'était trop dangereux, que le virage était bien trop court et serré. Et il avait raison. Roméo l'a quand même fait. Il a voulu dépassé le premier, il le collait sur le côté. Il allait le dépasser, mais son adversaire a perdu le contrôle. Il est tombé, et a entraîné Roméo dans sa chute. Il est tombé sur le côté et s'est pris la roue de la motocross du concurrent en pleine tête, et sa moto a écrasé sa jambe. Il allait vite, alors il a continué à glisser sur le sol, sur presque une centaine de mètres. Il ne bougeait plus, et même avec le casque, ou les autres équipements, il a eu de grosses séquelles. Une ambulance déjà sur place l'a directement emmené aux urgences. Ils ne m'ont même pas laissé monter avec lui. Alors j'ai pris ma voiture et j'ai roulé jusque l'hôpital. J'ai attendu des heures en salle d'attente, en pleurs. J'angoissais à l'idée de le perdre, à l'idée qu'il soit mort. Un médecin est enfin arrivé, avec une mine qui ne disait rien de bon. Il m'explique alors que Roméo avait une jambe en compote, littéralement, que sa colonne vertébrale avait pris un gros choc, que plusieurs de ses côtes étaient fêlées ou cassées, et elles ont perforé certains de ses organes. Et enfin, il avait un traumatisme crânien, qui l'avait plongé dans le coma. Ils n'ont rien pu faire, il avait trop de séquelles pour pouvoir lui sauver la vie. Sa dernière phrase restera à jamais gravée dans ma mémoire.

"Toutes mes condoléances Madame, votre fiancé n'a pas survécu. Je suis navré de vous apprendre cette horrible nouvelle."